Magazine Journal intime

Ben Lomond National Park – Terrain d’Aventure

Par Elcaminoloco

Noël approche ! Enfin il paraît. Disons plutôt que ça ne le fait pas trop dans l’hémisphère sud, il fait beau, chaud, on a le jour du soleil jusqu’à 22h, et la majorité de mes amis sont orphelins comme moi! On remplace le snowboard par le surf, l’Alpinisme par l’escalade en T-shirt; après tout c’est pareil.

Mais chez nous aussi il neige ! Tout est possible en Tasmanie. J’étais parti quelques jours après Noël avec des amis pour ma première fois à Ben Lomond, et il nous a neigé dessus !

Ben Lomond

Ben Lomond est une montagne de 1573m de haut: des pierriers de partout, et des falaises de 200 à 300m de haut formées de dolérite. L’expérience est prenante, tout y est imposant, terrifiant. L’approche des voies est dure et les fissures ont la même taille sur 45m d’affilés, ce qui oblige à trimballer sur son baudrier beaucoup de coinceurs de la même taille. La roche est complètement vierge, pas un piton, pas un goujon, rien. D’ailleurs il y a énormément de polémique sur le simple fait d’installer un rappel tout en haut pour la descente, car quelques divergences d’éthiques en sont à la source.

Une voie m’avait fortement été recommandée de faire, Ramadan, 19 – 6a+. Deux longueurs, la première, une fissure de 45m , un véritable marathon pour les jambes qui finissent par avoir les bouteilles ! Pas de points de repos, interminable, pour un 6a+ c’est du solide. La cotation ne veut pas dire grand-chose retranscrite avec les grades français, car le système de cotation australien ne prend en compte que la difficulté du plus dur mouvement de la voie et non le fait que la voie sera longue et soutenue. C’est une cotation de type bloc.

Bref, sans rentrer dans les considérations techniques, j’avais décidé de faire cette voie avec un ami, Duncan, qui est à 98% aveugle, les deux pourcents lui restant sont pour la lumière et les formes qu’il aperçoit. Il n’en est pas moins un excellent second… normalement. Il y avait deux moyens d’accès, le premier était d’arriver au pied de la voie par le bas, en marchant un bon kilomètre et demi à travers les pierriers : assez long et dur pour un aveugle. La deuxième solution était de faire le tour de la montagne, d’accéder par le haut et de descendre en rappel au pied de la voie. La marche aurait dû nous prendre 1h, mais elle nous a déjà pris plus de 2heures. 13h passés, deux cuillères de beurre de cacahuète en guise de repas, on laissa les sacs en haut et ce fut partit pour le grand saut. Je commençai peu après la voie, tombai des les 2 premiers mètres qui sont les plus durs, et me dit que non c’est pas possible, c’est pas du 6a+ ! Au moins 6c. Je recommençai et luttai, mais finit par passer. Aucune prise n’est positive, seule la friction fait que l’on tient à la paroi, une sensation constante d’insécurité. Tant bien que mal, j’arrivai en haut de la première longueur sur une vire et installai mon rappel pour assurer mon second. Et là c’est le drame !

Le soleil, le manque de nourriture, et le mal de tête que Duncan trainait depuis la veille ont rassemblé leurs forces contre lui. Il lui a fallu 20min pour venir a bout des premiers mètres, puis chaque 50 cm de gravit l’était à la suite d’un terrible effort, de cris de douleur et de multiples chutes. Il lui aura fallu beaucoup d’encouragements, de volonté pour en venir à bout. Plus de deux heures lui furent nécessaires. Entre temps, son système d’assurage, utile donc pour m’assurer lorsque je grimpais en tête s’était fait la malle tout en bas.

Arrivé sur la vire, je lui demandai comment il se sentait pour la deuxième longueur : réponse claire et précise « MAL ». Je lui expliquai toutes les possibilités que l’on avait pour récupérer nos sacs et rejoindre le parking au plus vite. Je voulais du coup grimper la deuxième longueur, un peu moins dure, et lui demander une fois en haut s’il se sentirait capable de me suivre ou non, puis suivant sa réponse j’aurais pris nos sacs, installé une sangle pour descendre en rappel et nettoyé la voie… Je lui montrai comment m’assurer avec deux mousquetons puis me lançai.

Une fois la longueur fini, du bas de sa vire il me dit qu’il ne pouvait réellement pas me suivre. Je pris donc les sacs, installai une sangle et un mousqueton autour d’un rocher puis commençai à descendre. La descente fut HORRIBLE et bien plus dure que la monté. Les sacs étaient bien trop lourds, me tirant continuellement vers l’arrière. Chaque fois qu’il fallut retirer un coinceur, ce fut un véritable effort.

Duncan n’était plus qu’à quelques mètres en dessous moi. Il était tremblant et pâle. Tous ses membres s’agitaient de façon inexplicable « tu as froid ? Qu’est-ce qui se passe » – « je sais pas, ça fait 20 minutes que ça dure, je luttais pour t’assurer » . Il n’y avait pour moi qu’une explication, l’hypoglycémie. J’ouvris les sacs, étalai absolument tout sur la vire à la recherche d’eau et de beurre de cacahuète, et lui en mis une cuillère dans la bouche sans lui demander son avis. Désormais j’étais vraiment tout seul pour m’occuper de nous deux. Il était hors de question que je le laissa rappeler par lui même, trop effrayé par le fait qu’il put tomber dans les pommes. Je l’aidai à mettre ses chaussures, le descendis tout en bas, puis en fit de même.

Tout se passait plutôt bien, je savais exactement ce que j’avais à faire, il fallait juste le faire. Mais le plus dur arrivait, au pied de la voie, il fallait encore désescalader entre les arbres et la paroi. Je ne connaissais pas le chemin, tous les deux mètres que je descendais, il fallait que je les remonte lui dire où mettre ses mains et pieds. Heureusement il se sentait déjà mieux, toujours très faible, mais mieux. Au bout de 30 à 50 mètres de désescalade foireuse, nous étions enfin de retour sur le pierrier, sains et saufs, mais une longue marche nous attendait.

Les amis qui étaient avec nous s’inquiétaient, nous étions censés partir à 17h de Ben Lomond, et il était déjà 20h30. Ils étaient partis à notre recherche, deux par le bas (Crazy John et Yassu) et deux par le haut (Merry et un autre). Nous étions presque arrivés lorsque nous vîmes au loin deux têtes sortir de derrière les roches, Crazy John et Yassu. À 21h, nous étions au parking avec 4 heures de retard mais sans blessé, prêt à manger notre repas de midi !

Duncan passa me voir avec sa mère le lendemain pour m’offrir une boite de chocolat. Il se sentait d’ailleurs toujours malade.

Ben Lomond, ce lieu ne laisse personne insensible, cette montagne a un véritable pouvoir, le fait d’être éloigné de tout, qu’absolument rien ne soit équipé en font une expérience unique.


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