Amnesty International demande au Yémen d’empêcher ses forces de sécurité de recourir à une force excessive, après les attaques ayant visé des manifestants et des journalistes jeudi 17 février lors d'actions de protestation pacifiques à travers le pays.
« Cela fait six jours aujourd’hui que les autorités yéménites agressent des manifestants se prononçant pacifiquement en faveur d’une réforme politique », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International, jeudi 17 février.
« Il est légitime pour les Yéménites d’exercer leur droit à la liberté d’expression, et les agressions dont sont victimes les manifestants et les journalistes rendant compte de leur action sont totalement inacceptables. »
Des sources yéménites ont indiqué à Amnesty International qu’au moins 10 manifestants ont été blessés à Sanaa, dont plusieurs à la tête, après que des membres des forces de sécurité en civil eurent semble-t-il tiré sur eux à balles réelles tandis qu’ils demandaient le départ du président.
Des témoins ont en outre affirmé que des membres des forces de sécurité vêtus en civil et des agresseurs décrits comme étant des « voyous » ont frappé des manifestants au vu de tous.
Des manifestants ont dit à Amnesty International que des caméramen d'Al Jazira et d’Al Arabiya ont été roués de coups par des agresseurs non identifiés qui auraient brisé leurs caméras.
Un caméraman de l’agence de presse AP aurait par ailleurs été agressé et vu sa caméra confisquée par des hommes armés de couteaux.
Ces violences sont survenues le lendemain du jour où quatre hommes ont été tués et des dizaines de personnes blessées quand les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants non violents dans le quartier d'al Mansurah, à Aden, alors qu’ils se prononçaient en faveur de la réforme et d’un changement de régime.
Des dizaines de manifestants auraient par ailleurs été arrêtés et placés au secret à la prison d’al Mansurah, ce qui fait craindre qu’ils ne soient torturés ou soumis à d’autres types de mauvais traitements.
Les familles de ces personnes ne seraient pas autorisées à leur rendre visite.
Le quartier d’al Mansurah serait encerclé par les forces de sécurité, qui empêchent les résidents d’Aden de pénétrer dans la zone en question.
Certains de ces résidents auraient encore entendu des coups de feu en provenance de ce secteur jeudi 17 février.
L’action de protestation s'étant déroulée à Aden mercredi 16 février a commencé de manière pacifique sans incident grave à déplorer, tant que le maintien de l’ordre était assuré par les forces de la sécurité civile, d’après une source yéménite.
Puis les manifestants ont été pris pour cible après l'arrivée des forces centrales de sécurité, qui ont ouvert le feu, a ajouté la source.
Un témoin a expliqué à Amnesty International qu’à la suite de ces attaques, des hommes vêtus en civil, qui appartenaient manifestement aux forces de sécurité ou étaient de connivence avec celles-ci, ont causé des dégâts à des biens privés.
« Des hommes en civil s’en sont pris à des bâtiments et ont brulé des voitures, mais il ne s’agissait que d'une manœuvre visant à justifier le recours à une force excessive par les autorités », a-t-il poursuivi.
« Les autorités doivent mener l’enquête sur les coups de feu tirés sur les manifestants et transmettre immédiatement à l'ensemble des forces de sécurité des instructions indiquant clairement que le recours à une force potentiellement meurtrière lorsqu'aucune vie n’est en danger ne sera pas toléré, et qu'elles auront à rendre des comptes pour leurs actions », a conclu Philip Luther.
De nouvelles manifestations, organisées par l’association du barreau, sont prévues dans diverses régions du Yémen pour vendredi 18 février, l’objectif étant d’exprimer l’inquiétude suscitée par les mesures de répression dans le pays.
Amnesty International rappelle aux autorités yéménites qu’elles sont tenues de s’abstenir d’utiliser la force contre des manifestants qui font part de leurs critiques à l’égard du gouvernement de manière non violente.
Complément d’information
Depuis 2007, des actions de protestation ont sporadiquement lieu dans le sud du Yémen, non seulement contre ce qui est perçu comme de la discrimination de la part du gouvernement à l’égard de la population du sud, mais également, de plus en plus souvent, en faveur de la sécession de cette région.
Depuis février 2011, et dans la foulée de manifestations à Sanaa et dans d'autres villes demandant le départ du président, les personnes manifestant à Aden en particulier ont également commencé à appeler de leurs vœux un changement de régime. Les manifestations en faveur de la sécession du sud se poursuivent par ailleurs à Aden et dans d'autres zones du sud du Yémen.
La Constitution yéménite garantit la liberté d’expression. Toutefois, ce droit est battu en brèche par des lois et pratiques restrictives, notamment la Loi de 1990 relative à la presse et à la publication et le Tribunal spécialisé dans la presse et les publications, créé en mai 2009. Manifestement, ce tribunal vise à réprimer la dissidence en accélérant les procédures engagées contre des détracteurs du
gouvernement.
Le gouvernement yéménite se montre de plus en plus intolérant à l’égard des médias indépendants et de tous ceux qui le critiquent. Des journalistes, des rédacteurs en chef et des éditeurs sont arrêtés, détenus au secret, soumis à des mauvais traitements et incarcérés pour des motifs fallacieux à l’issue de procès iniques. Autres articles avec des tags similaires
-
Les Rohingyas en danger
-
Libération de Mao Hengfeng
-
Bahrein : NAVI PILLAY DÉNONCE L'USAGE EXCESSIF DE LA FORCE CONTRE LES MANIFESTANTS
-
Les forces de sécurité répriment avec violence les manifestations au Yémen
-
L'actualité des droits humains et de leurs violations
amnestyinternalyemen.mp3
(293.07 Ko)
Voir la carte
J.N.B.L., le 24/02/2011