Introduction Tableau), mais la liste des causes inconnues l'est probablement d'avantage. L'origine d'un retard mental demeure indéterminé dans 40-60% des cas1,2 Un diagnostic bien fondé est indispensable pour répondre aux questions critiques des parents: Comment cela est-il arrivé? Une récidive est-elle possible? Y a-t-il un traitement? Quel est le pronostic? Le nombre des examens à disposition pour rechercher la cause d'un retard mental ne cesse d'augmenter. En revanche, la complexité de la tache entraîne souvent des examens peu ciblés, coûteux et très invasifs. Dans cet article, nous allons discuter de l'utilité des différents examens dont nous disposons lors de l'évaluation d'un enfant avec retard mental. Notre attitude se base en grande partie sur les recommandations de la Société Américaine de Génétique Humaine1. Des signes dysmorphiques sont en général difficiles à apprécier chez les enfants en bas âge. De plus, dans nombre de syndromes dysmorphiques, le phénotype caractéristique ne se développe qu'après un certain temps (Tableau). Pour ces raisons, une réévaluation régulière est encouragée si un premier examen ne permet pas d'arriver à un diagnostic. La fréquence de diagnostics trouvés peut progresser de 5-20% lors des consultations répétées1. Dans certaines conditions, cette approche permet également d'effectuer des examens complémentaires de façon séquentielle au lieu d'engager simultanément de nombreuses analyses coûteuses et désagréables. La fréquence des visites répétées dépend, entre autres, de l'évolution clinique de l'enfant et des projets reproductifs des autres membres de la famille. En général, deux visites dans la première année de vie, des réévaluations annuelles jusqu'aux premières années de la scolarité et un examen à l'âge de la puberté représentent une approche raisonnable1.
L'analyse chromosomique 1. Des anomalies congénitales, des signes dysmorphiques ou un retard mental sévère peuvent faire suspecter une anomalie chromosomique sous-jacente. Cependant, des anomalies chromosomiques ont également été décrites chez des enfants retardés sans signe dysmorphique ni autres anomalies associées3. Pour ces raisons, l'établissement d'un caryotype fait parti de l'évaluation de chaque enfant avec retard mental. La qualité des analyses cytogénétiques a beaucoup progressé ces dernières années. Un caryotype peut aujourd'hui atteindre un niveau de 1000 bandes et plus, ce qui correspond à une résolution d'environs 50-100 gènes par bande. Néanmoins, des caryotypes à haute résolution sont difficiles à interpréter et restent réservés à des indications spécifiques, comme la recherche d'un syndrome microdélétionel. Pour une analyse standard, un caryotype à 500 bandes est généralement suffisant. Par conséquence, un caryotype effectué il y a quelques années doit être répété si la suspicion clinique d'une anomalie chromosomique persiste. Une asymétrie du corps ou des anomalies pigmentaires de la peau peuvent être des signes d'appel d'un mosaïcisme chromosomique4. Si, en présence de tels signes, un premier caryotype à partir de lymphocytes s'était avéré normal, une biopsie de peau et un caryotype à partir des fibroblastes doivent être considérés. La technique de FISH (Fluorescent In Situ Hybridization) combine des outils de la cytogénétique et de la génétique moléculaire. La présence d'une séquence d'ADN chez un individu et sa localisation sur des chromosomes peuvent être recherchées spécifiquement à l'aide d'une sonde d'ADN marquée avec un fluorochrome (Image). Plusieurs syndromes microdélétionels peuvent être recherchés de cette façon (Tableau). Néanmoins, cette analyse n'est pas un test de dépistage. Elle est utile pour confirmer ou écarter la suspicion clinique d'un syndrome microdélétionel spécifique. Même si cette suspicion est formulée par un généticien expérimenté, le taux de détection ne dépasse pas les 10 à 20%1. L'utilisation de cette technique d'une façon non-ciblée serait donc peu efficace et très coûteuse.
Dépistage moléculaire Le syndrome de l'X fragile est la cause la plus fréquente d'un retard mental héréditaire et se retrouve dans 2-3% des cas de retard mental.5 La prévalence est estimée à 1 sur 1200 pour les hommes et 1 sur 2500 pour les femmes.6,7 Le syndrome se manifeste avec un retard mental, un comportement particulier caractérisé par une hyperactivité, des traits autistiques et un dysmorphisme comprenant un visage allongé, de grandes oreilles et une macrorchidie. Les symptômes sont en général moins marqués chez les femmes. Cette affection est causée par une mutation du gène FMR1, localisé sur le chromosome X. FMR1 contient une région caractérisée par la répétition d'un triplet de bases (CGG). Chez les individus normaux, le nombre de ces répétitions ne dépasse pas les 50 triplets. La survenue de 50 à 200 triplets indique une prémutation, la présence de plus de 200 triplets, une mutation complète. La prémutation n'est pas accompagnée de signes de la maladie, mais elle peut être transmise à sa descendance, tant par l'homme que la femme. Si un homme transmet la prémutation à sa fille, le nombre de répétition de triplets peut augmenter de façon modérée. En revanche, si une femme transmet la prémutation à ses enfants, le nombre de triplets peut augmenter de façon plus importante et la prémutation peut devenir une mutation complète. Ce phénomène se rencontre plus fréquemment si l'enfant qui hérite la prémutation est de sexe masculin. LeTableau résume les résultats d'une étude effectuée dans notre service, qui illustre ce mode de transmission particulier. La mutation complète peut provoquer des "cassures" du chromosome X, d'où le nom de l'X fragile. Pratiquement tous les hommes et la moitié des femmes avec cette mutation complète vont développer des signes de la maladie8. Le retard mental est le symptôme le plus consistent du syndrome de l'X fragile. L'expression des autres signes de la maladie est très variable, surtout chez les filles et les enfants en bas âge9. Certainement, les traits décrits ci-dessus ou une anamnèse familiale de retard mental doivent faire suspecter un syndrome de l'X fragile chez un enfant avec un développement retardé. L'absence de ces signes ne permet toutefois pas d'exclure le diagnostic. Pour cette raison, et parce que l'analyse est facile à faire et relativement peu coûteuse, la recherche d'une mutation du gène FMR1 est recommandée dans l'évaluation de chaque enfant avec retard mental d'origine indéterminée.
Imagerie cérébrale (CT/IRM) Chez la plupart des enfants avec retard mental, l'imagerie cérébrale (CT ou IRM) permet de déceler une anomalie du cerveau. Le taux de détection varie entre 26 et 96%.1,3,10,11 En général, l'IRM est mieux adapté à la recherche d'une malformation cérébrale que le CT. La visualisation de la base crânienne, l'appréciation du degré de myélinisation et la mise en évidence d'anomalies subtiles sont nettement supérieures. La plupart des études admettent que les avantages dépassent les inconvénients que représentent l'obligation d'un narcose chez les enfants de bas âge et le prix élevé de l'examen.1 Le CT reste utile pour la recherche d'une craniosynostose ou lorsqu'une IRM n'est pas possible. Malgré sa sensibilité, l'utilité de l'imagerie cérébrale dans l'évaluation d'un retard mental est souvent limitée. Les malformations détectées sont souvent peu spécifiques (agénésie du corps calleux, dilatation ventriculaire, etc.) et ne permettent pas de progresser vers un diagnostic. De plus, l'influence de nombreuses malformations mineures (agénésie du corps calleux, anomalies du septum pellucidum, etc.) sur le fonctionnement du cerveau est peu claire. La différence entre une variation anatomique banale et une malformation pathologique n'est pas toujours évidente.12 Il est donc souvent difficile d'en déduire un pronostic. L'imagerie cérébrale peut être précieuse pour élucider l'origine d'une micro- ou macrocéphalie. Elle peut également être utile pour rechercher la cause de certains signes neurologiques (ataxie, spasticité, convulsions). Par contre, la valeur d'une IRM ou CT dans l'évaluation d'un enfant normocéphale sans signe neurologique est moins claire.1,13 Face à un enfant dysmorphique, l'imagerie cérébrale peut apporter des éléments qui permettent de poser le diagnostic d'un syndrome génétique. En revanche, elle a peu de place dans l'évaluation d'un enfant avec un syndrome génétique bien connu (Trisomie 21, syndrome de Williams, etc.). La plupart des enfants avec une telle affection va présenter des anomalies cérébrales, mais cette information est rarement utile pour une prise en charge ultérieure.1La situation change évidemment si l'enfant présente des signes neurologiques qui ne sont pas attribuables à son syndrome.
Dépistage métabolique La détection d'une maladie métabolique repose principalement sur une suspicion clinique. Certaines situations font évoquer une maladie métabolique (Tableau). Dans ces cas là, une première série d'analyses peut être utile pour confirmer ou écarter cette suspicion (Tableau). Selon les résultats, des analyses plus approfondies doivent être effectuées par la suite. En l'absence de tout signe d'appel, la probabilité de dévoiler une maladie métabolique chez un enfant avec retard mental par un dépistage non ciblé est très faible (0-5%).1,13,14 Depuis l'introduction des programmes de dépistage pour la phénylcétonurie, la galactosémie et l'hypothyréose en période néonatale, cette probabilité est encore plus faible. Pour cette raison, un dépistage des maladies métaboliques sans suspicion clinique est peu efficace et très coûteuse. De plus, des variations des tests métaboliques (surtout des acides aminés urinaires) ne sont pas rares chez les personnes saines1.