Magazine Journal intime

Melaleuca, South West Coast Track- Avril 2010

Par Elcaminoloco

Un des problèmes du chômeur, lorsqu’il l’eut été quelque temps, est qu’il peut être un peu rouillé et donc se fatiguer rapidement, il faut donc nous ménager. Heureusement, j’ai bien été pris en charge, et l’université s’est vue obligée de fermer ses portes le week-end de Pâques. C’est donc après deux semaines de travail que je me retrouvais déjà en vacances forcées. Plusieurs choix : week-end escalade à freycinet, mais il n’y avait plus de place dans la voiture, ou faire quelques jours de randonnée dans le sud-ouest de la Tasmanie. Il y avait cette randonnée que je voulais faire l’année passée, South West Coast Track :Melaleuca’s Track.

Je cherchais autant de renseignements que possible:

-il paraîtrait que cet endroit est gouverné par d’immondes sangs sus, je cours donc à Mountain Designs (équivalent à Décathlon) me prendre des guêtres ;

-certains ont dit que l’on peut s’y perdre et que l’on n’en revient jamais, je pars m’acheter une carte.

-il paraît qu’il faut un passe pour rentrer dans les parcs nationaux, direction la préfecture pour en acheter un !

-il paraîtrait même que des champs de boues cachent de véritables trous noirs dans lesquelles l’on peut tomber assez profondément! C’est foutu.

Prêt ? Non pas encore, mais presque, il faut réserver l’avion, un petit coucou à hélice qui emmène les randonneurs dans l’extrême sud-ouest de l’ile, à quelques jours de marche de la plus proche route goudronnée (100km). Je téléphone, « un vol pour dans deux jours c’est possible ? Vous êtes chanceux il reste juste une place pour le premier vol du matin » – « Parfait»

Mais quelle est donc cette mystérieuse randonnée ? Ce sentier a été construit par les explorateurs européens à partir de 1906 sous la demande de responsables en géologie. Elle traverse la magnifique côte sauvage du sud-ouest de la Tasmanie et est décrite comme l’une des plus belles randonnées sauvages au monde : plages, barrières rocheuses, forêts denses, landes, rivières à traverser. Le climat y est très rude, il pleut jusqu’à 2,4 m par an jusqu’à 250 jours sur 365. Le meilleur moment pour s’y aventurer est la fin de l’été, février. Partir début avril est encore passable ! D’ailleurs c’est bien pour ça que je suis parti seul, personne ne voulait s’y risquer.

Le départ était déjà une mission, Topher était venu tôt le matin me chercher pour m’emmener à l’aéroport. Mais deux compagnies font le vol Hobart-Melaleuca. Leurs sites internet ne sont pas très exhaustifs, et leurs lieux de décollages sont complètement à l’autre bout l’un de l’autre de l’aéroport. Après quelques vas et viens, à essayer de trouver le panneau, qui avait tourné du au vent, et indiquait la direction opposée, j’arrivai enfin à l’entrée de TasAir. Avec surprise, un jeune autrichien, pas très causant, un poil anarchique et mal dans sa peau (je suis un peu rapide, mais bon), que j’avais croisé une fois au mur d’escalade était de la partie avec ses amis: le monde est petit. Des commentaires affluèrent sur la taille de mon sac, et autour de moi, c’était un peu le concours à celui qui a la plus grosse, et à celui ou celle qui ramène Barbie Camping Car et tous ses accessoires inutiles avec dans son sac.

Au moment de la pesée des sacs, deuxième vague d’étonnement avec le pilote. «  7.5 kg, C’est tout ? Tu as un deuxième sac ? Une tente ? Un réchaud? ; oui , j’ai absolument toute ma vie sur mes épaules » . Ça surprend toujours, et encore je trouve que je me fais énormément plaisir: un reflex et ses deux objectifs prennent du poids, mais en valent réellement la peine.

Il est 10h, je monte à bord, heureux d’être à l’avant pour ma première fois dans un tout petit avion à hélice. Le spectacle est saisissant, pendant cette heure de vol, je suis passé au-dessus d’Hobart, j’ai effleuré les falaises du Wellington, vu les dommages causés par les feux et les bûcherons, suis passé à coté de Federation Peak, de nombreux lacs, et bien sûr j’ai pu admirer tout ce que j’allais avoir à traverser à pied pendant les prochains jours ( normalement de 7 à 9 jours de marche).

Melaleuca

Au bord de la piste d’atterrissage et de ses nids de poule vit un couple en parfaite autarcie. L’endroit est plutôt plat, je m’attendais à un atterrissage du type chaotique sur le Machu Picchu, mais non ! Une immense plaine, entourée de montagnettes. Ce n’est pas l’endroit le plus joli de toute la marche, et je déconseillerai à quiconque de venir à Melaleuca par avion juste la journée pour rester dans les parages, rien de transcendant.

Sitôt arrivé et la bouteille d’eau remplit, sitôt partis, hors de questions de rester avec des gens qui auraient risqué fort de me souler, et puis il est déjà midi passé. Au bout d’une petite heure de marche, j’aperçois deux marcheurs que je rejoins assez rapidement ; le dernier traine un peu la patte, et ce qui dépasse de son sac me fait dire EURÊKA ! Un cache sac vert fluo Quechua et un petit drapeau Breizh: Un Breton, un vrai, son allure boiteuse est évidente, il doit être en train de décuver. Bon la première impression était la bonne, la deuxième moins, simplement quelques grosses ampoules le handicapaient depuis quelques jours. Ils s’appelaient Mathieu (de Bretagne), et Marcus (de Suisse). Ces deux-là étaient bien plus sympathiques et sans prises de tête. Ils avaient déjà marché 5 jours dans la boue, avec les sangsues et la pluie, heureux de voir enfin le soleil. Marcus revenait d’un long trek dans l’Himalaya, Mathieu lui était en Visa Vacances Travaille (WHV) en Australie.

Point Eric, le paysage devint rapidement grandiose, plages de galets, puis de sable fin, des rivières riches en tanin avaient une couleur jaune rouille, et se laissaient finalement boire sans problème. Un lieu isolé conduit forcément à l’apaisement. Les rivières du début de la marche cassèrent le rythme, et forcément étant encore tout beau, tout propre, je n’hésitais pas un seul instant à retirer mes chaussures pour marcher dans 40 cm d’eau. Quelques heures après, on relativise sur l’inutilité de les retirer : trempé pour trempé, autant y aller franco ! La marche apaisante me conduisait naturellement à me laisser charmer et renouer des liens avec mon appareil photo ; toutes ces couleurs, ces contrastes dans la plus pure simplicité: l’étendue du sable, des nuages noirs et de l’océan.

Il était encore assez tôt dans la journée (16h), lorsque j’arrivai au premier site de camp, pour vouloir continuer quelques heures de plus afin de dormir sur la rive de la rivière Louisa. C’est une chose que je n’ai jamais vraiment su faire lors de randonnées, m’arrêter de bonne heure; je ne sais pas trop quoi faire le reste du temps, tant qu’il fait beau je préfère continuer de marcher et ainsi voir le plus possible ces paysages sauvages. J’abandonnais donc le reste de la troupe.

Le temps changea brusquement, disons que les nuages passèrent de gris à noir ! Après l’averse continue et le brouillard, il me tardait de rejoindre le prochain campement ; le terrain, tellement spongieux et les chemins les plus souvent infondés qu’il était hors de question de poser la tente hors de ces campements !

L’erreur ! Mais quelle erreur ! Eh oui, même à moi ça m’arrive. Imaginez l’ile de la cité, en version miniature et avec des arbres, des vrais qui ont la chance de respirer le bon air. Le campement se trouvait sur « l’ile », mais aussi après cette dernière, sauf que ce n’était pas indiqué sur la carte. Du coup le soir, il m’a fallut traverser à pied la rivière pour me poser sur l’ile, faire ma tambouille, dormir, puis me réveiller le lendemain matin et remettre ces chaussures un peu moins trempées que la veille.

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Après avoir traversé le deuxième bras de la rivière qui n’a rien de températures tropicales, je tombai sur la deuxième partie du campement ! Consternation et énervement ! J’aurai pu commencer la journée avec les pieds au sec. La vie est faite de choses injustes.

La lumière rasante du lever du soleil sur les Eucalyptus pleins d’eau m’a rapidement fait oublié ma terrible et inoubliable malchance. Tic Tic Tic Tic … je fis chauffer le déclencheur de mon reflex. Il y a des endroits comme cela où l’on fait 50m en trente minutes tellement chaque angle est un émerveillement. Mais une longue marche m’attendait, je voulais dans la même journée faire un détour pour rejoindre la baie Louisa, puis revenir sur mes pas pour grimper la seule grande montagne de toute la randonnée : l’Ironbound Range ( 905m). Lors de mon petit détour, je me suis retrouvé à faire un tour sur moi même, prendre un mauvais chemin qui se transforma en marche dans un cours d’eau, où la machette aurait pu trouver de son utilité, à passer au-dessus et dessous de racines d’arbres, à râler contre l’auteur de la carte, incapable de dessiner une colline de 50m de haut pourtant dure à éviter, et à tomber dans de nombreux troues de bous. Mais finalement je réussis à m’y retrouver et à rester en vie, prêt à affronter les plus hauts sommets.

Mathieu et Marcus ont fini par me rejoindre, dès lors on a passé plus de temps à marcher ensemble. Après la grimpe assez raide de l’Ironbound Range, j’aperçus une fois arrive au sommet une silhouette avancer assez lentement dans ma direction. Cette silhouette était celle d’un randonneur apparemment assez fatigué, que l’on appellera Didier dans la suite. Le malheureux Didier avait démarré tôt le matin, et avait fait la moitié de sa marche de la journée dans le temps qu’il faut normalement pour la totalité. Il ne semblait par pour autant plus soucieux que cela, et au contraire il prenait son temps pour nous parler. Mathieu avait trouvé auparavant sur le chemin un appareil photo en état de marche dans une flaque d’eau et avait été forcement tout heureux de pouvoir l’utiliser, mais la chance faisant bien les choses, le cours de la conversation amena Didier à nous parler d’une personne qui avait perdu le sien et lui avait donné son adresse au cas ou il le retrouva. L’échange fait, Ciao Didier. Ce n’était pas tout, mais vu son allure, et l’heure qu’il était, il ne lui restait pas moins de 8heures de marche, et il était déjà 18h. S’en suivit de bonnes crises de fou rire entre nous lorsque l’on repensait au pauv’ Didier,qui doit toujours pas être arrivé !

Peu de temps après, nous avons trouvé un petit coin de paradis, vraiment idyllique, à côté d’un point d’eau, une petite clairière sur le versant de la montagne où tout n’est normalement qu’un bush dense. Vu le peu de place qu’il y avait pour planter deux tentes, et puisque mes affaires étaient humides de la veille, Marcus et Mathieu m’ont invité à partager leur tente 3 places. Entre francophones on s’entraide.

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Troisième jour, les nuages semblaient toujours aussi menaçants, les chaussettes ne faisaient plus qu’un avec l’ensemble pieds chaussures et le muesli sec avait la bonté de faire travailler des le matin l’ensemble des muscles buccaux.

Cette journée fut néanmoins exceptionnelle, une très longue et assez difficile descente de la montagne à se faufiler entre les arbres, marcher dans l’eau, à se demander «  mais quel étant donc cet animal aux taches blanches » (un quoll). Au milieu de la journée, la progression avait été assez lente, mais nous étions enfin arrivés à la morbide Little Deadmans Bay, ou en français la petite baie du mort ! Sympathique n’est ce pas ? Icit il nous fallut brosser nos chaussures et retirer tous les résidus de boues pour ne pas transmettre de une maladie d’un endroit à l’autre du parc national. Nous étions de retour sur la plage, heureux de retirer ces fardeaux qu’étaient les chaussures et qui gardaient la peau de nos pieds aussi flasque que le bonhomme des pneus Michelin.

Après quelques kilomètres de sable blanc, et de vagues chatouillant nos orteils, nous étions entouré d’eau, d’un cote une large rivière de 300m, de l’autre le vaste océan. Mais il fallait franchir le cours d’eau. Le parc avait donc installé 2 bateaux de part et d’autre de la rivière, 3 traversées étaient alors nécessaires pour assurer que tout le monde puisse continuer de la franchir. Les barques avaient un équilibre plutôt précaire, et à trois dedans, tout devient rapidement épique, moi qui étais quasiment sec, je me suis retrouvé, au moment de pousser le bateau, trempé une fois de plus, provoquant un bon petit fou rire. La première étape consistait donc àaller de l’autre cote, puis une fois arrivé, il fallait y retourner en tirant derrière soit l’autre barque puis pour y revenir, de ce fait il y avait toujours une barque de chaque coté. Autant dire que j’étais heureux de ne pas m’être retrouvé seul à faire toute la manoeuvre. Ce fut l’un de mes meilleurs souvenirs de randonnée. En y repensant ce n’était pas grand-chose, mais cela rajoutait un intérêt énorme à la marche qui était déjà très riche en variété.

Nous avions eu le droit à une douce lumière aux tons pastellés, et à une eau d’un calme absolue. Precipitous bluff instaurait le respect au loin. Cette montagne s’accède uniquement à partir de là où nous étions, et prend au moins une journée de marche pour s’y rendre. Quelques voies d’escalade ont été ouvertes, mais bien sûr avec très peu de répétitions vu le sérieux de l’aventure. Peut-être un jour…

Les wallabies attendaient, les pademelons se faufilaient et les possums guettaient, nous étions encerclés OH MON DIEU ! Je redoutais l’entrée des possums dans ma tente comme à leur habitude lorsque je campe à Freycinet, je dirais que arrogance du possum de Freycinet n’atteint pas la cheville du ridicule possum de la cote Ouest. Du coup, j’ai passé une nuit réparatrice, sans cauchemars aucun, trooop facile.

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M&M’s (Mathieu et Marcus) avait décidé de passer la journée à un rythme un peu moins soutenu, et de profiter de la plage sous un beau ciel bleu. La tentation était grande. Je leur donnai mon adresse au cas où ils aient une soudaine envie de prendre une douche à Hobart à leur retour. J’ai tellement été aidé un peu partout que dès que je peux le faire, il n’y a pas d’hésitations, d’autant plus qu’ils étaient sympathiques.

Allez je vais me répéter, les paysages étaient magnifiques, mais le climat fut rude pour mon reflex, l’humidité y rentrait de partout, et beaucoup de mes photos présentaient de la buée. Puis ce fut au tour d’un grain de sable qui se bloqua dans le bouton de déclenchement de me créer des soucis. Mon autofocus était ainsi bloqué, et le calcul de la lumière ne se faisait plus, mais sans avoir encore compris pourquoi. J’étais réellement triste de ne plus pouvoir faire de photo, et pensait ne pas avoir le choix que de me séparer de mon reflex. Au bout d’une demie heure d’essais, je compris ce qui s’était passé, et j’avais redonné vie à mon non-animé compagnon de voyage.

Une tranche de pain pita désagrégée, quelques tomates séchées, du jerky, et une petite sieste passée sous le bruit des vagues, que demander de plus? De ne pas être dérangé bien-sur. (Attention, j’accentue ma mauvaise langue) Le jeune Autrichien anar et anorexique, Edgar de son prénom, avec son sac qui dépassait de sa tête d’un bon mètre, m’avait rattrapé. Il était seul, et marchait le regard vide, son visage ne reflétait aucun bonheur. Un bref signe de main pour me saluer puis il disparut. Nous nous recroisâmes quelques fois: il m’expliqua qu’il avait un coup de fil important à donner et qu’il avait donc été obligé de laisser ses amis pour aller plus vite. J’ai eu un peu plus de détails par la suite, ce coup de fil important était destiné à sa future ex-petite amie. Pourquoi pas, mais pourquoi ce subit changement de cap au milieu de la randonnée, sachant qu’il n’y pas de réseau. Pour remettre les choses dans leur contexte, il était en semestre d’échange en Tasmanie et comptait rentrer en Europe d’ici à deux mois. Apparemment la fille en question voulait se séparer de lui, et lui avait téléphoné pour le lui expliquer. Le ridicule de l’histoire est qu’en raison de l’inexistence du réseau téléphonique le long du chemin de randonnée, il avait reçu cet appel lorsqu’il était encore à Hobart, bien avant de partir. Mais c’est en plein milieu de nulle part que les connections synaptiques se firent, d’où son désormais comportement autiste : je me dépêche, ne profite de rien, et me fais pénitence … Hou j’ai mal ! Il se comporta donc un peu comme un pieux chevalier ridicule espérant revoir sa mie.

Je me moque, car c’est la chose la plus facile, mais je trouvais surtout tout ceci fort dommage de ne même plus profiter du temps présent dans ce lieu unique. Il n’était pas de compagnie très joviale, mais celle de la nature était par contre tellement à son opposé que je m’en accommodais sans soucis.

La journée était loin d’être fini pour moi, j’avais décidé de finir la randonne le lendemain et de pouvoir faire du stop avant la fin d’après-midi. Tout était parfait excepté les pieds constamment humides et la boue. D’ailleurs la boue, après ces champs interminables, je pensais en avoir fait le tour, mais des pièges s’y cachaient ! Des trous parfois énormes m’ont souvent surpris, je me retrouvai plus d’une fois avec de la boue jusqu’à l’aine, me disant que finalement le retour en stop risquerait de ne pas se jouer sur mes attributs vestimentaires, il faudra savoir utiliser la ruse !

Il était déjà 19h20, et il me restait quasiment deux heures de marches pour trouver de quoi camper. Mais grâce à ma tente super géniale que même Décathlon ne sait pas faire, je peux m’installer dans les endroits les plus petits. 3m carrés me suffisent amplement, j’ai pu donc planter ma tente entre les bushs, sur un point de vue à l’écart du chemin. Et quel spot, une vue imprenable sur la baie et ses iles au loin. Je doute que beaucoup aient dormi ici avant moi.

Il ne me restait plus que quelques heures de marche le lendemain matin avant d’atteindre Crockle Creek, le retour à la civilisation. Le vent et les vagues monstrueuses étaient de la partie. La côte à cet endroit est très escarpée, et est réputée pour être un des meilleurs spots de surf de la Tasmanie. Certains n’hésitent pas à marcher pendant quelques heures avec leurs surfs sous le bras pour atteindre ces vagues d’exceptions.

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À chaque cap, le regard porté vers l’ouest rajoutait une baie au panorama, puis vint la dernière plage, un dernier regard sur la pointe la plus au sud de la Tasmanie, et je m’approchais petit à petit de Crockle Creek.

Prochaine mission: rentrer en stop à Hobart, et avec un panneau d’entrée en « ville » qui indique « population 3 », c’est loin d’être gagné ! Edgar étais arrivé un peu avant moi, posté au parking dans les starting-blocks pour être prit en stop. Il était dans l’urgence de passer un coup de téléphone si vital pour la survie de l’espèce humaine qu’il en avait sauté son repas, et se comporta comme s’il était en sorte de compétition avec moi (j’aurai pu lui piquer sa précieuse place pour rentrer sur Hobart). Après avoir parlé et attendu un peu ensemble, j’ai voulu avancer au cas où il y aurait eu un meilleur spot, ou d’autres parkings à côté des campements. Une demi-heure plus tard, une voiture me dépassait bien que mon pouce fut sorti, je vis Edgar seul sur le fauteuil arrière me faisant signe. Le salaud ne leur a même pas demandé de s’arrêter ! Edgar, adieu.

Une heure plus tard, sombrant dans l’errance d’une ville trop ennuyeuse, une voiture enfin s’arrêta. Je me fis ami avec les deux gamins adoptés et partageais avec eux les fruits secs qu’ils me donnaient généreusement.

Quelques jours plus tard, M&M sont venus passer quelques jours chez moi, histoire de dépoussiérer les chaussures, et ont eu une sorte d’épique pour faire du stop afin d’aller chercher leur voiture qui était resté au milieu du nulle part Tasmanien.


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