Beaucoup de gens vivent dans la peur de se retrouver seuls, abandonnés par leur compagnon de vie, même quand leur relation va bien.
Si ce malheur les frappe, leurs symptômes sont sans équivoque:mal-etre, angoisseangoisse,panique, maladies physiques diverses, fuite dans l’alcool, etc.
Si leur séparation d’aujourd’hui est si douloureuse,s'ils éprouvent .la blessure d'abandon c’est qu’ils avaient été abandonnés dans l’enfance, parfois même quand ils étaient des nourrissons.Il leur faudra du temps pour faire face aux émotions de cet abandon initial qui les a convaincus qu’ils n’étaient pas dignes d’être aimés. Ces émotions, ils devront pourtant les affronter s’ils veulent recouvrer la santé.
ENTRETIEN avec le Dr. Daniel Dufour
Q. Selon votre expérience, le pourcentage de personnes qui ont vécu une forme d'abandon psychologique ou physique) pendant leur enfance est-il élevé ?
R. Même s'il est difficile de donner des chiffres exacts, il est certain que le pourcentage de personnes ayant vécu un abandon , ayant ressentiLa blessure d'abandon, est très élevé . Je me base pour dire cela sur une vingtaine d'années de pratique en cabinet privé, mais aussi sur les personnes rencontrées lors des différents conflits dans lesquels j'ai œuvré par le passé.
Q. Est-ce que la majorité d'entre elles se souviennent clairement du traumatisme de la blessure d'abandon ?
R. La principale caractéristique d'un « abandonnique » est de vous déclarer de façon péremptoire « que c'est un problème qui ne le concerne pas et qu'il n'a pas été abandonné dans sa vie ». Je dirais que c'est peut-être l'indication la plus sûre que cette personne souffre de la blessure d'abandon !
C'est ainsi que la majorité des personnes souffrant de la blessure d'abandon ne se souviennent pas en avoir vécu un et c'est la grande particularité de cette blessure : elle est « oubliée ». La personne fait tout pour continuer à l'oublier. En effet, d'une part, il n'est jamais agréable de se remémorer un événement ou une série d'événements douloureux. D'autre part - et cela est une des caractéristiques de cette souffrance -, une pensée est profondément ancrée en cette personne : « j'ai dû faire quelque chose de très grave et d'ignoble pour mériter d'avoir été abandonnée par ceux même qui étaient censés m'aimer et m'aider à me développer dans l'amour et la sérénité. » Du même coup, elle a très souvent honte de cela et ne tient pas à ce que cela soit découvert.
Il faut souligner qu'un abandon n'est pas forcément relié aux facteurs temps ou intensité tels qu'analysés par un adulte, ce qui fait qu'un événement anodin aux yeux de l'adulte peut en réalité être la source d'un sentiment d'abandon très profond vécu par l'enfant. Très souvent, une simple absence affective peut déclencher la blessure d'abandon : un enfant ayant été placé en couveuse à la naissance pendant un certain temps ou un enfant placé chez une tierce personne peut parfaitement souffrir d'abandonnite par exemple.
Q. Qu'appelez-vous « l'abandonnite » ?
R. C'est un néologisme qui regroupe le sentiment d'abandon, La blessure d'abandon, et les troubles physiques et psychiques multiples et divers éprouvés par une personne souffrant d'abandon, de rejet ou d'exclusion.
Q. Pourquoi avoir créé ce nouveau mot ?
R. Parce que les définitions actuelles de la langue française et les définitions de la psychologie classique à disposition sont insatisfaisantes à mes yeux.
Q. Quelles sont les conséquences si les personnes ne se souviennent pas d'avoir été abandonnées ?
R. Elles souffriront de cette abandonnite dont l'expression dans les composantes physique et psychique est multiforme, ce qui fait la difficulté de poser un diagnostic immédiat et péremptoire ! Mais je m'empresse de souligner que poser un diagnostic n'est pas du tout la chose la plus importante : c'est plutôt d'accompagner la personne à découvrir que les comportements répétitifs dont elle est consciente sont une façon de son corps de lui attirer son attention vers quelque chose de plus profond dont elle souffre, mais qu'elle désire ignorer pour les raisons dont nous avons déjà parlé.
Q. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à laLa blessure d'abandon ?
R. Comme je le mentionne souvent, mes patients m'ont tout enseigné. En recherchant les causes des maladies ou du mal-être plutôt qu'en se limitant qu'à ne traiter que les symptômes, fréquemment un épisode de la vie de la personne lors duquel un abandon a été vécu remonte à la surface. Je souligne que la plupart du temps cet épisode semble insignifiant à celle-ci et qu'elle ne fait pas immédiatement le lien entre ce dont elle souffre et l'épisode en question. C'est ainsi que je me suis rendu compte que l'abandon était très courant comme cause profonde d'une multitude d'attitudes sociales et affectives, allant de l'hyper agressivité au repli sur soi ou de la dépendance affective à la conquête à tout prix par exemple. Ces attitudes entraînent un mal-être et éventuellement des maladies plus ou moins importantes. Il faut souligner que lorsque la cause profonde de la blessure d'abandon n'est pas reconnue et traitée, les attitudes, le mal-être et les maladies éventuelles récidivent ou perdurent.
Q. Y a-t-il eu des moments où vous vous êtes senti impuissant en tant que médecin traitant ?
R. Votre question est vaste et mériterait un long développement sur le rôle du médecin. Pour moi un médecin est une personne qui est à l'écoute d'une personne dont le corps, via le mal-être, la maladie, essaye de lui parler et de lui lancer un message d'espoir. C'est au médecin d'accompagner le patient dans la compréhension et la mise sur pied d'un traitement afin de guérir. Le médecin n'est qu'un accompagnant et ne devrait en aucun cas être un homme de pouvoir dictant à son patient ce que la science et lui-même lui ordonnent de faire via une ordonnance et un traitement dans lequel le patient est passif et soumis. Par conséquent pour répondre à votre question, je vous dirai que je ne peux me sentir impuissant puisque je n'ai pas l'ambition de guérir mon patient, mais plutôt de lui permettre de découvrir de quoi il souffre et comment il peut se donner les moyens d'aller mieux. Aucun médecin ou thérapeute ne devrait se vanter de faire autre chose que cela ; en effet la seule personne qui a la possibilité de se faire du bien est le patient !
Q. Quels sont les rapports entre le mental, le corps et les émotions ?
R. D'abord, entendons-nous bien sur les mots utilisés. Le mot « mental » (appelé encore « ego ») est pour moi la partie de nous qui nous coupe de plusieurs choses :
- du moment présent, en nous paralysant avec la peur ou la culpabilité ;
- de nos émotions, en nous empêchant de les reconnaître, de les ressentir et de les exprimer ;
- de notre savoir inné, c'est-à-dire de notre intuition, de notre créativité et de notre noyau fondamental.
Les émotions quant à elles peuvent être regroupées dans trois familles : la famille des joies, la famille des tristesses et celle des colères.
Dès que le mental est actif, des tensions apparaissent ; nous ressentons alors dans notre corps physique un nœud à la gorge ou des crispations dans notre ventre, par exemple. Ces tensions lorsqu'elles restent un moment, peuvent se traduire par une fatigue, une difficulté à s'endormir ou des réveils puis, si nous ne sommes pas attentifs au langage de notre corps, par des symptômes et des maladies bénignes qui peuvent devenir plus agressives.
Notre corps est par conséquent notre meilleur ami, car il essaye d'attirer notre attention sur ce que nous faisons de « faux » par rapport à nous-mêmes. Au même titre il va nous lancer l'information que nous faisons quelque chose de « juste » par une détente, un mieux-être et une disparition des symptômes ou une guérison.
Nous constatons donc qu'il y a un lien direct entre notre corps et la non-expression des émotions bloquées par notre mental, qui est excessivement présent malheureusement dans notre quotidien.
Q. Expliquez-nous en quoi consiste votre méthode « OGE ».
R. OGE, comme vous l'avez remarqué, est un jeu de mot signifiant « ego à l'envers ». C'est une méthode qui découle naturellement de la définition que j'ai donnée du mental. Elle comporte trois piliers principaux :
1. éteindre le mental ;
2. reconnaître, ressentir et exprimer ses émotions ;
3. retrouver son savoir inné.
C'est un outil très performant qui est simple à expliquer. Par contre, il est vrai que très souvent ce qui est simple est difficile à mettre en application dans son quotidien !
Q. Est-ce que les victime de la blessure d'abandon doivent être suivies par un psychothérapeute pour se libérer de leurs blessures et des patterns qui en résultent ?
R. Dans la mesure où les personnes souffrant d'abandonnite le souhaitent, il est souhaitable qu'elles soient accompagnées dans leur recherche de mieux-être par un thérapeute. Son rôle devrait alors se limiter à aider l'abandonnique à reconnaître, à ressentir et à exprimer ses émotions et principalement l'émotion centrale ressentie par tout abandonnique : la colère. Il faut souligner que tant que celle-ci n'est pas vécue c'est-à-dire exprimée, la guérison est fort peu probable. Se limiter à comprendre, à en parler et à analyser n'est absolument pas la solution ni la voie à recommander…
Q. Que risque-t-il de survenir à ceux qui ne se soignent pas ?
R. Comme je l'ai souligné, le corps va continuer à adresser à la personne des signaux qui prennent des formes très diverses. Mais il n'existe pas une maladie spécifique (hormis l'abandonnite) que l'on puisse relier directement à l'abandon ; c'est ce qui explique la difficulté à mettre aussi le doigt sur le problème. Par contre la personne et surtout son entourage va remarquer les attitudes paradoxales adoptées par l'abandonnique dans sa vie sociale ou affective ; sans compter que le mal-être va s'amplifier pour déboucher vers des maladies qui peuvent passer du stade d'aigu à chronique ou de la bénignité à la malignité.
En résumé le corps va continuer à parler de plus en plus fortement jusqu'au moment où la personne va se trouver dans l'obligation de se mettre à son écoute.
Q. Comment se fait-il que les personnes ayant peur d'être abandonnées se comportent malgré elles de façon qu'on finisse justement par les abandonner de nouveau ?
R. Cela s'explique par le fameux cercle vicieux dans lequel la personne souffrant de la blessure d'abandon s'inscrit. À la base, la personne abandonnée a, au fond d'elle-même, la certitude qu'elle « n'est pas aimable ». Elle est convaincue du fait que, quoiqu'elle fasse ou vive, elle sera tôt ou tard abandonnée. De façon inconsciente (ou parfois très consciente), elle va tout mettre en œuvre pour être rejetée, abandonnée ou tout mettre en œuvre afin de ne pas l'être, quitte à ne plus se respecter du tout. Dans les deux cas de figure elle va se retrouver face à l'acte qu'elle redoute le plus : être " victime " d'abandon. Et cela n'est alors qu'une preuve de plus qu'elle ne peut être qu'abandonnée !
Q. Est-ce indiscret de demander où vous en êtes dans vos recherches et quels sont vos nouveaux projets ?
R. Mon plus grand désir est de diffuser aussi largement que possible l'importance des émotions dans notre vie quotidienne en tant qu'individu mais aussi en tant qu'individu appartenant à la société. C'est pour cette raison que j'ai fondé du reste le concept OGE et la méthode OGE. Regardons par exemple la violence autour de nous, le mal-être des jeunes, l'absentéisme dans les lieux de travail, l'absence de créativité dans la plupart des entreprises ; un lien direct entre les émotions non vécues et les exemples cités peut être facilement établi. Il est tellement aisé de remédier à ces maux à la condition d'oser aborder le sujet des émotions d'une façon originale et non dogmatique. Les instruments, les outils et les solutions sont présents et mon espoir est de pouvoir prendre une grande part dans ce challenge fabuleux qui est à la portée des individus et de la société. À nous d'utiliser ces moyens afin d'aider le monde à vivre plus dans l'ouverture et l'Amour.
Entretien avec Le Professeur Dufour, dans Alchymed