Magazine Cinéma

Histoire de famille et de racisme ordinaire

Par Isleene
On a tous un jour ou l'autre entendu la phrase qui tue "Moi, je ne suis pas raciste mais...". Comme on a tous une grande tante ou un oncle que l'on a envie d'étriper pendant les réunions de famille. 
Partant de ce postulat, pour mon retour, je te parle de ma grand mère, de racisme et de Noël... Pas nécessairement dans cet ordre d'ailleurs.
En revanche tu es autorisé cher lecteur à compter les points FN (une des nombreuses variantes du Point Godwin).
Alors dans ma famille maternelle je les cumule.
Une grand mère face à laquelle j'essaie de rester zen et un oncle face à qui je ne suis pas zen du tout (en plus ce n'est pas mon oncle... c'est le mari de la tante) (non je ne fais pas de mauvais esprit jamais).
Parce que ma grand-mère je l'aime bien, elle fait le meilleur couscous que j'ai jamais mangé et elle est cultivée. En fait c'est comme une peinture. Plus tu la regardes (ou en l'occurence tu l'écoutes) plus tu découvres de nouveaux mondes fascinants. Sauf qu'elle a un tic de langage et tu peux être sûr que peu importe le sujet de conversation initial tu finiras par entendre "Non mais tu comprends, MOI j'ai vécu 20 ans au Maroc alors les arabes je les connais"
Vous releverez l'importance et le placement du "moi" dans ces deux phrases type (pardon je m'égare déformation professionelle)
Alors dis toi qu'en vingt et quelques années je ne m'y suis jamais faite et que je bouillonne toujours intérieurement. Mais sinon à part ça, elle n'a rien contre les asiatiques ou les latins. Non ya juste cette petite épine qui dérange son monde parfait.
Donc j'en reviens à l'idée inspiratrice du billet. J'étais encore en clinique quand elle est venue me voir deux ou trois jours après la chute de Mubarak (que j'ai totalement raté, je suis chagrin).
Et elle m'a prise en traitre.
Oui à moitié assommée par les calmants mon cerveau tournait au ralenti, quand elle a commencé à m'expliquer la géopolitique du Moyen-Orient.
Parce que oui quand on a vécu 20 ans au Maroc et que l'on est parti au moment de la décolonisation on est compétent pour parler du Yémen actuel. Et bien sûr elle a commencé à pronostiquer sur les manifestations en enchainant sur ses vacances de Noël à Marrakech dans la sublime maison que son beau-fils a acheté. (le même oncle déjà mentionné plus haut) (Remarquez cet habile glissement entre la contestation d'un peuple et ses vacances, c'est digne de MAM, je sais j'ai honte)
Joie! Bonheur dans mon esprit cynique! Dans un élan de lucidité, je parviens à dire que j'espère qu'il sera obligé de fuire le pays pendant une révolte et que ça lui apprendra à jouer les néo-colons en se faisant traiter en nabab.
Et puis sans prévenir elle m'a porté le coup de grâce.
"Quand j'étais là-bas, je suis partie faire quelques courses avec ta tante et je ne sais pas pourquoi en ce moment elle a la folie acheteuse. Alors je rentre dans une échoppe, poussée par le vendeur, tu vois comment ils font ces gens là, ils te touchent le bras, essaient de t'entrainer dans leur magasins et en plus ils parlent fort. Et il y avait de jolies armoires en bois, peintes. Alors ta tante en a voulu une. Mais tu vois, j'ai regardé de plus près la peinture. C'était de la mauvaise qualité. Un vrai travail d'arabe"
La aussi vous remarquerez l'utilisation dédaigneuse du "ils" de "ces gens là" et "la-bas"
Et là pouf Isleene elle est restée mortifiée sur son lit.
Parce qu'Isleene elle ne comprend définitivement pas les gens, et encore moins sa famille. Elle ne comprend pas comment on peut être aussi intolérant envers une population ciblée. Et ne me dites pas qu'elle a été traumatisée par la décolonisation. Elle avait le même jugement sur ses domestiques gens de maison avant.
Alors maintenant que tu as cerné le personnage, imagine mes diners de famille où j'essaie de ne pas hurler sur les gens quand ils sortent des trucs pareils. Parce que dans ma famille il y a un argument qui se transmet de génération en génération "Non mais si maintenant on a plus droit à l'humour" 
Alors à Noël (je déteste noël), il y a 3 ans, dans cette ambiance bien familiale, entre la dinde, le vin et la discussion politique sur l'immigration j'ai ouvert ma grande gueule.
Malheur j'ai brisé l'esprit de Noël. Oui le pauvre il s'est retrouvé en miette sur le tapis marocain, on a jamais pu le reconstituer.
Parce qu'il parait que ça ne se fait pas de faire taire son oncle, de lui dire ses 4 vérités en le traitant de misérable raciste et faciste (et un peu de con aussi). 
Mais tu sais quel est le drame dans tout ça? C'est que je suis partie en claquant la porte et surtout que j'ai raté la buche!! L'autre drame c'est qu'il ne m'invitera jamais dans sa "merveilleuse et sublime" maison de Marrakech.  Ha non en fait ça se n'est pas un drame, j'irais à Beyrouth à la place.
Mais par dessus tout, le pire c'est qu'après coup, on est venu me dire "Mais Isleene on est d'accord avec toi, mais quand même ça ne se dit pas c'est un membre de la famille".
Et là je comprends pourquoi je n'ai jamais présenté mon ex-copain à ma famille. Il aurait passé un très mauvais moment le pauvre. Parce que tu comprends "ma petite fille blonde aux yeux bleux avec quelqu'un comme ça" c'est l'AVC doublé d'un Infarctus immédiat. Quoi que c'est une idée pour hériter plus vite
Alors pour mon prochain repas de famille, par pitié kidnappez moi ou offrez moi l'asile. Je vous en serais éternellement reconnaissante.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Isleene 4 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog