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Etat chronique de poésie 1134

Publié le 17 février 2011 par Xavierlaine081

1134 

Le temps ici n’a pas de prise. Elles viennent, leur progéniture en poussette. Elles ne volent rien au temps qui s’étire sans fin. 

Le temps ici n’est pas de mise. Tous s’embrassent et se connaissent sinon se reconnaissent. Le monde est si loin. Juste le bruit de fond d’une radio que nul n’écoute plus. Ils ont tant de chose à se dire. 

C’est un pays hors du temps, un pays arrêté au bord d’un route, au croisement d’une autre que nul n’emprunte, sans le sentiment de se perdre. Les autres passent en trombe, finissent parfois sur le toit, entre le mur rocheux et le lit d’une rivière impétueuse. 

Rien. Ils vivent dans ce rien qui donne sa vérité au terroir. Car ils y sont pour y vivre, ou y survivre. Il se trouvera bien quelques esprits chagrins pour les critiquer, trouver à redire au temps qu’ils passent au bar des quatre chemins. 

Ils ne font que s’inventer un monde hors de la portée de cette autre où l’on s’étripe, se torture, où l’on meurt la peur au ventre. Ils se sont fabriqué de toute pièce un petit univers douillet, sans grand moyen, avec ce qui reste quand la machine à broyer est passée. 

Ils ont payé leur loyer, ont cultivé leur jardin, puis, l’hiver venu, ils sont venus, là, dans cette atmosphère chaude où ils se reconnaissent. Ils savent ici pouvoir être entendus et compris. 

Bien sûr, il y a le fracas des tasses qui s’entrechoquent dans l’évier. Et la parole inaudible du poste qui s’égrène en continu. Mais lorsque l’un rentre, il ne peut passer sans un mot gentil pour l’enfant qui s’ennuie. 

C’est mercredi. L’école est fermée. Il faut bien faire quelque chose. Les fêtes sont passées par là, ont épuisé le maigre portefeuille. Alors on baisse le chauffage chez soi et on se regroupe entre soi, au café. Au moins, ici, on va pouvoir être humains : autre chose que ces numéros que d’autres s’acharnent à coller sur le dos des « assistés ». 

Mais si nous n’en voulons plus, que ne les payons-nous à faire ce qu’ils savent faire : vivre ! 

Les nantis aiment faire la charité. C’est leur caution de bonne conscience, dans l’univers qu’ils façonnent en guerriers. Puis ils vont, dans le haut-parleur qui s’égosille, clamer que ces aides, ces subventions, leur coûtent trop cher ! 

Eux n’en ont pas grand-chose à faire : ils vivotent, à l’abri de leur ultime paravent qui a nom d’humaine condition. Ils savent le lien plus important que tout, alors, ils le recréent là où personne ne s’y attend. 

Ils sont dans la fabrique d’un hors-temps, d’une marge qui s’étend et où s’écrivent des pages que le texte principal ignore. 

Quel importance peuvent avoir les mots des petites gens ? Quelles leçons auraient-ils à donner aux pédants qui causent et causent, sans savoir de quoi ils causent et ne s’adressent plus qu’à la petite élite, rétrécie, dans le petit quartier de page laissé, une fois la marge étendue ? 

Alors, eux aussi, ils causent entre eux, rient entre eux, regardent avec suspicion cet étranger débarqué sans prévenir dans leur monde et qui écrit, sur un écran, des mots qu’ils ne liront jamais. Car ils ont tant à faire à être dans l’échange entre voisins. Ils n’ont besoin d’aucun autre support que leur vie, pour écrire ce que l’existence leur inspire. Ils n’ont nullement la prétention à laisser une trace. Ils s’en moquent avec juste raison. 

Ils ne font que construire leurs jours, à l’horizon de leur seule existence : avec un début et une fin, souvent une faim, terrible d’être mieux reconnus. Ils avancent sans bruit. Le monde autour peut bien crever ! Tant qu’à mourir un jour, ils rêvent que ce soit le plus tard possible. C’est là toute leur ambition. 

Saint-Maime, 12 janvier 2011

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