Magazine Politique

Mainstream de Frédéric Martel

Publié le 15 février 2011 par Leunamme

La culture "mainstream", c'est cette culture qui est destinée à plaire au plus grand nombre. Elle est le plus souvent d'origine américaine, notamment par le biais du cinéma, de la musique ou de la télévision. Américaine oui, mais plus seulement. C'est en effet tout le but de ce livre, nous faire découvrir qu'à l'heure de la mondialisation économique, la culture, du moins sa part la plus populaire, se mondialise elle aussi, et que d'autres acteurs veulent leur part du gâteau. De fait, c'est une véritable guerre qui se prépare, une guerre sans armes, où internet et les nouveaux outils de communication modifient profondément la donne en permettant à plus de monde d'avoir accès à tout ou presque.

Le livre se divise en deux parties. La première est consacrée à la façon dont les américains ont réussi à imposer leurs produits culturels au monde entier. Le modèle culturel américain est composé d'un savant protectionnisme intérieur, et d'un libéralisme à l'extérieur des frontières, libéralisme que les américains savent très bien imposer via les organismes internationaux comme l'OMC. Mais cela ne suffit pas, car pour prospérer dans le monde entier, les américains s'appuient le plus souvent sur les faiblesses des autres. Et quand ils n'en n'ont pas, où n'arrivent pas à passer outre la censure, comme en Inde ou en Chine, ils biaisent, fabriquent des films, produisent des musiques sur place, qui ressemblent à de la culture autochtone, mais qui sont américanisés. C'est là leur force essentielle, leur capacité d'adaptation. La seule chose qui comptent pour eux, c'est le contenu, et que celui-ci véhicule les valeurs américaines. A tel point que les principales majors musicales sont européennes, mais qu'elles produisent l'essentiel de la musique américaine.

La seconde partie du livre est consacrée à démontrer qu'il y a d'autres pays qui émergent et qui ambitionnent eux aussi de conquérir le monde des idées en diffusant le plus largement possible, leurs films ou leur musique. Il est à noter la part importante occupée par les produits télévisuels dans les pays dits émergents. Parmi eux, il y a bien sûr la Chine avec un marché intérieur potentiel d'un milliard 300 millions d'habitants. La Chine qui use et abuse de la censure pour rendre son espace intérieur impénétrable, mais qui peine à s'ouvrir sur l'extérieur.

Il ya l'Inde évidemment, avec elle aussi un marché intérieur colossal, et une culture basée sur le fer de lance qu'est Bollywood, ce qui lui a permis jusqu'alors de résister à Hollywood et de s'imposer dans toute l'Asie du sud-est jusqu'au Maghreb. Toutefois, depuis quelques années, alors qu'elle pense passer à l'échelle supérieure, c'est à dire mondiale, l'Inde se fait quand même mencer par les Etats-Unis, mais surtout par les pays du golfe et du Moyen-Orient.

Car c'est là l'autre intérêt de ce livre. Nous faire comprendre comment et popurquoi AL Jazeera jouit d'une telle importance dans le monde arabo-musulman, comment les pays arabes se livrent une guerre sans merci, comment l'Egypte a réussi à conserver une industrie cinématographique florissante. Ce passage là est d'ailleurs passionnant, car même s'il a été écrit avant, il n'est pas sans résonnance avec ce qui se passe actuellement dans cette partie du monde.

Avec d'autres chapitres consacrés au Japon ou à l'Amérique latine, on s'aperçoit que cette guerre est planètaire. Le dernier chapitre, celui consacré à l'Europe, montre qu'il pourrait cependant y avoir déjà un vaincu, l'Union européenne, qui pourtant avec presqu'un tiers de la production mondiale de contenus est pourtant en forte régression. Parce les différents pays qui la composent se recroquevillent sur leurs marchés locaux étroits, et surtout parce qu'il n'existe pas de culture véritablement européenne, comme il existe une culture arabe par exemple.

On l'aura compris, le propos de Frédéric Martel est passionnant. Non seulement par ce qu'il dit, mais aussi sur la façon dont il le dit. Il ne s'agit pas d'une thèse savante retranscrite par un chercheur. Non, Mr Martel a voyagé pendant des années dans le monde entier, rencontré tous les plus grands acteurs culturels partout. Ce qu'il retransmet dans son livre, c'est le résultat de toutes ces rencontres, de toutes ces conversations. Cela donne un livre vivant, intelligent sans être savant, agréable à lire, et très instructif.

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a beaucoup appris. Pour autant, je ne suis pas forcément en accord avec tout le propos du livre, mais je crois que Mr Martel a d'abord comme objectif d'interpeller et de favoriser le débat. Là où il imagine un bouleversement total de nos habitudes avec internet, je pense qu'il n'y aura qu'une cohabitation avec l'ensemble des médias déjà existants. Surtout, il est dommage qu'il ne se soit pas un peu plus apesanti sur ce qu'est réellement cette culture qui se diffuse partout et que l'on nous impose partout. Une culture au rabais, calibrée, où il n'existe aucune aspérité. Là ou les philosophes des Lumières voulaient cultiver les masses en leur apportant la culture, ils semble qu'aujourd'hui la culture serve d'abord à les abrutir.

Toutefois, il faut lire "mainstream", parce que c'est un livre sacrément intelligent, mais surtout parce qu'il bouscule pas mal d'idées reçues.

sur le sujet :

On trouve un très bon article sur le site de la revue critique.

Sur d'autres sujets :

ici-berlin s'intéresse aux meilleures photos publiées en 2010.

Les tribulations de la méli-mélo dans ce monde de brute (et injuste), c'est sur va-pieds-nus?

pensee libre revient sur les conséquences des révolutions arabes.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Leunamme 1306 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines