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Histoire ou mémoire ?

Publié le 20 février 2011 par Marx

Une texte de Denis Collin 'extrait)

Ce texte reproduit une intervention prononcée lors du colloque "Quelle histoire pour quelle mémoire?" qui s'est tenu à Chateauroux le 31 mars 2001.

Puisqu’il m’appartient d’ouvrir cette journée consacrée aux rapports entre l’histoire et la mémoire, je dois d’abord m’expliquer sur le titre donné à mon intervention. Un discours largement répandu nous fait le devoir, à nous professeurs, de "fabriquer de la citoyenneté". Sans doute parce que le citoyen est devenu plus que jamais un être problématique. L’une des composantes majeures de cette nouvelle citoyenneté est incontestablement le "devoir de mémoire", devenu un véritable impératif catégorique. De ce devoir de mémoire, on attend la naissance ou la renaissance d’une "culture commune", de valeurs communes qui puissent contribuer à forger chez nos élèves, chez les citoyens de demain la conscience d’appartenir à une communauté politique, avec ce que cela implique de droits et de devoirs. Ce devoir de mémoire, qui concerne d’abord essentiellement le crime contre l’humanité et l’extermination des Juifs d’Europe, tend à s’étendre à tous les évènements tragiques de notre histoire et fonctionne sur le mode du "plus jamais ça", mettant en œuvre toutes les figures de la morale et du combat du bien contre le mal. Dans cette entreprise, l’histoire, à la fois comme science sociale et comme discipline scolaire, est évidemment mobilisée au premier rang, puisqu’il semble aller de soi que l’histoire a, par nature, sa tâche de maintenir vivante la mémoire.

Pourtant, cette identification de la mémoire collective et de l’histoire est une source d’interrogations philosophiques et épistémologiques majeures. Lors de la session de juin 2000 du baccalauréat, le sujet de philosophie proposé aux candidats était : " La mémoire suffit-elle à l’historien ? " C’était un sujet d’actualité dont la majorité des candidats n’a saisi ni le sens ni la portée. Déformation professionnelle, c’est un peu cette question que je voudrais traiter aujourd’hui avec vous. Il me semble en effet que les rapports entre la mémoire collective et l’histoire doivent être tout sauf harmonieux et que, à bien des égards, l’histoire ne peut qu’entrer en conflit avec ce "devoir de mémoire" si souvent instrumentalisé à des fins politiques ou moralisantes.

Il semblerait que c’est le bon sens même qui parle quand nous lions intimement l’histoire et la mémoire. L’histoire, n’est-elle pas cette discipline qui fait revivre ce que la mémoire collective a enfoui ? L’histoire pourrait-elle se passer de cette mémoire collective, inscrite dans nos monuments, dans nos textes de lois, dans nos coutumes, dans notre langue ? Enfin, cette mémoire collective existerait-elle en dehors de l’enseignement de l’histoire, singulièrement, pour nous, l’enseignement que l’école nous a transmis ? Ceux qui ont presque appris à lire dans le " Malet & Isaac " savent que c’est une certaine identité nationale, un sentiment fort d’appartenance qui forme le tissu de ce grand texte – qui vaut bien nos modernes manuels richement illustrés mais si pauvres en contenu, bien que ce contenu soit politiquement correct, impeccablement correct !

Ces rapprochements et cette identification ne résistent cependant pas à l’analyse. On pourrait presque opposer point par point mémoire et histoire (I). Je m’arrêterai un moment sur les interrogations de Pierre Nora (II). Cette opposition entre histoire et mémoire, cependant, ne disqualifie pas le rôle politique de la mémoire mais exige une claire séparation des ordres (III). D’où nous pourrons sans doute tirer quelques leçons concernant ce que doit l’histoire à l’école (IV).

(...) la suite est à lire ici link


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