Les légendes arthuriennes... Voilà bien un sujet d'inspiration par excellence. Livres, films et bien entendu séries, depuis le Moyen-Âge, cet univers qui fait vibrer notre imaginaire s'est modelé en fonction de son public et a pu se décliner en autant d'adaptations, semblables et différentes à la fois. Chacun y va de son interprétation pour révisiter le mythe ces dernières années dans le petit écran, des shortcom françaises (Kaamelott) aux séries fantastiques familiales anglaises (Merlin), en passant par des mini-séries, elle-mêmes déclinaisons d'adaptations littéraires, comme Les brumes d'Avalon. Le sujet demeure une source d'inspiration pour les scénaristes.
Si bien qu'en ce début d'année 2011, c'est la chaîne câblée américaine Starz qui se lance à son tour dans sa propre version du mythe arthurien, en repartant aux origines de la légende. Elle confirme par là-même tout son attrait pour les séries historiques - un genre dans lequel elle finit par se faire une place. A défaut d'avoir de grandes attentes sur la série elle-même, le casting avait l'air plutôt sympathique et comme je ne sais résister à l'appel d'un plongeon dans un univers médiéval (qui plus est légendaire), j'ai donc jeté un oeil sur le pilote que Starz a diffusé ce vendredi.
La série part sur les bases d'un récit initiatique classique. Le rêve de Camelot n'existe dans ce premier épisode que dans les visions aléatoires d'un Merlin qui craint plus que tout l'anarchie et le chaos menaçant de déchirer le royaume en l'absence de dirigeant suffisamment fort et juste pour maintenir l'ordre. Comme un symbole de l'idéal perdu et du pouvoir à reconstruire, le château de Camelot, celui-là même au sein duquel la légende se forgera, n'est que ruine dans ce pilote qui va efficacement poser les jalons de l'histoire à venir.
L'épisode s'ouvre dans une autre demeure, celle du roi Uther Pendragon, le jour du retour d'une fille prodigue, Morgane, envoyée au loin par un père qui ne voulait plus d'elle. Les retrouvailles se passent forcément mal, la simple vue de la nouvelle reine ayant remplacé sa mère, Ygraine, rendant la jeune femme folle de rage. Après une énième répudiation, cette fois, Morgane décide de définitivement tourner la page, en empoisonnant son père pour pouvoir réclamer ses droits d'unique héritière sur ses terres. Si l'arrivée précipitée de Merlin ne pourra sauver le roi, il a cependant le temps de lui faire signer un document reconnaissant et instituant un autre héritier, un fils que Merlin prit et éloigna dès sa naissance, à la fois fruit et prix des amours magiques entre Ygraine et un Uther qui avait pris l'apparence de son mari d'alors.
Loin de ces intrigues létales, Arthur a grandi dans une ferme, détaché de toutes ces préoccupations. Il cultiverait même plutôt une insouciance puérile propre à la jeunesse. Mais lorsque Merlin le retrouve, désormais jeune adulte, c'est toute sa vie qui va prendre un brusque tournant inattendu avec la révélation de sa naissance et du destin que l'on entend lui faire accomplir. Avec le soutien de son frère adoptif, Kay, Arthur quitte donc le confort familial pour se lancer dans une lutte de pouvoir dont il ne prend pas réellement conscience initialement, à la poursuite d'un idéal que seul Merlin semble à même de voir. Le jeune homme a peut-être les habits d'un roi, mais il lui reste encore tout à apprendre pour en devenir un... et tout à conquérir. Car Morgane n'entend pas laisser échapper les droits qui lui reviennent.
Le pilote de Camelot démarre avec la tranquillité et l'assurance des fictions qui savent où elles vont. Sachant capitaliser sur cette impression de retrouvailles avec un mythe familier qu'éprouve forcément le téléspectateur, l'épisode se contente, sans trop en faire, presque modestement mais non moins efficacement, de poser les bases d'une histoire de toute façon connue. Son ambition narrative est simple : il s'agit d'une invitation à se laisser entraîner dans un récit où les dynamiques ont fait leur preuve. Il y parvient avec sobriété en nous introduisant dans les grands enjeux qui vont constituer le coeur de la série. La mort d'Uther sert de prétexte catalyseur parfait pour nous permettre d'assister aux bouleversements déterminants et à la redistribution des cartes qui s'opère entre les différents protagonistes. Tandis que parmi eux, certains se forgent déjà ces oppositions irréductibles qui ne flétriront plus, Camelot trouve progressivement son équilibre.
Au fond, ce que réussit ce pilote, c'est d'avoir su parfaitement coller à ce qui pouvait légitimement être attendu d'un tel projet. Nul n'attendait des innovations, des surprises ou encore d'être impressionné par une recherche de réalisme, une intensité dramatique particulière ou une esthétique marquante. Il s'agissait simplement de proposer une adaptation s'inscrivant dans le divertissement historique, suffisamment plaisante à suivre pour que le téléspectateur ait envie de se laisser entraîner... Et puis, ultérieurement, il sera toujours temps, pourquoi pas, de la voir grandir. Porté par ses dialogues aux réparties insufflant une dynamique à l'ensemble, le pilote de Camelot remplit d'autant mieux son office que les personnages qu'il met en scène vont facilement retenir l'attention d'un téléspectateur qui se surprend à rapidement s'attacher. La spontanéité rafraîchissante d'Arthur, les mystères de Merlin, le machiavélisme de Morgane ou encore le soutien fraternel de Kay, aussi calibrés soient-ils, embrassent certes des stéréotypes attendus, mais ils le font tout en sachant paradoxalement conserver une certaine distance.
Honnête sur le fond, Camelot l'est aussi sur la forme. Les décors et les efforts de reconstitution historique permettent de se laisser entraîner sans arrière-pensée dans l'histoire. La réalisation reste classique, mais ne dépareille pas. La musique remplit également son office pour verser dans la dramatisation quand il le faut. Relevons tout particulièrement celle qui accompagne le long générique d'ouverture, agréablement soigné et qui reflète bien l'ambiance mi-sacralisée, mi-légendaire de l'histoire, et donne le ton à l'ensemble.
Enfin, point assurément non négligeable, Camelot bénéficie d'un casting sympathique, dans l'ensemble solide, qui compense certaines facilités narratives et explique aussi le relatif attachement que pourra vite éprouver le téléspectateur à l'encontre des personnages. Arthur est incarné avec conviction par Jamie Campbell Bower (The Prisoner), efficacement secondé par Joseph Fiennes (Flash Forward) qui propose une interprétation terre à terre assez rafraîchissante de Merlin, tandis qu'Eva Green incarne l'adversaire, en la personne de Morgane. Pour aider Arthur, on retrouve notamment à ses côtés, Peter Mooney (Falcon Beach, ZOS : Zone of Separation) qui joue son frère adoptif, Claire Forlani (Les Experts : Manhattan), sa mère. De plus, on croise également Clive Standen (aperçu dans quelques épisodes de Robin Hood), Philip Winchester (Crusoe) ou encore Sinéad Cusack (North & South, The Deep). Tamsin Egerton (dernièrement croisée dans Money, dont on retiendra pour l'anecdote qu'elle jouait déjà dans Les brumes d'Avalon) incarnera Guenièvre.
Bilan : Sans démesure, avec la tranquille certitude d'exploiter un concept porteur, mais aussi une certaine humilité dans sa façon de s'attaquer à cette légende, le pilote de Camelot réussit son pari de poser les bases d'un divertissement médiéval aux accents initiatiques attrayants (en raison de la jeunesse d'Arthur). Portée par un casting dans l'ensemble solide et sympathique, la série s'installe avec simplicité. C'est typiquement le genre de fiction qui va s'attacher, sans arrière-pensée, ni prétention, à exploiter pleinement son histoire. Elle n'a rien d'incontournable, et chacun pourra sans doute passer son chemin sans nourrir de regret. Mais pour le téléspectateur en quête d'aventures moyen-âgeuses, c'est un début honnête que propose cette série à laquelle j'ai envie de donner sa chance. Rendez-vous donc pris pour avril.
NOTE : 6/10
La bande-annonce :