Prenez une vieille corporation sclérosée vivant grassement de ses privilèges, ajoutez un syndicat mafieux. Vous obtenez une paralysie générale qui asphyxie les entreprises, tue l’emploi et transforme l’ascenseur social en piste de bobsleigh. Ce n’est plus du déclassement, c’est le donjon des masochistes. C’est ce qui arrive à Marseille dure depuis si longtemps que des riverains passent maintenant par le port d’Anvers pour se faire livrer. Très régulièrement en grève, nos feignants de dockers marseillais ont été remarqués par la Cour des Comptes qui n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Moyenne de 13 jours d’absentéisme (en hausse de 44% entre 2004 et 2008), « gratifications » illégales (et non fiscalisées, le tout de la part des clients) jusqu’à €1.300 par mois entrainant des rémunérations situées entre €3.500 et €4.500 nets par mois, temps de travail hebdomadaire de 12 à 14 heures par semaine pour les portiquiers, grèves à répétition (avec, comme le raconte alors la presse : menaces, agressions, etc.)
François Chérèque, exclu des ports par la CGT, n’a pas hésité à dénoncer ses vilains petits camarades : le système syndical en place dans les ports français n’est « pas tout à fait démocratique ». Le Monde va loin, presqu’aussi loin que mon blog en commentant François Chérèque : « La situation syndicale dans les ports est bien particulière. Depuis la Libération, nous sommes dans un syndicalisme unique, où ce sont les syndicats qui font l’embauche, à savoir la CGT », a estimé le leader syndical, refusant toutefois de parler de « système mafieux ». Nous n’en sommes donc pas loin, selon Le Monde. Tout le monde est au courant des emplois fictifs ici, des CE grugés là.
La CGT coûte cher aux Français, mais c’est un peu notre exception culturelle. Les politiques vont parfois devant les tribunaux quand ils sont vraiment pris la main dans le sac à frauder, sauf autoamnistie qui tombe à pic. Mais les syndicalistes, vous ne les verrez jamais être poursuivis, voire condamnés pour avoir violenté des jaunes, pris en otage et menacé la vie de cadres ou volé des sommes considérables à une entreprise ou à la collectivité.
Votre serviteur a déjà lutté à Marseille contre une autre mafia syndicale, celle des transports collectifs. Aujourd’hui, d’autres acteurs prennent le relais, notamment le collectif « Touche pas à mon port !« . Cela signifie qu’une fois la lutte engagée, la résistance contre l’oppression syndicale peut s’organiser. Ce n’est pas un hasard si, après des années de dénonciations de leurs agissements, les syndicats voient leur image de plus en plus dégradée. Un sondage du Cevipof montre que les Français font davantage confiance aux grandes entreprises qu’aux syndicats. Ils ont entièrement raison. En l’occurrence, ce sont des milliers de PME qui sont affectées dans leur activité économique, bridées dans leur expansion à l’international, et des dizaines de milliers d’emplois perdus.
Le port de Marseille et la CGT ont cassé pendant de trop nombreuses années une dynamique qui aurait dû améliorer la qualité de vie d’une région aujourd’hui dégradée. À défaut de poursuivre les meneurs en justice (au moins pour la fraude fiscale et les actes de violence répétés), le pays doit ouvrir totalement la concurrence dans les ports français, rompre les anciens usages mafieux de corporation qui n’ont plus de raison d’etre. Plutôt que de faire mourir le port à petit feu, le risque d’une grève des quelques centaines de dockers et personnels administratifs mérite d’être pris. L’avenir de Marseille en dépend.