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Deux réflexions.

Par Ananda

Un jour, l’Homme prit pleinement conscience du poids de la mort.

D’abord, il vit ses proches trépasser ; ces derniers lui manquèrent.

Il eut, pour commencer, peur de les perdre, peur du manque d’eux.

Puis l’empathie le porta à se mettre à la place de ceux qui décédaient : que leur arrivait-il ?

Si leur vie prenait fin, c’était que la sienne aussi était vouée à connaître le même sort.

Dès lors, c’est de sa propre mort que l’Homme eut une sainte terreur. Être inerte, ne plus réagir, ne plus rien sentir. Ne plus être là. Se putréfier…Il ne fit plus confiance à son corps.

En tant qu’être vivant et pleinement engagé dans la vie, il lui était impossible non seulement d’admettre mais de se représenter sa propre fin. Comme il lui fallait se défendre contre cette terreur sans nom, il appela à la rescousse l’univers de sa vie mentale : réflexion, mais aussi transes, rêves.

Comme il avait déjà la sensation de vivre sur deux plans distincts (l’un matériel, corporel, et l’autre imaginaire, mental), il finit par inventer l’idée d’un autre monde, d’essence « spirituelle » et, tout aussitôt, le relia à une autre idée, celle d’immortalité de l’ « âme ». Le fondement de toute religion était né.

Je pense que le dualisme et le spiritualisme sont bien antérieurs  aux Religions du Livre, à la métaphysique hindoue et à Descartes.

On en trouve, en effet, la trace dans tous les types de culture humaine.

Le chamanisme/animisme, par exemple, y est très attaché.

La peur de la mort et des morts (sous forme d’esprits et/ou d’ancêtres) date de l’aube de l’humanité consciente.

Dans un premier temps, les Hommes ont dessiné sur les parois rocheuses, pierres, bouts d’os ou défenses de mammouths.

Ils y ont représenté essentiellement les bêtes qu’ils chassaient (qu’ils convoitaient, intensément, en tant que chasseurs avides de viande) ou bien qu’ils redoutaient.

Pourquoi l’ont-ils/elles fait ?

On a de bonnes raisons de penser que c’était lié à des conceptions chamaniques.

Représenter l’être qu’on voulait tuer signifiait probablement qu’on se l’appropriait, qu’on le contrôlait. En maîtrisant, par la représentation, son image, on maîtrisait son être, on captait son essence d’ordre spirituel (son âme). De même, en le représentant percé de flèches, ou encore en sculptant des figurines de femmes ou d’hommes liées au pouvoir reproducteur, essayait-on sans doute de contraindre les souhaits, les prières du clan à prendre forme dans la vie matérielle, réelle.

L’idée était de faire advenir les choses en les représentant ; c’était, en quelque sorte, une façon de forcer la main au destin.

Le dessin est, ainsi, à l’origine, un acte hautement signifiant, un acte d’appropriation magique, d’action par la pensée. Un acte d’accaparement et de neutralisation des forces contraires, chargé de « préparer le terrain » à l’action proprement dite. Une façon de mettre toutes les chances de son côté. Une démarche sacrée.

On retrouve cet état d’esprit dans les toutes premières écritures : par exemple, en ce qui concerne les hiéroglyphes des anciens Egyptiens.

L’écriture est, sans nul doute, un produit dérivé du dessin.

Les hiéroglyphes étaient des dessins, et avaient un caractère hautement sacré. Les Egyptiens pensaient qu’ils renfermaient le souffle, l’âme des dieux-mêmes, et qu’ils constituaient leur « parole ».

Autres exemples de dérivation du dessin, par stylisation : les caractères chinois et les glyphes Maya.

Dessiner, écrire, pour l’Homme, sont donc bien des façons d’agir sur le monde.

P.Laranco


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