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Euthanasie : manifeste pour une liberté d’entreprendre

Publié le 09 février 2011 par Groupecharon
Dans la perspective des propositions de loi à venir sur la légalisation d’une forme ou d’une autre d’euthanasie, le Groupe Charon souhaite attirer l’attention du législateur sur un point particulier.
La plupart des textes préparatoires ainsi que des projets de loi antérieurement proposés prévoyaient que le geste euthanasique relevait d’une compétence médicale, semble-t-il motivés dans ce sens d’une part par l’idée d’une intégration du processus euthanasique dans un accompagnement global de fin de vie, dédié à des soignants en l’état actuel des choses, et d’autre part par la supposition que la maîtrise des instruments d’une euthanasie sans angoisse ni souffrance était liée à la maîtrise d’une pharmacopée et d’une gestuelle dont seuls les soignants auraient une expérience pratique.
Le Groupe Charon ne partage aucune de ces deux hypothèses.
Concernant le premier point, le fait qu’un acte d'euthanasie puisse venir conclure un processus de prise en charge d’accompagnement soignant n’implique à nos yeux aucunement qu’il en soit nécessairement dépendant ou y soit obligatoirement lié. De la même façon qu’un suicide durant un traitement anti-cancéreux vient en clore le cours sans qu’il puisse en être conclu que le suicide du patient fasse partie de la prise en charge anti-cancéreuse, un suicide assisté, ou par procuration , ou par délégation, vient certes interrompre un éventuel accompagnement mais ne peut intrinsèquement lui être lié.
Bien au contraire, nombre de soignants, tout en admettant la liberté pour un patient d’avoir recours à un moyen quelconque d’interrompre sa vie, n’accepteraient pas de participer eux-mêmes à un geste terminal. En quoi pourrait se fonder une obligation faite à un soignant de collaborer à un tel geste ? Les projets jusqu’à ce jour avaient d’ailleurs tous bien pris garde de préciser le respect de la liberté pour tout soignant de refuser sa participation, admettant par là l’absence de lien ontologique entre soins et acte euthanasique.
Concernant le second point, le fait que les soignants soient actuellement les seuls à disposer de la maîtrise et de l’expérience d’une pharmacopée et d’une gestuelle spécifiques ne signifie en aucun cas qu’une telle maîtrise ne soit jamais accessible à aucun autre professionnel. De fait, la technique de l’injection sous-cutanée est d’ors et déjà répandue au-delà des milieux soignants, jusqu’à certains milieux de soignés, tels que les patients atteints de diabète qui réalisent eux-mêmes leurs injections d’insulines, voire les font réaliser par un membre de leur entourage.
De même, la pratique de l’injection intra-veineuse, outre sa connaissance par tout toxicomane intra-veineux, quel que soit sa formation professionnelle, est une pratique connue et couramment employée par les thanatopracteurs. Le maniement des drogues utiles à la pratique d’une euthanasie, s’il autorise une pratique plus raisonnée entre les mains d’un médecin, ne nécessite aucune compétence biochimique lorsqu’il s’agit de respecter un protocole déjà rédigé et correctement validé.
Déjà plusieurs types d’activité professionnelles autorisent une atteinte à l’intégrité du corps sans imposer de diplôme médical ou paramédical : coiffeur, esthéticienne, tatoueur, poser de piercing ou de boucles d’oreilles, circonciseur rituel, rebouteux, bourreau, … De même, plusieurs types d’activité professionnelles autorisent la réalisation d’un acte conduisant à la mort, dans le respect de règles précises et contrôlables : boucher, employé d’abattoir, bourreau, militaire, forces de l’ordre, …
Ainsi, la constitution d’un corps professionnel, correctement formé et encadré, et indépendant des professions médicales ou paramédicales, ne serait en contradiction ni avec l’exigence légitime d’une prestation de service de qualité, ni avec une règle absolue qui interdirait tout acte conduisant à la mort. Bien au contraire, elle permettrait la compilation d’un corpus de connaissances et de compétences techniques aujourd’hui dispersées, au sein d’un corps spécialisé duquel il y aurait tout lieu d’attendre un niveau de performance élevé, s’appuyant sur une histoire pluri-millénaire des techniques de mise à mort. Elle permettrait enfin de libérer les professions soignantes du dilemme réel qu’elles craignent de devoir assumer douloureusement lors d’un retournement drastique de paradigme passant de la préservation de la vie à la suppression de la vie.
D’un point de vue purement économique, le fait de confier une tâche, dont on a mesuré l’ampleur dans notre billet du 23 Janvier 2011, à une profession soignante, dont on sait les limitations d’activité auxquelles elles sont déjà soumises, reviendrait à leur confier une mission théorique tout en leur interdisant matériellement de l’accomplir. Cela reviendrait de plus à priver de l’exercice de cette activité, et ce au mépris de la plus élémentaire justice sociale, tout ceux qui souhaiteraient s’y épanouir au bénéfice de la collectivité, en des temps où le marché du travail ne permet déjà plus d’offrir à chacun un emploi stable. Cela reviendrait enfin à faire capter par une profession installée un marché totalement vierge et prometteur, captation susceptible de donner lieu à tous recours sur la base des réglementations anti-trust, contre les abus de position dominante, contre la constitution de monopoles, et plus généralement contre les entraves à la liberté d’entreprise.
Pour toutes ces raisons, le Groupe Charon en appelle au sens de la responsabilité du législateur lorsque viendra l’heure d’examiner un prochain projet de loi visant à légaliser en France une forme ou une autre d’euthanasie, en particulier en ce qui concerne l’attribution des prérogatives euthanasiques. Qu’une réglementation entourant la profession soit alors indispensable ne fait dans notre esprit aucun doute, s’accompagnant de toutes les normes modernes de normalisation et de contrôle de qualité. Mais cette réglementation se devra parallèlement de veiller au respect le plus scrupuleux des justices sociale et économique.

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