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Que reste-t-il de la justice ?

Publié le 18 février 2011 par Copeau @Contrepoints

JusticeL’affrontement est rude, le Président n’a pas mâché ses mots, et les magistrats n’ont pas lâché le morceau. Il y a longtemps d’ailleurs que le torchon brûle entre Nicolas Sarkozy et les juges : le Ministre de l’Intérieur n’avait eu de cesse de reprocher aux magistrats de rendre inefficace le travail de la police. 

De leur côté les magistrats soutiennent qu’on ne peut leur reprocher de ne pas faire leur travail quand on les prive de moyens, et accusent l’Élysée de donner une lecture et une exploitation politiques à l’assassinat de Laetitia, en flattant le sentiment sécuritaire du peuple.

Mais pourrait-on, ici comme ailleurs, en venir au fond des choses ? Les problèmes de la justice française ne traduisent peut-être que la double carence, et des magistrats et de l’État.

Les magistrats français ont constitué depuis quelques années un groupe de pression actif. Le très puissant Syndicat de la Magistrature est idéologiquement engagé. Pour bien de ses adhérents, les individus ne sont pas coupables, car c’est la société qui les pousse au crime ; d’ailleurs la criminalité la plus haïssable serait celle des patrons et possédants, et les délits d’abus de biens sociaux seraient plus graves que les agressions ou vols à mains armées, enfin il faut réparer les discriminations dont sont victimes les immigrés et les communautés appauvries et exploitées.

Voilà des années que l’on entonne la même chanson, et ainsi le Président de la République trouve-t-il des soutiens dans des milieux sociaux très différents, souvent ceux des gens modestes.

Nous avons soutenu ici que la dérive des juges vient de leur formation. La France est l’un des rares pays au monde où les magistrats sortent d’une même école, qui a produit des générations de contestataires, pour lesquels le droit positif n’est que l’expression d’un rapport de forces sociales : le droit « superstructure », par rapport à l’économie « infrastructure », disait Marx. Dans ces conditions, il ne peut être fait aucune référence ni au droit naturel ni à la philosophie morale. 

Que peuvent être des juges fonctionnaires ? La réussite à l’entrée et au diplôme d’une école dont les programmes et les enseignements sont orientés par le droit social et le concept de service public est-elle un gage de qualité, d’impartialité, et de simple connaissance de la vie ?

Dans d’autres pays, les juges ont une légitimité démocratique : c’est le système américain, avec des élections aux plus hautes fonctions de la Cour Suprême. Dans d’autres encore, comme en Allemagne, les hauts magistrats de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe jouissent d’une totale indépendance. Enfin, et c’est sans doute le modèle le plus fiable, les Anglais ont des juges privés, issus d’une longue expérience dans les barreaux, et dont les talents sont reconnus par les plaideurs qui les honorent plus ou moins grassement. Nous n’avons rien de tout cela : des fonctionnaires, encore des fonctionnaires, dont le recrutement, la carrière et les traitements dépendent du bon vouloir de l’exécutif. Le Conseil de la Magistrature est une caricature de pouvoir judiciaire, puisqu’il est présidé… par le Président, chef de l’exécutif !

L’exécutif ne se prive pas de réduire les juges à la portion congrue. Cela ne date pas de Nicolas Sarkozy. Voilà des décennies que le budget du ministère de la justice est ridicule, il représente moins de 1% du PIB, €60 par Français et par an (ce qui classe la France au 35e rang sur ce critère). La justice manque de locaux, de moyens, d’auxiliaires et, pire enfin, de prisons. Les lenteurs et les complexités des procédures portent atteinte au bon droit des justiciables.

Mais l’État peut-il investir dans la justice, alors qu’il utilise l’argent public à des interventions dites économiques et sociales. Ne faut-il pas subventionner la tourbe des subventionnés, des indemnisés, des privilégiés ?

Il n’y aura pas de justice en France tant que l’on n’aura pas recentré l’État sur ses seules fonctions « régaliennes », en application du principe de subsidiarité. Que l’État se contente de faire ce qu’il est le seul à pouvoir faire : la production de biens publics comme la justice, la police et la dépense. Globalement cela ne devrait pas dépasser 15% du PIB. Or, nous en sommes à 55% : les 40% d’écart représentent les débordements de l’État. Donc l’État ne fait pas ce qu’il devrait faire, et fait mal ce qu’il ne devrait pas faire.


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