[to read in English click here and go down the page] Lorsque Cyril et moi frappâmes à la lourde porte du Palais de Marc Fauvet (nom d’emprunt , évidemment !) du Caire, une esclave nubienne vint nous ouvrir et nous pria de la suivre dans un long corridor jusqu’à une gigantesque salle remplie du sol au plafond de milliers de coupes, trophées et diplômes sur Vélin d’ Arches, encadrés d’or fin. Tous ces trésors vantaient le courage, la force, le talent de notre hôte, Marc Fauvet. Pour les rares d’entre vous qui l’ignoreraient, pendant de longues années, celui-ci se distingua du reste de nous autres, pauvres pêcheurs en accumulant les plus hautes distinctions qui font la beauté de notre Art. Dès la petite enfance, il se disciplina à la difficile technique du lancer. Pas une journée ne se passait sans que le petit Marc ne lança quelque chose. Des galets, des pots de yaourt, des bébés chiots, tout était bon pour que, quelques années plus tard, il devint l’expert que tout le monde de la pêche à la mouche admire et jalouse. Et bien sûr, rapidement, il fit une fortune colossale dont témoigne aujourd’hui le Palais où nous nous trouvions. La porte du fond , ornementé d’une marqueterie figurant le propriétaire des lieux aux prises avec un requin blanc , grinça et le Maître apparu enfin, marchant avec difficulté malgré l’aide d’une canne en bambou refendue. L’âge n’a aucune pitié, même avec les êtres d’exception. Il nous invita à nous asseoir, une de ses nombreuses femmes nous apporta des rafraîchissements, et la conversation débuta.
« Cher Marc Fauvet. Tout au long de votre vie vous avez combattu avec succès les poissons les plus féroces, des truites les plus sauvage jusqu’au tarpon le plus gras. Aujourd’hui, qu’est-ce donc qui motive toujours votre enthousiasme pour la vie ? »
« Chers amis du Mouching. À mon grand âge, courir encore après des poissons de grande taille ne m’amuse guère. Sur ce point, vous avez raison. De ce côté, ma carrière m’a comblé. Et puis, depuis un certain temps, je commence à trouver ça vulgaire, tous ces gros poissons. Si vous me permettez la comparaison hardie, ce serait comme de vivre 24 heures sur 24 avec une femme qui posséderait d’énormes nichons. La sensation d’étouffement, suivie d’une syncope vous seraient rapidement fatale. Non, maintenant je préfère m’occuper de choses bien plus raffinées. »
« Quelle est donc cette nouvelle passion, cher Marc Fauvet ? » (Ce n’est pas son vrai nom, bien sûr !)
« Eh bien voici. Après la pêche des gros, l’idée m’est venue il y a quelques années, de m’attaquer à la pêche à la mouche des petites espèces, cheminement logique, sorte de pêche minimaliste si vous préférez. J’ai donc débuté mon expérience avec des vulgaires sardines. De toutes les sortes. En boîte, pas en boîte, à huile, à la tomate. En bref, j’étais devenu une sorte d’ expert ès- sardines. Par la suite, je m’ingéniai à affiner mon art et m’exerçais à traquer les alevins à la mouche. Et enfin, je m’attaquais à l’ultime but de mes recherches, je veux parler, bien sûr de la pêche du plancton à la mouche, exercice hautement périlleux et ardu, vous en conviendrez. Si je vous racontais combien de fois je me suis fait casser mon bas de ligne sur des planctons récalcitrants ! Je vous parle des planctons sauvages, bien entendu et non pas des planctons d’élevage. (Quelle honte ces élevages, entre nous !)
À ces mots, notre hôte se leva et s’empara d’un épais dossier sur une étagère dont il extrayait cette photo
« De quoi s’agit-il cher Maître ? »
” Et bien chers amis cette photo représente l’aboutissement de ma longue carrière. En effet elle montre clairement l’équipe « junior » de la pêche à la mouche du plancton de la ville de Minsk, en Ukraine. Équipe que j’ai l’honneur d’avoir formé et d’entraîner. En effet, place aux jeunes . Notre rôle ultime est de les aider de notre mieux afin que notre sport ne s’encroûte pas dans des habitudes ancestrales. Habitudes/servitudes ! »
Lorsque Cyril et votre serviteur quittèrent le palais de Marc Fauvet (ce n’est , bien sûr pas son vrai nom ! ) nous avions les larmes aux yeux.
When Cyril and I knocked on the heavy doors of the palace of Marc Fauvet (clearly, a fictitious name) in Cairo, a nubian slave opened the door and asked us to follow him down a long hall to a gigantic room that was filled from floor to ceiling with gold cups, trophies and diplomas on fine vellum framed in gold. All of these treasures gave testimony to the courage, the strength and the talent of our host, Marc Fauvet. For the person who might not know, for many years this personage distinguished himself from the rest of us poor fishermen in accumulating the highest distinctions that make-up the beauty of our art. From childhood he practiced the difficult art of casting. Not a day passed that the little Marc wasn’t lancing something; stones, jars of yogurt, puppies, everything was fodder to become, years later, the expert that everyone in the fishing the world admires and envies. And, to be expected, he quickly acquired a colossal fortune as evidenced by this palace where we find ourselves. At the back of the room there was a door which was inlaid with a marquetry depicting the proprietor taking a white shark; finally it creaked open and the master appeared, walking with difficulty in spite of his split bamboo cane. Age has no pity, even for exceptional beings. He invited us to sit while one of his numerous women brought refreshments and our conversation began.
“Our beloved Mr. Marc Fauvet. All your life you have fought, with success, the most ferocious of fish, the wildest of trouts, and the biggest tarpons. Today, what is it in life that motivates your greatest enthusiasm?”
“My dear friends from le Mouching; in my old age, running after big fish no longer amuses me. On this point you are right. My career was rich and filled with joy. And then, after a certain point, I began to find it vulgar, all those big fish. If you permit me the bold comparison it’s like living 24/7 with a woman who has enormous tits. A sensation of suffocation, followed by dizziness rapidly becomes insupportable. No, now I prefer to occupy myself with something new, much more refined.”
“Tell us then, what is this new passion, dear Marc Fauvet?” (The name is, of course, fictitious.)
“Well, here’s the story. After years of fishing for the big ones, I got the bright idea to fly fish for tiny fish; it tracks after all, a kind of minimalist fishing if you like. So for this new experience I started with the vulgar sardine; of all sorts. Canned, not canned. In oil, in tomato sauce. Briefly, I became an expert, a PHD in sardines. Later I imagined refining my art to the point of fly fishing for fry. And finally, I would attack the ultimate in my research, I speak of course of fly fishing for plankton, an exercise dangerous and grueling, you have to agree. I can’t tell you how many times I have broken my tippet on recalcitrant planktons. Of course, I’m speaking of wild planktons and not the farm raised sort (just between us, fish farming is shameful!).” With these words our host stood up, pulled a thick folder from the bookshelf and extracted this photo.
“What is this photo about dear sir.”
” Well, my dear friends, this photo represents the results of my long career. In effect . The photo shows the “junior” plankton fly fishing team of the city of Minsk, in the Ukraine. I have the honor to have created and trained this team myself. In effect dear friends, it’s to make room for the young. Our ultimate role is to help the young, as best as we can, so that our sport does not entropy with old habits. Old habits enslaves!”
When Cyril and yours truly left the palace of Marc Fauvet (that’s not, of course, his real name) we had tears in our eyes.