Magazine Politique
Alors que Brigitte Girardin et l'équipe rapprochée de Dominique de Villepin consacrent une grande partie de leur énergie à arbitrer les éléments forts du projet pour 2012, le mois de février 2011 ouvre une séquence temps particulièrement intéressante.
Progressivement, les positionnements pour 2012 prennent corps.
La présidentielle française s'annonce comme une course aux émotions à une exception près.
Nicolas Sarkozy s'est engagé dans une campagne à l'américaine :
- surfer positivement sur les grandes émotions populaires avec une logique assumée de compassion,
- mettre en place une campagne négative très offensive contre ses concurrents.
Pour le second point, les charges récentes contre DSK sont le "faire part d'arrivée" dans la course 2012. La bataille pourrait être ensuite sur Internet via des spots de très courte durée.
Sur le premier point, c'est un choix particulièrement intéressant.
Nicolas Sarkozy s'essaie manifestement à une nouvelle communication principalement axée sur les émotions. Les derniers temps forts de sa communication tournent en effet autour de la gestion d'émotions collectives : le meurtre de la jeune Laetitia, la détention d'une française au Mexique ...
C'est un chapitre neuf dans la communication publique française.
Cette logique semble avoir été travaillée de longue date. Elle était d'ailleurs annoncée dans un article du Monde du 05/11/08 dans lequel l'un des conseillers du Président axait l'avenir sur l'émotionnel : "registre le plus fort qui donne de l'épaisseur humaine".
C'est un choix risqué. Tout d'abord, il n'est pas exempt de risques majeurs.
Dans le dossier de la détention au Mexique, l'opinion est surprenante. Un étranger en France impliqué dans un dossier "sensible" est supposé délinquant tandis qu'un français à l'étranger impliqué dans un dossier identique est supposé durablement ... innocent.
Cet exemple montre, si besoin était, que l'émotion chasse la raison, c'est son premier danger.
Ensuite, l'émotion du jour est vite chassée par ... l'émotion suivante. Il y a donc un second risque de surenchère permanente.
Enfin et surtout, en France, l'émotion doit être éloignée du Pouvoir. Un Pouvoir efficace prend ses décisions à l'abri des clameurs et des pleurs. Cette logique nouvelle casse cette tradition française. L'opinion française est-elle prête à une telle évolution ?
C'est un choix identique qui a été fait par les autres intervenants. La différence est dans le niveau de l'émotion : de "l'émotion colère" à "l'émotion révolte" ; c'est la gamme du PS au Front de Gauche et au FN.
Face à cette logique faite d'émotions et d'oppositions, Dominique de Villepin semble vouloir incarner bien davantage qu'une voix différente : une voix opposée.
Il reste à l'écart des émotions pour aller aux solutions concrètes.
Il reste à l'écart des oppositions pour appeler au ... rassemblement.
Ce sont là des choix majeurs. Il incarne une offre délibérément opposée et non pas une différence à l'intérieur d'une offre unique.
C'est un choix qui répond d'abord à sa personnalité et à son analyse personnelle de la situation actuelle. C'est probablement à terme le positionnement le plus distinctif.
Pour l'opinion, Dominique de Villepin est d'abord une voix (celle du discours à l'ONU). Il est ensuite un style.
Par ce positionnement, il revient à des fondamentaux qui doivent "parler à l'opinion". C'est une séquence importante dans la bataille à terme des pouvoirs d'évocations des candidats.
Dominique de Villepin s'installe dans le créneau de l'autre politique comme si c'était toute une logique de système politique qu'il fallait changer.