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Le Maharadjah de Kapurthala en visite à Paris

Publié le 02 mars 2011 par Olivia1972

Nous avons trouvé dans le Moniteur des consulats (futur Moniteur du commerce international) cet article paru le 25 juillet 1897, à l’occasion de la visite à Paris du Maharadjah de Kapurthala, plus connu sous le nom de Jagatjit Singh.

C’est ce Maharadjah qui épousera en 1908 la jeune danseuse espagnole Anita Delgondo, histoire qui inspirera le fameux roman de Javier Moro « Une passion indienne » (voir l'article que nous avons consacré à ce roman : http://www.indiablognote.com/article-33949013.html )

Jagatjit Singh était amoureux de la France et du style Louis XIV ; le palais d’Agrat qu’il se fit construire est presque une réplique de Versailles.

Cet article est savoureux ; il montre que le Tout-Paris était impressionné par le faste et la richesse de ces Maharadjahs indiens. Il révèle aussi le décalage qui existe entre l’occident et l’orient…



S. A. le Maharajah de Kapurthala

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S.A. Farzand-i-Dilband, Rasikhul-Itikad, Daulat-i-lnglishia, Raja-i-Rajagan, Raja Jagatjit Singh Bahadur Ahluwalia, Maharajah of Kapurthala, qui se trouve en ce moment à Paris, de retour de Londres où il est allé assister au Jubilé de la reine Victoria, né en novembre 1872, n'a par conséquent que vingt-quatre ans, et, à cet âge de la prime jeunesse, où d'autres princes comme lui, dans tout l'éclat du faste et de la gloire, jouissant de la fortune et dû pouvoir absolu, ne se préoccupent guère que de leurs plaisirs, insouciants du sort de leurs sujets uniquement faits pour satisfaire à leurs caprices, celui-ci, dérogeant aux habitudes de ces souverains fainéants, engourdis dans leur mollesse, s'est tracé un autre Idéal de conduite et de gouvernement et a rêvé d'être un pasteur de peuples.

Il a tourné de bonne heure ses regards vers cet Occident d'où vient aujourd'hui là lumière et lui a demandé ses inspirations, ses progrès, sa civilisation. Non content d'appeler à lui des Européens pour réaliser les réformes dont il souhaitait de doter son pays, il a tenu à venir s'asseoir au foyer du vieux monde et, nouveau Prométhée, à dérober l'étincelle de vie pour la rapporter dans ses Etats.

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Kapurthala, sa capitale, est une cité merveilleuse. C'est un Éden, une ville féerique, telle qu'on n'en voit que dans les légendes. Et pourtant elle existe, vivante, joyeuse, s'agitant au milieu de fêtes perpétuelles, dans un décor magique. Sans rien perdre de sa couleur exotique, dont le charme pénètre et ravit, Kapurthala offre toutes les commodités, tout le confort des capitales et des grands centres de l'Europe. Les sports élégants y sont en honneur, et ce mélange de modernité et d'orientalisme a un ragoût très particulier qui fait de cet endroit un séjour peut-être unique. La plume est impuissante à décrire surtout les splendeurs du palais du puissant maharajah, les divertissements qui y sont prodigués à ses hôtes de toute nationalité, et les raffinements exquis de son hospitalité magnifique dont on emporte un inoubliable souvenir quand on a été admis dans l'intimité de ce prince charmant.

Charmant et charmeur adorant la femme avec une délicatesse rare, connaissant comme personne l'art de plaire et de séduire, de se faire aimer de chacune.

S. A. le maharajah est un homme de belle prestance, aux manières polies, et courtoises, artiste, lettré, possédant à fond les langues française et anglaise, très ami de la France, épris par-dessus tout de Paris, qu'il a visité pour la première fois il y a quatre ans en 1893, et naturellement des Parisiennes, que leur grâce et leur élégance font sans rivales à ses yeux.
Prince guerrier, tel que le furent ses ancêtres, il préfère cependant la paix, dont il apprécie les bienfaits pour les peuples, mais, prêt à tout événement, comme il convient de la part d'un souverain prévoyant et sage, il entretient une véritable armée, bien disciplinée, admirablement instruite, Capable de soutenir les plus redoutables chocs et de marcher à la victoire.

Tranquille clans ses États, riche, puissant et fort, il se voue tout entier à l'administration de ses vastes principautés avec une justice et une équité qui assurent le bonheur de ses sujets,
auprès desquels il jouit d'une immense popularité. Ses voisins l'aiment et l'admirent, et sa jeune renommée emplit les Indes.

Il a augmenté le budget des recettes de Kapurthala, qui était d'environ six millions de francs sous le précédent règne, amélioré les services sanitaires, construit des routes, établi de nouvelles écoles, perfectionné le système d'éducation, ouvert des dispensaires gratuits, encouragé surtout l'agriculture et l'industrie.

La surface de Kapurthala est de 598 milles carrés et sa population de 300.000 habitants. En plus de ce royaume, le prince à ses possessions des Oudh, qui ont une surface de 700 milles carrés et une population d'environ 260.000 indigènes de races différentes. L'armée se compose de cavalerie, d'infanterie et d'artillerie.

Le prince de Kapurthala, quand il visite officiellement une ville anglaise, a droit à une salve de onze coups de canon. Ses couleurs sont bleu et blanc.

Kapurthala est gouverné par le Maharajah, aidé de ses fonctionnaires, mais en cas de besoin, il fait appel aux conseils du colonel Massey, commissaire du gouvernement britannique pour le district de Jullundur.

Les Maharanee ou princesses royales sont les premières femmes du Maharajah ; elles sont de famille princière et de très haut rang, très instruites, élégantes et aimables comme de vraies Parisiennes — avec cet avantage qu'elles sont tout cela exclusivement pour leur mari, puisqu'elles vivent dans le harem ; les dames européennes, qui sont admises à l'honneur de leurs réceptions, sont unanimes à vanter leur grâce et leur urbanité.

 

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S. A. le Maharajah est accompagné à Paris par son représentant, M. C. Merlens, qui est un boulevardier et un gentleman accompli.

Pendant le nouveau séjour .qu'il compte faire chez nous, S. A. le Maharajah achèvera — ce qui ne lui sera pas bien difficile étant données ses qualités personnelles de séduction, — de faire la conquête de nos hommes d'Etat, de nos illustrations politiques et artistiques, du Tout-Paris, où il rencontrera d'ailleurs nombre de respectueux amis, qu'il a si bien su se créer lors de sa première visite en 1893.

Il y a, on peut dire, en ce moment, ici, un Parisien de plus — un vrai. Nous ne voulons pas être des derniers à nous en réjouir, et nous nous hâtons de souhaiter la bienvenue à l'illustre et sympathique maharajah de Kapurthala.

JULES MEULEMANS.


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