Libye et petits arrangements européens

Le peuple libyen se soulève. Face à un dictateur et une oligarchie sanglante (déjà plusieurs centaines de morts dans les rangs des révolutionnaires). Nous ne pouvons que souhaiter la chute de cette ordure de Kadhafi, de ses proches et de son système mais nous devons aussi ne pas oublier les morts et le prix de la liberté.

Ceci étant posé, il convient aussi de se pencher sur ce qu’est la Libye pour la France en particulier, et l’Europe plus largement.

Fournisseur de matières premières importantes (pétrole) mais surtout succursale des pires horreurs faites aux migrants. Car depuis des années, la Libye est devenue l’allié objectif de l’Europe (et de la France en particulier, qui lui fournit même un joli paquet d’armes) en ce qui concerne la « gestion des flux migratoires ».

Ne nous leurrons pas : l’Europe, la France, ont sous traité à un des régimes les plus sadique de la planète le « problème des migrants » comme disent les politiques aux fesses adipeuses. De véritables camps de concentrations, avec tortures et meurtres organisés (comme le fait de « relâcher » / « refouler » les migrants en plein désert). Des traitements inhumains, avec tir de l’armée sur des convois de migrants, viol constatés, etc… etc…

Car oui, depuis des années, la Libye est une « terre de prédilection à l’entraide entre l’Afrique et l’Europe pour ce qui est de la question des migrants ». Une alliée de la France, mais aussi de l’Italie. Et plus largement de l’Europe.

Ils ont beau jeu aujourd’hui nos dirigeants ploutocrates de venir pleurer, demander de « cesser tout lien avec le Libye » comme le fait notre président de tous les français, surtout des plus riches. Oubliant au passage que l’un des premiers hommes d’Etat étranger invité par la France fut Kadhafi, qui planta même sa tente sous les ors de la République… Oubliant (feignant de les oublier) les accords passés pour une centrale nucléaire, mais surtout une coopération policière accrue, des ventes d’armes et un accord sur l’immigration ! … Oui, l’Europe et la France en particulier ont servi de caution à ce dictateur, l’ont enrichi, mais surtout l’ont traité d’égal à égal comme un digne représentant, capable de défendre les droits de l’Homme !!! (En 2003 la Libye s’est retrouvée à la tête de la «Commission des Droits de l’Homme » de l’ONU sans que ça n’émeuve plus que cela nos dirigeants…)

Alors voilà, les révolutions qui se trament aujourd’hui dans la ceinture arabo-persique sont une belle et bonne chose. Mais il nous convient, à nous occidentaux, de penser que nous ne sommes pas pour rien dans les horreurs que ces peuples ont dû subir. Pas simplement par une décolonisation mal faite ou un néocolonialisme. Cette analyse serait trop simpliste. Mais bien par une complicité, politique et financière, avec ces régimes. Et ce, sans que nous, peuples d’occident, n’ayons bougé le petit doigt dans notre extrême majorité.

Il n’est jamais trop tard pour apprendre de ses erreurs, et je sais que ceux qui liront ce billet se demanderont si j’ai bougé. La réponse est oui, mais j’ai été souvent, avec mes camarades, bien seul. Parce que par un anti américanisme un peu primaire, Kadhafi était (et est encore parfois par certains) vu comme un grand homme libérateur qui s’oppose à l’impérialisme américain. Nous voyons se rejouer là les même erreurs que certains ont pu faire du temps de Staline, trouvant que l’URSS était merveilleuse ne serait ce que parce qu’elle résistait aux USA…

Avançons, changeons de cap avec les peuples en lutte. Saluons le peuple de Libye, mais aussi celui du Barheïn. Espérons voir tomber demain les potentats d’Algérie et d’Arabie Saoudite. Espérons la liberté pour tous. Mais surtout, n’oublions pas de faire aussi chez nous le ménage, d’empêcher les erreurs du passé de se reproduire. Agissons contre la ploutocratie et l’oligarchie. Offrons nous de l’espoir dans le sillage de ces peuples en luttes.

N’oublions pas ce que disait Bakounine :

L'homme n'est réellement libre qu'autant que sa liberté, librement reconnue et représentée comme par un miroir par la conscience libre de tous les autres, trouve la confirmation de son extension à l'infini dans leur liberté. L'homme n'est vraiment que parmi d'autres hommes également libres; et comme il n'est libre qu'à titre humain, l'esclavage d'un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l'humanité, est une négation de la liberté de tous.