Nicolas Sarkozy est d’une constance exemplaire. S’il y a du chômage dans ce pays, c’est la faute aux 35 heures, qui ont amoindri la compétitivité de la France. Il l’a répété ce jeudi soir sur TF1
sans fioriture… et sans contradicteur :
« Pendant que nos amis allemands amélioraient la formation et se battaient sur les marchés pour être plus compétitifs, dit-il, on a fait les 35 heures (…). Il y a eu décrochage de compétitivité
et vos usines ont été délocalisées ».
« C’est la raison pour laquelle j’ai ré-autorisé les heures supplémentaires », ajouta-t-il, se félicitant que « même en 2010 avec la crise », 750 millions d’heures supplémentaires aient bénéficié
à 5.300.000 salariés.
Ce remède fut toutefois aussi contestable que le diagnostic.
Une perte de compétitivité française ? Elle est introuvable, sauf dans les argumentaires patronaux. En témoigne le graphe ci-contre, tiré du bulletin de la Banque de France. La ligne bleu turquoise, descendante, indique au contraire un gain continu de compétitivité prix de l’économie française face à ses concurrents de la zone euro. C’est seulement contre les pays extérieurs à la zone euro que la France perd en compétitivité : le seul responsable, c’est l’euro trop cher.
Avec les 35 heures, les salariés français travaillent-ils moins que les salariés allemands ? Justement, non. Entre 2000 et 2008, les salariés allemands ont chacun travaillé beaucoup moins longtemps que les salariés français, en moyenne, et de part et d’autre du Rhin, la durée du travail a sensiblement diminué. En 2009, indique l’OCDE, l’écart s’est nettement accru : 1.309 heures pour l’Allemand, 1.468 heures pour son collègue français.
Ces résultats n’ont certes pas été obtenus de la même manière. En France, on a partagé le travail entre la totalité des salariés : c’était le choix des 35 heures. En Allemagne, on a recouru massivement au travail à temps partiel, qui est une forme de partage très inégal du chômage.
Lorsque la crise a frappé, les deux pays ont réagi chacun à leur manière.
Le gouvernement allemand a cherché à éviter à tout prix les licenciements. D’où le recours massif au chômage partiel – c’est le travail à temps partiel qui dit enfin son nom. Le plan concerna 1,5 million de salariés, dont la durée du travail baissa de 31% en moyenne, indique le Bureau international du travail (1). Si les entreprises allemandes avaient dû licencier 500.000 salariés pour les réembaucher après la crise, il leur en aurait coûté 22 milliards d’euros. Le chômage partiel de 1,5 millions de salariés ne leur a coûté que 5 milliards, l’Etat subventionnant l’opération à hauteur de 6 milliards. C’est ainsi que la durée moyenne du travail pour un salarié allemand a chuté en 2009.
Le gouvernement français, lui, a choisi de ne pas se déjuger. Il a continué à subventionner les heures supplémentaires. Ce dispositif n’avait pas été initié en 2007 seulement pour des raisons
idéologiques. Il visait, avecd’autres mesures, à freiner les embauches consécutives au papy-boom : sur le marché du travail, le rapport des forces devenait trop favorable aux salariés.
Mais avec la crise, cette politique fut prise à contre-pied et c’est le taux de chômage qui augmenta : 9,7% en 2010 en moyenne contre 6,8% outre-Rhin. Jamais un tel écart ne fut observé depuis
2000. (1) Bureau international du travail : Rapport annuel sur les salaires
2011 – Politiques salariales en temps de crise.
Source : PS Plateau Caux Cailly