Face à des éléments nouveaux prouvant que des violations ont été commises, Amnesty International a demandé à l'armée égyptienne de faire le nécessaire afin de mettre un terme aux actes de torture et autres types de mauvais traitements perpétrés contre des détenus.
Cet appel survient à l’heure où d'anciens détenus déclarent à Amnesty International qu’ils ont été torturés - fouettés et soumis à des décharges électriques, notamment - après avoir été arrêtés par des soldats les jours précédant le départ du président Moubarak.
"Les autorités militaires égyptiennes se sont publiquement engagées à créer un climat de démocratie, après toutes ces années marquées par la répression d’État. Elles doivent désormais traduire leurs paroles en actes directs et immédiats", a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International.
"Les autorités militaires doivent intervenir afin de faire cesser les actes de torture et autres sévices infligés aux détenus, pratiques en usage, nous le savons désormais, lors des placements en détention sous la responsabilité de l'armée".
Des détenus récemment remis en liberté ont dit aux délégués d’Amnesty International effectuant des recherches en Égypte que certains soldats recouraient aux coups, de fouet notamment, et à d’autres formes de torture et de mauvais traitements afin d’intimider les manifestants et d’obtenir des informations sur ce qui était prévu pour les actions de protestation.
"Les autorités doivent immédiatement transmettre à l’ensemble des forces de sécurité et membres de l’armée des instructions indiquant clairement que le recours à la torture et à d'autres formes de mauvais traitements contre les détenus ne sera pas toléré, et que les responsables de ces abus auront à rendre des comptes", a ajouté Malcolm Smart.
Un décorateur de 29 ans originaire de la province de Gharbiya (au nord du Caire) ayant récemment connu la détention a dit à Amnesty International que des soldats l’avaient torturé dans une annexe du Musée des antiquités égyptiennes le 3 février.
"Ils m’ont dit que j’étais un traitre et un agent étranger et m’ont obligé à enlever mes habits, à l’exception de mes sous-vêtements, et à m’allonger par terre sur le ventre. Puis ils m’ont donné des coups de fouet et m’ont marché sur le dos et les mains avec leurs bottes. Ils m’ont donné des coups de pied. Beaucoup d’autres détenus qui se trouvaient là ont eux aussi reçu des coups de fouet", a-t-il dit.
Cet ancien détenu, dont le nom est tenu secret pour des raisons de sécurité, a aussi été torturé par un homme en civil avant qu’un soldat ne lui assène des coups de chaise sur la tête, à la suite de quoi le jeune homme a perdu connaissance.
Il a dit à Amnesty International qu’on l'avait transféré vers un autre lieu le 4 février ; là, il a été frappé, soumis à des décharges électriques et menacé de viol, avant d’être conduit dans une prison militaire à El Heikstep, au nord-est du Caire. Il a dit y avoir régulièrement été battu par des soldats, jusqu’à sa libération, le 10 février.
Dans un autre cas, un étudiant de 18 ans originaire du Caire a dit à Amnesty International qu’il avait été torturé dans un lieu inconnu après avoir été appréhendé par des soldats à proximité la place Tahrir, le 3 février.
"Ils m’ont attaché les jambes avec une chaîne ou une corde, puis m’ont suspendu la tête en bas. De temps en temps, ils me faisaient descendre dans un tonneau rempli d’eau. Ils m’ont dit d’avouer que j’avais été formé par Israël ou par l’Iran. Ils m’ont aussi envoyé des décharges électriques sur le corps et je me suis évanoui", a-t-il raconté.
Les délégués d’Amnesty International ont également parlé à des parents et des amis de deux frères approchant la trentaine, qui sont maintenus en détention sans inculpation à la prison de Tora, au sud du Caire.
Arrêtés le 30 janvier par la police militaire alors qu'ils transportaient des tracts en faveur des manifestations, ils ont été placés en détention à l'académie militaire Nasser, dans le quartier d'Agouza, au Caire, où ils disent avoir été fouettés et avoir reçu des décharges électriques.
"Les autorités doivent immédiatement révéler les noms de tous les détenus et le sort qui leur a été réservé. Elles doivent les inculper d’infractions prévues par la loi ou les libérer sans délai", poursuivi Malcolm Smart.
"Ceux qui assument actuellement le pouvoir doivent faire le nécessaire pour que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements fassent sans délai l'objet d'enquêtes approfondies et impartiales, que les fonctionnaires présumés responsables de tels agissements soient déférés à la justice et que les victimes reçoivent des réparations complètes".
Le 12 février, le Conseil militaire suprême a annoncé que l'Égypte observerait les traités
internationaux. L’Égypte est liée à la Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis 1987. Autres articles avec des tags similaires
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J.N.B.L., le 27/02/2011