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Le marché de la dépendance en question

Publié le 10 février 2011 par Tnlavie


Le marché de la dépendance en questionLe grand chantier de la dépendance des personnes âgées est officiellement ouvert depuis jeudi dernier avec un projet de loi prévu pour l’automne 2011. A sa tête, notre ambassadeur santé et président Nicolas Sarkozy (NS), qui fait mine de s’interroger sur son financement :

* solidaire avec un financement par l’impôt, un endettement ou une augmentation des cotisations portant sur les revenus de travail

* ou bien assurance privée obligatoire?

Selon lui, la voie de l’assurance pour financer l’aide aux personnes dépendantes doit être explorée comme les autres mais il a assuré qu’il n’entendait pas « privatiser l’assurance maladie », on respire

;-)

Selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la dépendance concerne actuellement 1.2 millions de personnes et en touchera 400 000 de plus en 2040 (ce qui est loin d’être particulièrement dramatique). Elle coûte actuellement 21 milliards par an et est financée par l’AM et les caisses départementales pour un marché qui concerne actuellement potentiellement 20 millions de français. En 2025, cela représentera un coût de 30 milliards par an. Sachant que seule 1 personne âgée sur 5 est en mesure aujourd’hui de financer sur ses revenus son hébergement en maison de retraite, nul doute que ce sujet est capital. La question de la dépendance intéresse d’ailleurs une grande partie de la population puisque 78% des Français âgés de 35 à 75 ans disent être concernés par cette question, qu’il s’agisse d’eux-mêmes ou de leurs proches (82%), près des deux-tiers ayant déjà été, ou étant directement confrontés à la dépendance.

En 2007, devant le Sénat, NS avait annoncé qu’il « fallait développer l’assurance individuelle sur la dépendance« . Aujourd’hui, stratégiquement, il évoque une « nouvelle branche de la Sécurité Sociale » tout en s’interrogeant sur l’opportunité d’un « système assurantiel« . Selon toute vraisemblance, nous nous dirigeons donc vers un système mixte. Mais comment favoriser le recours à l’assurance prévoyance dépendance complémentaire quant seulement 20% des français se déclarent prêt à en contracter une?

Les assureurs font aujourd’hui profil bas face sur ce sujet extrêmement sensible. Car si le rapport UMP de Valérie Rosso-Debord, afin de démultiplier le nombre d’assurés et donc la capacité de prise en charge, préconise une souscription obligatoire des français de plus de 50 ans, les assureurs, en parfait libéraux, y voient surtout le danger de l’impossibilité de pré-sélectionner leurs clients avec en prime un cahier des charges élaboré par les pouvoirs publics. 

« Politiquement, le concept d’une assurance obligatoire est invendable« , estime un assureur, sous couvert d’anonymat. Il considère « plus réaliste de mettre en place une aide (chèque, incitation fiscale) pour que les Français puissent souscrire à des contrats dépendance« . Ben voyons, un financement indirect par l’impôt, tout bénef.

Les assureurs n’ont pas attendu le lancement de cette réforme pour se pencher sur la question. Le premier produit a ainsi été lancé il y a 25 ans par le mutualiste AG2R et depuis, les offres pullulent sur le marché : +4% par an. Cinq millions de contrats couvrent aujourd’hui ce risque en France, mais avec un CA jugé trop décevant. Pour les deux millions de contrats souscrits auprès d’assureurs (le reste relève des institutions de prévoyance), les cotisations ont atteint un peu plus de 400 millions d’euros en 2010.

La Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) est favorable à un système universel, qui couvre tout le monde, avec « la solidarité nationale pour les plus démunis« , puis au-delà d’un certain revenu, les assurés qui contribuent eux-mêmes, a indiqué son président Bernard Spitz. Le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (Gema) plaide lui pour l’inclusion d’une garantie dépendance dans les contrats d’assurance complémentaire santé. Selon les calculs du Gema, inclure une cotisation spécifique de 10 à 20 euros mensuels assurerait une rente mensuelle de 500 euros en cas de dépendance. Parallèlement, le secrétaire général du Gema veut rompre avec l’opinion qui présente ce marché comme un El Dorado. « Il s’agit d’un risque difficile » pour les assureurs, les prestations pouvant être versées sur des périodes longues, fait-il valoir. « Si des assureurs pensent qu’ils vont faire beaucoup d’argent (sur ce marché), ils se trompent« . Pour la présidente du Medef, Laurence Parisot, la messe est dite : «La voie de l’assurance privée obligatoire est la meilleure».

Du coté de l’opposition, les réactions ne se sont pas faites attendre. « En plus de payer pour leur santé, dont la couverture est de plus en plus grignotée par les franchises médicales et autres déremboursements, les personnes vont devoir souscrire une assurance privée pour leur perte d’autonomie, ce qui va leur coûter plus cher en étant moins efficace« , déplore dans un communiqué la secrétaire nationale du Parti socialiste chargé des personnes âgées, Charlotte Brun.

Le Parti communiste dénonce de son côté « la stratégie gouvernementale qui n’a d’autre but que d’offrir aux compagnies d’assurances, dont on connaît les liens avec le pouvoir, une nouvelle part de marché et des perspectives éminemment lucratives« .

Dans un communiqué, le président PS de l’Association des départements de France, Claudy Lebreton s’est alarmé des pistes ouvertes par le chef de l’Etat. Il « n’a pas hésité à affirmer que la prise en charge de la perte d’autonomie de nos aînés revenait avant tout à la famille et non à la société dans son ensemble, or, à l’inverse, c’est en premier lieu à la solidarité nationale d’assumer ce soutien quotidien et de permettre ainsi aux personnes âgées de finir leur vie dans la dignité« .

Outre son affection à promouvoir d’une manière générale les intérêts des groupes privés (une affaire familiale pourrait on même médire), chouchouter son coeur électoral cible est évidemment une priorité politique pour NS. Seulement, selon une étude TNS-Sofres publiée mardi par La Tribune, les Français plébiscitent l’intervention de l’Etat et non le recours aux assurances privées pour la dépendance: ils sont 75% à préférer le recours aux impôts ou aux taxes pour financer la future réforme. Curieusement, il n’est jamais par exemple question d’augmenter la CSG dont s’acquittent les retraités à un taux réduit par rapport aux actifs ni de créer une taxe sur les revenus du patrimoine des personnes âgées les plus aisées, proposition notamment défendue par une partie de la majorité. La suppression du lundi de Pentecôte, la célèbre « journée de solidarité », destinée à financer la dépendance a par contre bien été actée avec une discutable efficacité. Selon la députée socialiste Laurence Dumont, une partie des fonds récoltés (150M d’euros) a servi à « colmater le trou de la Sécurité sociale » alors que ces ressources étaient censées être sanctuarisées. Dans la Dépêche, Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) pointe une mauvaise gestion du budget. Selon lui, une partie des financement ont bel et bien servi à créer des établissements spécialisés mais il manque de personnel qualifié pour une prise en charge optimale des personnes dépendantes dans ces structures.

Le dossier de la dépendance est donc bien multifactoriel, et bien que la question du financement reste incontournable, il semble illusoire de penser que le résoudre se résume à confier sa gestion assurantielle au parc privé.


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