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Pour en finir avec la taxe carbone (et passer à autre chose)

Publié le 27 février 2011 par Rcoutouly

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La taxe carbone est souvent considérée comme l'outil miracle qui nous permettrait de nous en sortir.  Elle est adulée par certains, et combattue de manière violente par les autres. Que faut-il en penser?

Dans son éditorial du numéro de mars, Walter Bouvais, le directeur de la publication TerraEco fait la remarque suivante à propos de la taxe carbone : L'idée était de contenir les émissions de gaz à effet de serre et d'anticiper la hausse du prix de l'énergie en incitant les consommateurs, les entreprises et les collectivités à se "désintoxiquer" dès aujourd'hui des énergies fossiles. Et il ajoute "Il est cocasse de constater que l'augmentation des prix des carburants observée depuis l'automne 2009 est très supérieure à ce qu'aurait coûté cette taxe".

Je cite ces phrases car elles me semblent révélatrices des paradoxes dans lesquels se trouvent les partisans de la taxe carbone. Car le raisonnement de Walter Bouvais interroge : si il s'agissait d'anticiper la montée des prix, alors la taxe carbone ne sert à rien car le marché s'en est chargé tout seul. S'il s'agit d'"inciter" et de "désintoxiquer", on ne voit pas trop bien comment cela marche puisque  les prix sont montés et, sauf à la marge, la guérison du consommateur n'est pas au rendez-vous.

C'est tout le problème de la taxe carbone : elle est séduisante car ses concepteurs ont eu  l'idée géniale d'intégrer un facteur chimique (le taux de CO2), un indicateur significatif et utile dans un dispositif fiscal qui s'attaque à des problèmes cruciaux pour l'Humanité. 

Et pourtant, elle peine à convaincre car elle prétend nous soigner de notre addiction au CO2 par un coût croissant de celle-ci.

Pour comprendre, faisons le parallèle avec la toxicomanie. Les partisans de la taxe carbone ont le même raisonnement que ceux qui estiment que la sanction va contraindre le drogué à arrêter son addiction. On le sait pourtant depuis des années : le drogué s'en sort parce qu'on lui propose des portes de sorties, des produits de substitution qui lui permettent de construire un chemin différent pour (re)construire sa vie. La peur de la sanction, le coût élevé des drogues ne jouent qu'un faible rôle dans la route qui mène le toxicomane vers la rémission.

Le drogué s'en sort quand il prend conscience que son addiction le mène à sa perte et quand il trouve autour de lui des personnes qui vont lui proposer d'autres manières d'être et de se reconstruire.

C'est pourquoi, si il est nécessaire de donner un coût à l'émission de gaz carbonique, il faut surtout proposer des voies de sorties, des possibilités de (re)vivre sans carbone aux différents consommateurs. Ces possibilités, ces systèmes de vie différents de nos modèles construits autour du pétrole et autres gaspillages nécessitent des investissements importants pour que les acteurs concernés (entreprises, particuliers, collectivités) puissent retrousser leurs manches et se lancer dans une société décarbonée.

Pour financer ces changements, il faut utiliser la taxation pigouvienne. En effet, le pollueur payeur est potentiellement un écologiste convaincu. Il devra donc assumer sa pollution en finançant la conversion de ses pairs à des méthodes plus respectueuses de l'environnement.

Nous devons donc abandonner la simplicité séduisante de la taxe carbone pour construire des outils fiscaux plus complexes:

- permettant l'investissement nécessaires aux mutations vers l'économie décarbonée

- intégrant d'autres aspects des problèmes rencontrés : l'émission de C02 n'est en effet pas le seul problème à résoudre. Comment construire une fiscalité incitative dans le domaine agro-alimentaire sans tenir compte des avantages du bio? Peut-on, dans le bâtiment, ne regarder que la consommation énergétique alors que la densification du bâti est un autre facteur crucial?

En conclusion, il faut regarder la taxe carbone pour ce qu'elle a été : un outil pédagogique qui a permis la prise de conscience de la société. Mais elle ne sera pas l'outil miracle qui nous permettra de résoudre des problèmes qui sont spécifiques à chaque secteur de la vie économique et sociale. Chaque problème réclame un éventail de solutions adaptées et, à chaque fois, une taxation particulière.

Oublions la taxe carbone et imaginons les contributions incitatives adaptées à chaque situation.

Pour aller plus loin:

taxe carbone


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