L’implication des pêcheurs dans la gestion locale, loin d’être une façon de laisser le renard entrer dans le poulailler, est plutôt la clé pour mieux gérer et protéger les ressources.
Le secteur des pêcheries commerciales ne fait pas vraiment partie de mes sujets d’intérêt intellectuel. Mais par un concours de circonstances, alors que je travaillais comme organisateur du Parti réformiste du Canada il y a quinze ans, j’ai présidé le Groupe de travail qui a élaboré la position officielle du parti sur les pêcheries. Une quinzaine de personnes – la plupart impliquées dans ce secteur en Colombie-Britannique ou sur la côte atlantique – composaient le groupe. Nous avons tenu des appels conférence à intervalles réguliers pendant plusieurs mois et rédigé un rapport qui a été adopté plus tard lors d’un congrès du parti.
Je ne me souviens plus des détails de nos propositions – c’est un dossier extrêmement compliqué. Mais l’un des points centraux était qu’il fallait remettre aux parties prenantes – la communauté des pêcheurs et des autres participants à cette industrie – une sorte de droit de propriété sur les ressources pour que celles-ci soient gérées de manière plus responsable.
Nous étions alors en pleine crise de l’effondrement des stocks de morue et d’autres espèces fortement exploitées, une crise qui a eu des répercussions économiques et sociales considérables dans plusieurs régions côtières de l’Atlantique. Le contrôle de la ressource par le gouvernement fédéral avait mené sans aucune surprise à cette surexploitation.
Les politiciens n’ont en effet aucun intérêt à long terme à préserver la ressource. Leur seul intérêt est de plaire à court terme et d’être réélus. On se retrouve donc toujours dans une situation de « tragédie des biens communs ». Chacun veut profiter à court terme de l’exploitation parce que s’il ne le fait pas, d’autres le feront à sa place. Le gouvernement en place n’a aucun intérêt à mettre fin au bradage des ressources parce que ça le rendrait impopulaire. Il préfère laisser les gouvernements futurs régler les problèmes. Quant aux bureaucrates de Pêches et Océans Canada à Ottawa, ils ne font que gérer des programmes et une réglementation déconnectés de la réalité et n’ont de toute façon habituellement pas les ressources nécessaires pour exercer un contrôle local efficace.
La même situation se reproduit chaque fois que la ressource appartient au gouvernement. On observe ainsi les mêmes problèmes dans le domaine de la foresterie, de l’eau, etc. Les étatistes croient erronément que c’est la « cupidité » du secteur privé qui entraîne cette surexploitation, alors que le contraire est vrai : c’est parce que la ressources est publique, c’est-à-dire « à tout le monde » et conséquemment à personne en particulier.
Une étude de grande envergure réalisée à l’Université de Washington et publiée le 5 janvier dans la revue Nature, qui s’est penchée sur 130 pêcheries dans 44 pays, en vient à des conclusions similaires. Selon les auteurs, l’implication des pêcheurs dans la gestion locale, loin d’être une façon de laisser le renard entrer dans le poulailler, est plutôt la clé pour mieux gérer et protéger les ressources.
Je n’ai pas lu l’étude. L’article dans The Gazette parle de « responsabilité partagée » entre le gouvernement et les parties prenantes locales, soit une sorte de partenariat public-privé, ce qui me fait toujours un peu peur. Les PPP sont un type d’arrangement qui peut être dangereux et mener à des résultats parfois pires qu’un contrôle étatique complet, parce que ni le gouvernement, ni les acteurs privés, ne sont vraiment tenus responsables, et chacun rejette le blâme pour la mauvaise gestion sur l’autre. Mais dans le cas des pêcheries, le pire est déjà survenu, et je présume que ce serait un pas dans la bonne direction. Les explications que donne l’article, à tout le moins, sont très sensées et me rappellent les discussions que nous avions il y a quinze ans.
The results showed that the framework, based on shared responsibility between the government and local fishers, is the « only realistic solution » to the problems fisheries face, said lead researcher Nicolas Gutierrez, who studies aquatic and fisheries science.
[...] « Many people believe that having fishermen involved in the management process is letting the fox guard the henhouse. What (this research) shows is just the opposite – that the more involved the fishing industry is in management, the better the outcome, » co-author Ray Hilborn said.
Major components identified in the co-managed fisheries studied included a leader who enforces guidelines based on community input, securing catch and ownership over an allotted space and protecting harvested areas for conservation.
Incorporating these components resulted in less illegal fishing, a greater abundance of resources and higher profits, Gutierrez said.
Hilborn said many fisheries can’t succeed under government management alone because some are so small that officials can’t devote the resources needed to monitor them.
On the smallest scale, the co-management system would include mayors and fishers from different villages agreeing to avoid fishing in each other’s waters.
Boris Worm, a marine biologist at Dalhousie University in Halifax, said the model « makes sense » because it provides fishermen, who have first-hand knowledge of the region, with ownership of a piece of the waters so they’ll take better care of that space.
He pointed to Canadian lobster fisheries on the East Coast – an industry worth nearly a quarter of a billion dollars – that have adopted the community-based comanagement method.
« It’s not by coincidence that it’s one of the most successful fisheries we have. It’s been sustained for more than 150 years and is economically very important to hundreds of fishers, » he said.
« When people have a sense of ownership over their resource, they absolutely want to make sure no one takes their lobster, and if somebody does, that person is ostracized in the community, and that’s a stronger penalty than a fine, » he explained.
Les droits de propriété, individuels ou même sur une base « communautaire » régionale, sont la meilleure façon de protéger les ressources naturelles. Au contraire, le contrôle étatique mène inévitablement au gaspillage, à la surexploitation et à la pollution. Il serait temps que les écolo-socialistes, qui prétendent se préoccuper de ces questions, sortent de leur bulle, apprennent quelques notions économiques de base et cessent d’appuyer des politiques qui ont toujours échoué.
Article paru dans Le Québécois Libre n° 285 du 15 janvier 2011, reproduit avec la permission de l’auteur.