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Maroc-Algérie : vers l'unité ?

Publié le 27 février 2011 par Robocup555

maroc-algerie.jpgL'onde de choc des révolutions arabes n'a épargné ni le Maroc, ni l'Algérie qui ont dans la précipitation entrepris des mesures sociales de subventions des produits de première nécessité. En outre, l'Algérie vient de lever l'Etat d'urgence en cours dans le pays depuis 18 ans. Mais l'annonce la plus chargée d'émotion pour les peuples marocain et algérien est la normalisation prochaine des relations entre les 2 pays. L'intérêt des pays du Maghreb est dans l'unité pour la stabilité et le développement du Maghreb.

De la guerre froide à la mondialisation

Le Maroc et l'Algérie sont en guerre froide depuis... 1962, soit 49 ans. Un record. La guerre froide Usa-Urss a duré 44 ans (1945-1989). Les schémas de pensée des années 60, marqués par des idéologies de luttes des peuples, de marxisme léninisme, de guérilla à la mode ''CHE'' sont incompatibles avec la mondialisation et l'ère internet. Les révolutions arabes ne sont pas les produits des luttes de classes mais des produits d'injustice sociale exacerbée. Les peuples arabes commencent par réclamer ''la dignité'', avant de réclamer des réformes puis la chute des régimes lorsque les réformes tardent à être adoptées.

Dans les années 60, la mode des ''non-alignés'' était paradoxalement d'avoir des régimes militaires. Les coups d'Etat militaires étaient vus comme le produit d'une révolution, les militaires ne faisant que répondre à la demande du peuple. Ils se présentent tous comme des réformateurs. Il en fut ainsi de Jamal Abdel Nasser en Egypte, de Hafez Assad en Syrie, de Saddam Hussein en Irak, de Houari Boumédienne en Algérie, de Muammar Kadhafi en Libye. En Tunisie, Ben Ali, un Général sécuritaire a fini par renverser la figure historique de l’indépendance Habib Bourguiba. Au Maroc, les militaires poussés par le Général Mohamed Oufkir, homme fort du régime, ont failli à 2 reprises renverser le Roi Hassan II. Dans les années 60, les régimes militaires arabes étaient marqués par le Nassérisme et le PanArabisme. Les militaires étaient en l'absence de démocratie et de représentation des aspirations populaires, les seuls porte-parole de la rue arabe. Les militaires promettaient d'achever les indépendances, de nationaliser les compagnies étrangères, de chasser les bases étrangères et surtout d'entamer l'unité arabe et la Nahda. Au Maroc, 2 ans après l'échec du 2eme coup d'Etat militaire, un vaste programme de marocanisation est entrepris, avec un succès mitigé quant aux bénéficiaires de cette opération. En Algérie, le credo est la médiatisation de la guerre d'indépendance et la demande de reconnaissance française des préjudices dans un contexte où l'arabisme et l'islamisme ont recouvré la personnalité algérienne, sa vocation arabe et amazighe, malgré 132 ans « d’Algérie française ».

Depuis prés de 2 siècles, le monde arabe est divisé entre puissances française, anglaise et italienne, puis entre idéologies capitaliste et socialiste, puis, depuis la chute du Mur de Berlin entre proaméricain anciens et proaméricain nouveau. Ces valets et sous valets ont assujettis leurs peuples face aux revendications légitimes pour une justice et une dignité tant sur le plan local que sur le plan extérieur notamment par rapport au conflit palestinien, à la guerre en Irak. Les peuples ont conscience que leurs intérêts ont été bafoués, que jamais l'Irak n'aurait été envahi sans la complicité bienveillante des régimes arabes corrompus et à leurs têtes l'ancien régime Moubarak. De l'invasion de l'Afghanistan aux invasions de l'Irak, du Liban, de Gaza, de la Somalie, de la colonisation de la CisJordanie à la division programmée du Soudan, les peuples arabes assistent à leurs déconfitures et à l'impuissance ou la complicité de leurs dirigeants.

Il est significatif de constater que les tunisiens affirment qu'ils ressentent une seconde et véritable indépendance. Que la première indépendance n'a fait que remplacer un gouverneur étranger par un gouverneur local plus vorace. Seule la véritable indépendance pourra déboucher sur une union arabe réclamée par l'Histoire, la langue, la culture, la raison et l'intérêt suprême ou encore l'instinct de survie face aux défis permanents.

Les défis auxquels sont confrontés les pays arabes dépassent le cadre étroit de relations bilatérales. Les peuples arabes n'ont jamais senti avec autant de force avant l'immolation de Bouazizi qu'ils ne forment qu'une seule communauté, la Oumma, que leurs problèmes sont à quelques variantes prés identiques : Dignité, justice, lutte contre la corruption, al fassad, et contre le népotisme. Les révolutions que les Occidentaux appellent révolution du Jasmin et révolution du papyrus, les arabes les appellent ''révolutions pour la dignité'', Tawrat al Karama.

La raison et l'intérêt

La raison doit prévaloir dans les relations marocco-algériennes. C'est dans l'Union du Maghreb arabe que les peuples retrouveront leur dignité. Au delà de la question des frontières, des marocains expulsés ou du Sahara et face à la déferlante révolutionnaire avec le risque évident de montée islamiste, seule force capable de mobiliser les foules, les régimes marocains et algériens ont intérêt à anticiper les aspirations populaires et à les conduire pour éviter de les subir. L'autonomie que le Maroc accorde aux provinces du Sud est une solution juste et équilibrée qui respecte les populations sahraouies et qui aboutit au statut marocco-algérien de ni vainqueur, ni vaincu. Les peuples du Maghreb ont tout à gagner d'une union qui canalisera leurs aspirations légitimes vers un ensemble homogène au sein duquel prévaut l'Etat de droit et la démocratie. L'Europe a tout intérêt à encourager une telle union, qui sera, par la complémentarité et le développement induit le seul véritable frein à l'immigration clandestine. Les Etats-Unis ont tout intérêt à encourager cette union qui sera le seul véritable frein à l'extrémisme et à AlQaeda. Car en fin de comptes, les projets de l'islamisme politique, représenté par les frères musulmans ou ceux de l'extrémisme violent d'AlQaeda, ne sont d'abord et avant tout que des projets unionistes sous la bannière religieuse. L'union réclamée par les peuples est une union démocratique, qui respecte les spécificités nationales, les normes de démocratie et des droits de l'homme et le droit international.

Les médias et internet

AlJazeera, AlArabia, AlManar, Facebook et Twitter ont joué un rôle capital dans les révolutions arabes. Les chaînes satellitaires et les réseaux sociaux ont stigmatisé et conduit les changements dans les aspirations populaires. AlJazeera tient depuis sa création un langage révolutionnaire doublé d'un langage religieux soft et digne tenu par le célèbre Cheikh Quardaoui, Président des Oulémas musulmans érigé en ''pape' en l'absence de Clergé en terre musulmane. A l'instar de Benoît XI pour le Vatican, le Cheikh Quardaoui par son intervention et ses Fatwas traduit en appels les aspirations des masses populaires. Il a été le premier à demander à Ben Ali puis à Moubarak d'abandonner le pouvoir, supplantant l'inerte Ligue Arabe et son inamovible Amr Moussa.

AlJazeera a réalisé de nombreuses émissions sur l'unité du Monde Arabe et notamment celle du Maghreb et les raisons de son blocage.

Le rôle de la France, de l'Espagne et des Etats-Unis.

Si la France a toujours appuyé la position marocaine sur le Sahara, derrière cet appui se cache une mini guerre froide franco-espagnole. L'Espagne a perdu un bastion de protection des Iles Canaries de l'immigration clandestine, un territoire hispanophobe qui aurait été sous son influence nonobstant ses richesses en phosphates et poissons. En appuyant la position marocaine, qui aussi légitime qu'elle puisse être, la France s'est privée de jouer le rôle d'arbitre et de conciliateur. Au contraire, elle a exacerbé les divisions en mettant en concurrence les 3 pays du Maghreb : Maroc, Algérie et Tunisie ou en les plaçant en situation concurrentielle permanente.

Les Etat-Unis par contre ont une vision régionale et appellent à l'intégration des pays du Maghreb. Les américains veulent traiter avec un marché régionale de 100 millions d'habitants ayant des lois juridiques et fiscales normalisées. Les estimations les plus pessimistes évaluent à 1 à 2 points de croissance supplémentaire une telle intégration. Le Maroc dispose d'une classe d'entrepreneurs en mesure de transformer les milliards de devises algériennes en investissements gagnant gagnant tant sur le plan financier que sur celui de l'emploi notamment des jeunes. En plus, pour défendre leurs thèses, les diplomaties des 2 pays déboursent des milliards en lobbying de tout genre : agences, médias, Ong, et en soutien aux populations sahraouis au détriment de leur développement et d'une diplomatie orientée vers les relations économiques.

Si l'intégration maghrébine se fait sous la houlette exclusive américaine, cela marquera après l'échec de la diplomatie française en Tunisie, l'accélération du processus de déclin de l'influence de la France au Maghreb. Par contre la réactivation de l'Union du Maghreb Arabe, l'UMA, constitue la levée d'une des entraves au projet de l'Union pour la Méditerranée cher à la France.

Depuis le 11/09, le Maroc et l'Algérie ont joué de concurrence pour entrer dans la doctrine de lutte contre le terrorisme et bénéficier de l'appui américain aux régimes. Au prix d'une sévère répression, les barbus des 2 bords ont été muselés souvent au détriment de l'Etat de Droit et Droits de l'Homme, et ce, sous le silence complice de l'Occident enchanté. Cette concurrence a abouti à rendre l'Algérie partenaire américain et à épouser les thèses atlantistes, transformant la question du Sahara et les réfugiés du Polisario en fardeaux, comme il en ressort des révélations de WikiLeaks.

Dans ce contexte de révolutions arabes, le Maroc ou l'Algérie pourront ils poursuivre la course à l'armement ? Quel pays accepterait de vendre des armes aux pays arabes non démocratiques sans craindre que ces pays ne les utilisent contre leurs propres populations et sans craindre un tollé de protestations de l'opinion et de la communauté internationales ?

La Tunisie et la Libye dans l'UMA

L'instabilité politique en Tunisie et l'insurrection en Libye avec le risque de guerre civile, de partition et d'intervention étrangère oblige les 2 pays, le Maroc et l'Algérie à coordonner leurs diplomaties et à se positionner en faveur de l'unité, de l'intégrité et de la sécurité régionales.

Les frères ennemis qui traînent depuis prés de 50 ans des relations du type ''je t'aime, moi non plus'' ou en arabe ''Hob Jnoun'' l'amour entre diables, expression courante pour signifier la schizophrénie de ces relations.

Aujourd'hui, le Maroc et l'Algérie sont condamnés à s'entendre et à entreprendre d'urgence une vision horizontale de leur géographie. Le contexte international les y oblige, pour leur stabilité, pour leur développement et pour répondre aux aspirations de leurs peuples.


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