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500 millions de smartphones, et moi et moi et moi

Publié le 02 mars 2011 par Variae

En quoi l’usage d’un smartphone change-t-il la vie ? C’est la question lancée à la cantonade de la blogosphère par Nicolas du blog geek « Partageons l’addiction ». Question qui résonne d’autant plus chez moi que l’impact des nouvelles technologies sur l’organisation de la société, d’une part, et la façon dont les êtres humains se les approprient, d’autre part, sont deux interrogations personnelles de longue date et de long terme.

500 millions de smartphones, et moi et moi et moi

Je suis équipé d’un smartphone depuis maintenant un peu plus de 3 ans (successivement HTC Touch Dual, Blackberry Storm et désormais HTC Desire HD). La vraie rupture dans mon usage du téléphone s’est située dans cet avant/après acquisition du premier smartphone, le passage, dans un second temps, d’un modèle à un autre (plus performant) ne faisant qu’affirmer des tendances perceptibles dès le premier achat. Quelles tendances ?

Premièrement, une attitude différente face à l’information. De plus en plus, la norme de « consommation » de l’information (mails, mises à jour de sites ou de blogs, interactions sur les réseaux sociaux) me semble devenir la réception passive, en rupture avec un modèle dominant précédent où il fallait soi-même aller chercher les nouvelles informations. Certes, le flux RSS n’a pas été inventé par les smartphones ; mais l’habitude d’avoir un récepteur simple où sont concentrées toutes les alertes (nouveau message, nouveau commentaire sur Facebook, nouvel article sur tel ou tel journal en ligne …) contribue largement à enraciner cette paresse 2.0 selon laquelle on considère que l’information doit venir à soi, et non l’inverse. A moyen terme, je pense que les smartphones vont jouer un rôle déterminant dans le passage d’un internet de sites et de blogs à un internet de flux. Un smartphone, c’est un peu comme un lecteur/émetteur RSS que l’on aurait dans sa poche en permanence. Effet connexe, l’intermodalité : à force de recevoir toutes les alertes sur un seul écran, les différentes messageries et réseaux donnent l’impression de se fondre, et quand je reviens sur un PC fixe, j’ai tendance à chercher des moyens (comme Tweetdeck) de contrôler le plus de flux possible par une seule application. Autre effet connexe, l’addiction aux réseaux sociaux, qui prennent tout leur sens quand ils peuvent être alimentés et consultés en temps réel (et non pas seulement le soir quand on rentre chez soi par exemple).

Deuxièmement, l’irascibilité par rapport au temps. C’est encore une caractéristique générale du web amplifiée dans le cas particulier du smartphone. La disponibilité immédiate d’une information (message mail, recherche Google …) devient la norme. Le temps qu’il fallait autrefois pour atteindre un ordinateur à partir duquel on pouvait vivre dans l’immédiateté est désormais aboli : on a en permanence l’instantanéité du web dans sa poche. J’ai le sentiment que cela joue (à la baisse) sur la patience et la capacité de concentration. Du coup, il faut s’imposer des moments sans smartphone pour s’extirper de ce flux continu et infini de sollicitations.

Troisièmement, ce que j’appelle « l’effet clic ». Mon premier réflexe pour obtenir des informations sur les objets de mon environnement est de consulter les moyens mis à ma disposition par le smartphone (sites et applications spécialisées notamment). Dans un magasin : comparer les prix, chercher des renseignements sur un produit, demander l’avis d’un tiers par photo interposée … autant de fonctions désormais facilitées et transformées par ces appareils. On en vient à penser comme si tout l’environnement était cliquable – un objet = une question = une requête sur le smartphone. Pour cette raison je crois beaucoup à l’avenir des flashcodes.

Enfin quatrièmement, « l’effet-prothèse ». Le smartphone devenant un accompagnateur et un facilitateur permanents de notre vie cognitive, je me demande en quelle mesure on n’en vient pas à le considérer comme une extension de soi. L’appropriation des objets personnels est déjà une réalité en temps normal (des chaussures dans lesquelles on se sent « comme dans des chaussons », tel ou tel vêtement qui est comme une « seconde peau » …), mais elle est d’autant plus amplifiée dans ce cas que l’objet concerné constitue un élément essentiel de notre rapport au monde et à autrui (comme je le détaillais précédemment). Un peu comme une paire de lunettes, le téléphone est moins qu’une partie de notre corps (pour combien de temps encore ?) mais déjà (beaucoup) plus qu’un objet personnel banal. Même face à un ordinateur de salon objectivement plus confortable, il m’arrive de préférer utiliser le smartphone pour des opérations simples, comme s’il devenait plus naturel (ou naturel tout court). Il constitue une prothèse au plein sens du terme puisqu’il augmente considérablement, aussi longtemps que nous le portons sur nous, notre potentiel de connaissances et d’informations.

Pour reprendre ma distinction initiale, le smartphone ne me semble pas appartenir à la classe des artefacts technologiques qui se contentent de prolonger et améliorer/compléter/remplacer une innovation précédente (comme les tablettes tactiles par rapport aux smartphones, justement), mais bien à celle des objets qui transforment profondément le quotidien et la façon de vivre.

Romain Pigenel

Sont invités à répondre à cette chaîne CC, Dominique, Gabale, Laurent, Xapur, Philippe, La communication politique, MHPA, ValLeNain, Melclalex, Isabelle B, Gaël, Abadinte, Polluxe, Asclepieia, Corto et Seb Musset.


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