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Syndromes dépressifs post-traumatiques

Publié le 27 février 2011 par Darouich1
LA DÉPRESSION POST-TRAUMATIQUE EXISTE-T-ELLE ?
Il peut paraître curieux d'avoir à confirmer l'existence d'un syndrome psychopathologique avant
d'aborder sa description clinique.
Faut-il vraiment convaincre la communauté médicale de la réalité de son existence ? En fait non,
il faudrait parler plutôt d'un consensus mou. Personne n'est vraiment surpris, si l'on se prend à
affirmer qu'un patient est dépressif à la suite d'un traumatisme grave, en particulier d'un
traumatisme crânien, mais pourtant ce fait ne figure qu'exceptionnellement dans la description
clinique de la dépression et même lors de la discussion des facteurs étiologiques ou
déclenchants possibles.
En somme, c'est un fait banal dans la vie de nos patients, accidentés du travail, de la route, ou
ayant été victimes d'une rixe, voire d'une simple chute. De ce fait nous estimons qu'il n'en est pas
suffisamment fait mention et c'est justement pour redonner à cette occurrence, toute son
importance réelle, qu'il nous paraît nécessaire d'y mettre l'accent et d'en faire le sujet privilégié de
cet opuscule.
POURQUOI EN PARLE-T-ON SI PEU ?
Les blessés, victimes de traumatismes somatiques ont des lésions plus ou moins graves, qui nécessitent
l'intervention du chirurgien et des soins orthopédiques tout à fait éloignés des préoccupations
psychologiques.
Même si l'on insiste actuellement sur la notion de stress traumatique en particulier lors des catastrophes
naturelles ou des attentats spectaculaires, il reste l'immense cohorte des traumatisés pour lesquels on en
reste à une approche psychologique très sommaire ou même à une attention exclusive aux blessures
corporelles.
Dans les suites plus tardives de l'accident, il existe tout un ensemble de préoccupations, au milieu
desquelles, le syndrome dépressif peut être négligé, ou bien effectivement perçu mais sans qu'il en soit tiré
toutes les conséquences.
Le syndrome dépressif peut survenir à une distance suffisante pour que le traumatisme ne soit plus
considéré comme la cause possible. Et sur ce point il faut noter que nous sommes sur un sujet de
controverses et de discussions dont il n'est pas facile de tirer la morale.
La notion de dépression réactionnelle reste très populaire tant parmi les médecins que dans la population.
Une dépression est indissociable dans l'esprit de beaucoup, de la cause qui l'a fait naître, ainsi en est-il
d'un deuil, d'une perte affective, d'un surmenage professionnel. Au point que le discours sur la dépression
est souvent une longue énumération des difficultés de la vie, métro-boulot-dodo, ou « struggle for life », au
point de se demander pourquoi chacun d'entre nous n'est pas dépressif ?
Il semble bien que cette thèse réactionnelle ait été surexploitée au point de ne plus signifier grand chose.
On pourrait faire remarquer avec justesse qu'un deuil est habituellement une phase de douleur morale et
affective qui n'est pas une maladie dépressive. D'une autre façon, le surmenage professionnel conduit
parfois plus directement à l'atteinte coronarienne, à l'anxiété, à l'alcoolisme qu'à la dépression.
Les psychiatres se sont donc montrés très partisans au cours de ces dernières années de décrire des
symptômes dépressifs, sans tenir compte, au moins dans un premier temps, de leur étiologie et de se
montrer souvent dubitatifs sur les causes avancées, de façon sans doute trop intuitive.
Le résultat de cette démarche a été d'aboutir dans la classification américaine du DSM IV (Diagnostic and
Statistical Manual of mental disorders) à séparer complètement la description clinique sémiologique sur un
axe (1) et à signaler de façon distincte les troubles de la personnalité (axe II) les affections physiques (axe
III), la sévérité des facteurs de stress psychosociaux (axe IV).
Cet effort de classification semble avoir des conséquences bénéfiques par rapport à une tendance assez
naturelle à tout mélanger, l'étiologie probable, ses conséquences et les tendances préalables de la
personnalité du patient.
Mais on ne peut pas, ne pas voir. que cette séparation systématique, représente un effort artificiel, pas très
productif dans la mesure où il pousse à collecter des facteurs probables, multiples, sans s'engager, ni
chercher à trancher par une réflexion plus décisive.
TRAUMATISME PHYSIQUE ET/OU TRAUMATISME PSYCHIQUE
De ce point de vue les mots de plaie, de blessure ou de traumatisme subissent eux-mêmes ce glissement
sémantique, applicables d'abord au domaine somatique, ils s'utilisent aussi bien dans la sphère psychique.
Il en résulte une incertitude profonde de notre discours, d'autant qu'il s'applique à un blessé pour lequel
prédominent au début les blessures physiques, mais qui ne seront pas exclusives au fil du temps du
développement, de souffrances psychiques.
Parler d'une approche globale ne suffit pas, il faut comprendre l'intrication des symptômes dans la réalité,
telle qu'elle se présente au clinicien. C'est pourquoi, nous devons envisager les syndromes voisins.
La névrose traumatique, ou syndrome du stress traumatique
Les suites psychologiques de la guerre du Vietnam chez les vétérans américains et l'attention aux victimes
des diverses catastrophes civiles ont remis en honneur, la notion de stress traumatique.
Mais il est évident que ce syndrome décrit le retentissement d'un choc psychologique dû aux circonstances
dramatiques de l'accident pour les victimes, même si elles ne sont blessées.
Un traumatisme crânien peut se produire dans des circonstances qui n'ont pas fait ressentir au blessé le
risque de mort imminente.
Par ailleurs, souvent la perte de connaissance immédiate, voire le coma, et ultérieurement l'amnésie
rétrograde entraîneront une annulation des circonstances peut-être effrayantes de l'accident. À quelque
chose malheur est bon !
Il faut savoir qu'un accident avec traumatisme crânien ou blessures périphériques peut également
présenter les éléments d'un stress psychologique, mais ce n'est pas le plus fréquent et il faut le déterminer
par une enquête spécifique.
Dans les conséquences lointaines, il faut savoir distinguer ce que l'on pourrait appeler le stress chronique
dû aux suites de l'accident.
Les événements de vie
Il existe plusieurs types d'approches des études fondées sur les événements de vie (voire celle
comportementaliste de M.R. Horenstein, Ch. de Moustier et A. Martineau dans le numéro 5 de cette
collection).
Lorsqu'il est établi une liste préalable des événements de vie dont des travaux préalables ont établi, par
des enquêtes psychosociales, le poids défavorable qu'elles pouvaient avoir sur tout individu, en général
(divorce, perte de travail, deuil), il n'apparaît pas que les traumatismes tels que ceux qui nous intéressent y
prennent une place considérable au milieu d'autres faits tels que l'hospitalisation, intervention chirurgicale,
maladie et arrêt de travail.
On en revient finalement à prôner une enquête spécifique (par exemple, à l'aide d'un entretien semistructuré
qui vise à savoir quelle est la perte réelle qu'a entraîné l'événement, mais aussi quel est le
contexte dans lequel l'événement s'est produit et quelle signification il a pris pour le sujet lui-même.
Pour la victime d'un accident il apparaît nécessaire de dépasser le bilan chirurgical qui a pu être fait aux
urgences d'un hôpital :
- blessures orthopédiques et plaies,
- lésions associées, brûlures,
- traumatisme crânien isolé ou secondaire à un traumatisme facial et/ou cervical.
- plaie du crâne, déficit sensoriel, fractures des os du crâne,
- déficit neurologique.
Il faudra redonner les moyens d'apprécier les conséquences immédiates des suites : agitation, insomnie,
vertiges, troubles mnésiques et la possibilité d'une névrose traumatique par rapport aux circonstances de
l'accident. Ultérieurement, on pourra évaluer le contexte depuis les antécédents psychiques, l'alcoolisme,
les conséquences de l'accident dans la vie sociale et financière du blessé.
L'événement traumatique pouvant avoir eu un retentissement physique et/ou psychique dont on peut
seulement avoir le témoignage auprès de la victime elle-même.
On construira donc le tableau d'un ensemble qui permettra réellement d'apprécier plus finement les
conséquences de l'événement traumatique et les possibilités qu'a le sujet d'y faire face, par exemple notion
de double traumatisme ou de traumatisme sur un terrain sensibilisé.
Les facteurs physiques et neurobiologiques
Il existe aussi un ensemble de conséquences liées aux blessures et aux organes atteints. De ce point de
vue, il existe des organes muets, peu signifiants, dont la réparation orthopédique n'entraîne habituellement
qu'un minimum de complications (par exemple, une fracture d'un membre) et d'autres où les séquelles
douloureuses, handicapantes, et la remise en cause psychologique se conjuguent (brûlures, atteintes de la
main, de la marche, du rachis).
Il faut compter aussi avec le fait que le terrain psychologique et la nature de l'accident se conjuguent, ainsi
comparons la fracture ou l'entorse grave d'un jeune sportif et la fracture du rachis, lors d'un accident du
travail d'un ouvrier migrant.
Mais dans le cadre des traumatismes cérébraux s'ajoute un facteur neuro-biologique encéphalique, qui
paraît pouvoir rendre compte de la nette prédominance de syndromes dépressifs à la suite des
traumatismes cérébraux. Pourtant il ne semble pas qu'il y ait de parallélisme entre le degré de sévérité de
l'atteinte cérébrale traduite tant sur le plan neurologique moteur que cognitif. Certes, des opinions
divergentes existent sur ce sujet ainsi celles exprimées par Prigatano (1986), et Robinson et Jorge (1994)
sont à l'encontre de celles de Bornstein et al. (1989) qui, eux, soutiennent qu'il existe une telle relation.
Pour notre part, nous avons l'impression qu'il n'y a pas de liaison évidente avec l'intensité ne serait-ce que
parce que nous pouvons constater l'importance des syndromes dépressifs dans les suites de traumatismes
crâniens moyens ou légers, ne comportant dans leur symptomatologie post-traumatique que des
symptômes subjectifs et aucune séquelle organique dépistable.
Il nous apparaît important de confirmer l'existence de ces syndromes dépressifs chez des sujets ayant
subis des traumatismes crâniens légers ou d'intensité moyenne, et il est nécessaire de rappeler, qu'au
contraire, de graves lésions cérébrales n'entraînent justement pas systématiquement de syndrome
dépressif, voire, présentent un tableau frontal qui semble parfois le gommer.
Lorsqu'il existe une lésion organique cérébrale dépistable, certains ont pu insister sur des localisations
préférentielles :
- Lishman (1968) insiste sur les lésions cérébrales pénétrantes de l'hémisphère droit à localisation plutôt
frontale et pariétale,
- Grafman (1986) parle de lésion orbitofrontale droite,
- Robinson et Jorge (1994) semblent avoir mené l'étude statistique la plus intéressante sur la totalité de leur
échantillon de 66 traumatisés crâniens dont les deux tiers avaient une atteinte cérébrale diffuse au scanner
et un tiers une lésion focale (avec, dans la moitié des cas, la nécessité d'un geste neurochirurgical).
Ces auteurs ne trouvent pas de différence dans les suites pour la fréquence des syndromes dépressifs
entre les deux groupes et selon le type de la lésion hémorragique qu'elle soit intra-parenchymateuse ou
ventriculaire.
Au contraire, si l'on compare statistiquement les patients selon la situation de la lésion focale
diagnostiquée, il apparaît qu'une dépression majeure est fortement correlée avec une localisation
antérieure gauche (c'est-à-dire le cortex frontal dorsolatéral) éventuellement associé à une atteinte des
noyaux gris centraux.
À l'inverse, une atteinte frontale pure antérieure, c'est-à-dire du cortex orbitofrontal gauche, droit ou
bilatérale, développe moins souvent une atteinte dépressive, l'atteinte frontale gauche dorsolatérale
semble susceptible d'entraîner plus souvent une dépression précoce et transitoire de moins de trois mois.
Ces résultats apparaissent d'ailleurs cohérents avec ceux retrouvés dans les accidents vasculaires
cérébraux (Starkstein et al., 1987).
En ce qui concerne les rares états maniaques (dans le rapport de 1/10 par comparaison avec les états
dépressifs), sur les 6 cas rassemblés, Robinson et Jorge ne trouvent pas de différence selon le type de la
lésion cérébrale, diffuse ou focale. hémorragique ou non. Mais s'ils comparent les lésions focales entre
elles, c'est la localisation temporo-antéro-basale qui est la plus significativement reliée à l'apparition d'un
syndrome maniaque.

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