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De Gandrange à Saint-Nazaire, la faillite industrielle de Nicolas Sarkozy

Publié le 15 février 2011 par Letombe
De Gandrange à Saint-Nazaire, la faillite industrielle de Nicolas Sarkozy

Ce mardi, Nicolas Sarkozy se rend à Montmirail dans la Marne, pour parler de « la réindustrialisation des territoires ». Pour 2012, le candidat rode son discours industriel. Il évite les hauts lieux de son échec, choisit ses thèmes, filtre ses interlocuteurs. Il tient plus que jamais à quelques photos le micro à la main au milieu d'ouvriers casqués. Pour masquer son échec en matière industrielle, Sarkozy préfère les grandes entreprises aux PME, les grands chantiers à la production de masse. Pour deux raisons simples, cela se voit, et cela s'aide plus facilement.
De Gandrange ...
Depuis l'an dernier, la politique industrielle de Nicolas Sarkozy ne s'incarne plus à Gandrange mais à Saint-Nazaire. Dans les deux cas, Sarkozy avait trouvé des sites menacés par une concurrence étrangère implacable, de « vrais » ouvriers avec casques et bleus de travail qui faisaient jolis aux côtés du Maire de Neuilly sur la photo, et un savoir-faire français historique qui fleurait bon l'identité nationale.
Le candidat devenu président appréciait particulièrement de scander son slogan du « Travailler plus pour gagner plus » devant cette France qui se lève tôt et bosse dur. C'était aussi jubilatoire d'attaquer les 35 heures-pour-cadres qui auraient contraints la France populaire à se serrer la ceinture et à perdre des part de marchés ! A Gandrange, le site venait d'être racheté par une multinationale indienne, et Sarkozy le volontaire promit qu'il allait imposer au géant Mittal le maintien des emplois sur le site français. En février 2008, il fanfaronne, il vient de se marier deux jours avant avec Carla : « l'Etat est prêt à prendre en charge tout ou partie des investissements nécessaires. (...) Nous sommes prêts à faire le nécessaire, quel que soit le propriétaire car notre objectif c'est de garder des usines ouvertes en France.» Prêt à faire le nécessaire ?
Sans attendre la crise, Mittal avait décider de fermer l'implantation et, en mars 2009, l'aciérie de Gandrange ferme ses portes. « Sarkozy nous a trahis et Mittal est un imposteur » dénonce la CGT. Sarkozy ne revint pas sur les lieux comme promis. L'échec était trop symbolique. En France, la défiscalisation des heures supplémentaires avait surtout permis d'anticiper le ralentissement économique : dès avril 2008, l'intérim s'effondre. Au final, la récession et ses propres cadeaux fiscaux de l'été 2007 l'ont privé de toute marge de manoeuvre. Il se terre dans son palais élyséen. En octobre 2009, visite surprise. Sarkozy revient en cachette, sas prévenir les médias. C'est la mode des visites surprises pour éviter les constataires. Quelques semaines auparavant, il s'était pointé dans le coin, mais en évitant les stèles symboliques posées ici ou là en souvenir de ses promesses non tenues. Sans prévenir la presse, il déboule à la mairie de Gandrange et répète quelques annonces de soutien public vieilles d'un an.
... à Saint-Nazaire
A Saint-Nazaire, la situation est différente. L'Etat est actionnaire minoritaire des constructions navales, un secteur stratégique car gros fournisseur en technologie militaire. C'est bon pour l'image du Président-actionnaire du Monarque. L'interventionnisme public qu'il avait promis aux sidérurgistes de Gandrange, il le file aux constructeurs d'équipements militaires de Saint-Nazaire. Comme c'est commode !
Autre facilité, à Saint Nazaire, il suffit d'une ou deux belles commandes et le tour est joué ! L'activité du site est pérennisée sur quelques années. A Gandrange, un chantier ne suffit pas. Il faut des commandes récurrentes. Pour les chantiers de Saint-Nazaire, Nicolas Sarkozy s'est donc officiellement démené pour obtenir deux bateau de croisière (dont un Libyen), et surtout une commande russe de deux navires de guerre, au prix d'un très généreux transfert de technologie à l'armée russe et d'une brouille avec ses alliés de l'OTAN inquiets de cette trahison technologique. Aux ouvriers de Saint-Nazaire, Sarkozy promet aussi de belles commandes pour le grand chantier de l'éolien offshore : 10.000 emplois promis dans l'Hexagone, 600 éoliennes au large des côtes françaises, 10 milliards d'euros d'investissement. « Je viens vous dire que l'éolien offshore, c'est pour vous » a-t-il lancé le 25 janvier dernier. Des promesses sans engagements... On se souvient que le développement du photovoltaïque devait aussi générer des emplois en France. Faute de précautions, 80% des panneaux solaires subventionnés l'an dernier furent ... chinois.
A Saint-Nazaire, Sarkozy peut ensuite emballer le cadeau avec toutes sortes d'arguments sans rapport, et tout le monde n'y voit que du feu : « fond d'investissement stratégique », suppression de la taxe professionnelle, déplafonnement des heures supplémentaires, etc. On pouvait croire que le sauvetage de Saint-Nazaire était le fruit d'une véritable politique industrielle. Du grand art, mais du vrai pipeau. Il ne restait plus qu'à répéter, à deux reprises, qu'il avait au passage sauver le régime de retraites de ces pauvres ouvriers... et le tour est joué.
Communication industrielle
Cet exemple nazairien mis à part, les ambitions industrielles de Nicolas Sarkozy se résument à deux choses. Primo, jongler avec des milliards d'euros qui ne lui appartiennent pas, d'abord de la dette, puis ensuite de l'épargne : début 2009, le Grand Emprunt, soit 35 milliards d'euros ajoutés aux 210 milliards déjà empruntés chaque année pour financer le déficit budgétaire, servit comme prévu comme une formidable cagnotte électorale : non pas que les investissements décidés soient inutile. Mais avec l'Etat, ses administrations locales ou nationales, empruntent déjà, y compris pour investir. Le Grand Emprunt fut simplement une jolie opération « marketing », un label sarkozyen prêt à être apposé sur tout investissement public politiquement porteur. Nouvelle jonglette financière, Sarkozy agite depuis quelques mois l'idée de réorienter l'épargne des ménages vers les entreprises industrielles. Poche droite, poche gauche... Ainsi, le 25 janvier dernier, il promettait de diriger quelques 3 milliards d'euros issus de 75 % des dépôts supplémentaires sur les Livrets A et de développement durable vers les PME industrielles. On est ravi ! Déshabiller Paul pour habiller Jacques...
Secundo, s'attaquer au coût du travail. On s'étonne que l'idée n'arrive que tardivement. Les premières mesures du président élu, pourtant fiscales, ne visaient qu'à faire des cadeaux sans contreparties. Même la défiscalisation des heures supplémentaires n'avait que peu d'effet sectoriel. Depuis 2010, le président devenu candidat s'est surtout coulé dans le modèle allemand. En juillet, il nous annonce une réforme fiscale pour coller à la fiscalité allemande, et surtout faire disparaître l'encombrant bouclier fiscal et l'ISF. A l'automne, le discours se précise : il s'agit de corriger notre déficit de compétitivité. On ne voit pas le rapport, mais ce n'est pas grave. L'Allemagne caracole en tête de la croissance alors que la France se traîne.
Jeudi dernier sur TF1, Sarkozy a carrément « bouclé la boucle » en accusant les 35 heures d'être responsable du décrochage de compétitivité vis-à-vis de l'Allemagne... Plus c'est gros, plus ça passe... Sur les 800.000 emplois industriels détruits depuis 2000 (et non 500.000 annoncés par Sarkozy sur TF1), quelques 270.000 l'ont été depuis 2008, notamment à cause de la crise. Pire, la désindustrialisation de la France ne date pas de l'entrée en vigueur des 35 heures : plus d'un million d'emplois industriels ont été perdus entre 1980 et 2000; au profit de transferts vers le secteur tertiaire, à cause des gains de productivité et à la baisse de la demande des ménages. Les délocalisations, pointées du doigt comme l'une des conséquences des RTT franco-françaises, ne pèsent que pour 10 à 20% de ces destructions d'emploi, rappelle l'Expansion. Mieux, « en 2008, le coût salarial horaire dans l'industrie manufacturière était de 33,5 euros en France et de 33,2 euros en Allemagne, selon une étude du ministère de l'Industrie » notait le mensuel économique.
En France, la production industrielle a repris de maigres couleurs en 2010, dopée par quelques mesures de soutien non reconduites dès 2011 (prime à la casse, bonus/malus automobile, chantiers du plan de relance) : après des reculs de 2,7% en 2008 puis de 12,9% en 2009, elle a augmenté de 5,8% l'an dernier. Un triste score comparé à l'Allemagne et même l'ensemble de la zone euro, où la production manufacturière a respectivement bondi de 11,5% et 7,3% en 2010. Le niveau de production industrielle en France est simplement revenu au niveau de ... 1997.
Bref, à l'issue de son mandat, on a le sentiment d'un immense gâchis. Nicolas Sarkozy semble enfin découvrir que la France manque d'un tissu de grosses PME exportatrices. Mais il s'enferre dans une critique des 35 heures qui n'existent plus comme pour mieux excuser son agitation inutile depuis 2007.
A Montmirail, 4.000 habitants, Nicolas Sarkozy visite la société Axon'Cable, dont le PDG est aussi le propriétaire du château du coin.. Son déplacement est comme toujours encadré de cohortes de CRS. Il aurait pu visiter Revin, un peu plus loin vers les Ardennes, qui vient de subir la fermeture d'une usine Ideal Standard. Boris Ravignon, l'un des conseillers techniques du Monarque, pourtant élu local du coin, justifie : « Je serais le premier heureux de la venue du président de la République dans les Ardennes. Mais en ce moment, nous subissons une fermeture. Nous devons donc travailler d'abord à la réindustrialisation et puis on verra la suite. Ce n'est pas dans sa philosophie, ni la mienne, de venir avant que les choses soient faites ou de faire de la politique spectacle
Le candidat préfère venir quand les choses sont faites.
L'exemple de Gandrange l'aura donc marqué.


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