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Où en sommes-nous avec l’obésité au collège ?

Publié le 03 mars 2011 par Obobs

136574139_1f47d2bc31.jpgAu moment où les statistiques de l’obésité s’emballent dans l’ensemble des pays industrialisés, la France commence à peine d’organiser sa riposte.


Tout d’abord de façon réactive – c’est fait, et c’est très bien. Puis en enclenchant une vaste campagne de vigilance, prélude on l’espère à une mobilisation inédite. Car c’est d’une bataille abstraite qu’il s’agit, sachant qu’il n’est pas sûr que les pouvoirs publics en détiennent toutes les clés.


Et s’il fallait apprendre à écouter les hommes et femmes de terrain, ceux dont c’est le métier de comprendre, d’accompagner, et qui dans les écoles, les collèges, s’occupent au quotidien de nos enfants, réclament pour cela des moyens ?

Manipulation de chiffres

L’augmentation en France du nombre d’enfants en surpoids – 1  sur 10 chez les 5-12 ans, 3 à 7 fois plus que dans les années 70, pousse les équipes éducatives et les responsables de tous niveaux à tenter d’enrayer la tendance, chercher des solutions adaptées. 

Nos indicateurs, 18% des enfants français, dont 4 % d’obèses (selon l’IOTF-2005), même si moyenne-ment inquiétants par rapport à ceux de l’Union européenne : 1 enfant sur 5, avec une augmentation de 2% par an (IOTF-2005), et encore loin de ceux des Américains (30%) ou même des Chinois, sont en effet à rapprocher d’autres données.

Certes, 83% de nos adolescents scolarisés en classe de 3ème , garçons et filles confondus, ont un IMC normal, 12,4% sont en surpoids, et 3,3% obèses (IOTF), mais, d’une part, on observe une évolution accélérée durant la dernière décennie – plus 28% en Lorraine, plus 145% dans le Centre Ouest en 16 ans dans la tranche des 10 ans (Vol et al, 1996), plus 172% chez  les 4-5 ans sur une période de 5 ans dans l’Hérault (Lehingue et al, 1996), et d’autre part, on sait maintenant que, parmi les adolescents obèses en 3ème , 4 sur 10 avaient une corpulence normale à 6 ans (Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques, 2004). Non seulement donc le prédictif d’obésité chez les enfants en bas âge persiste et s’amplifie, mais il n’est plus totalement fiable, ne pouvant prendre en compte l’obésité tardive. 

Et la baisse du niveau de vie induite par la crise aggrave encore le phénomène, le lien direct étant mis en évidence entre prévalence de l’obésité et milieu social défavorisé (DREES).

Ce qui a pu amener, notamment, le Professeur Arnaud Basdevant, médecin, chef de service de nutrition à l’Hôtel-Dieu, à déclarer tout net :

« Si rien n’est fait pour limiter l’augmentation de l’obésité chez les enfants, la France pourrait atteindre le niveau des États-Unis vers 2020 ». 

Dispositif légal vs initiative locale

Dans ce contexte, si l’application depuis septembre  2005 de la Loi de santé publique bannissant des établissements scolaires les distributeurs d’aliments, boissons et confiseries sucrés, ainsi qu’une réglementation de la publicité sur les produits sucrés, apparaît déjà  une première  mesure salutaire, elle ne traite évidemment pas du fond.

On constate que se focaliser à la cantine, comme cela se fait désormais un peu partout,  sur l’éducation au bien manger dans le cadre d’un programme éducatif raisonné,  même si cela ne peut que s’avérer positif à long terme, ne saurait suffire à éradiquer les causes : à savoir les conduites de vie des ados, liées à la cellule familiale et au mode de vie sociétal actuel, lesquelles nécessitent une prise en charge globale. 

Bien sûr, il est  trop tôt pour juger de la mise en place ou non d’un dispositif de lutte national allant dans ce sens. Cependant, malgré la réduction générale des crédits, qui pourrait à elle seule  étouffer toutes les velléités dans l’œuf, il est à noter qu’on assiste à l’éclosion dans certains collèges d’initia-tives prometteuses et, c’est à souligner, avec l’aval de l’E.N. et le soutien financier des collectivités régionales et départementales. Les forces de proposition existent, et les idées qui germent locale-ment, bien que, et parce que venues des enseignants eux-mêmes, se réalisent sur le terrain !

Exemple parmi d’autres : l’ouverture depuis 2007 d’une « section XL » à Auch, au collège Carnot (à partir d'un article paru sur le site du journal Sud-Ouest le 17.02.2011).  

À l’origine du dispositif, deux  profs d’EPS et l’infirmière scolaire.

Cause : la désertion du cours de natation.

« Il y a la gêne de se montrer en maillot de bain, et puis le côté pénible de l’activité quand on est en surcharge ».

Un principe : le volontariat.

« Pour aider les enfants en surcharge pondérale, il faut qu’eux-mêmes et leurs familles soient volontaires ». But : bouger plus et manger mieux.

Une condition : classe spéciale, d’accord, ghetto pas question.

« On ne veut surtout pas les stigmatiser, car ce sont des enfants qui sont déjà suffisamment en souffrance. Au-delà de leurs difficultés à se mouvoir, des moqueries dans le collège, il y a aussi en général les résultats scolaires qui sont en berne. Chez les adolescents en surpoids, le taux de redoublement est supérieur de 50% » (Cécile Maris).

Cette classe spéciale vise par conséquent tout autant à palier l’échec scolaire qu’à aider les ados à retrouver une meilleure image d’eux-mêmes.

Le contenu : à dominante EPS.

« Nous leur faisons pratiquer une activité physique quotidienne, au lieu des deux séances hebdomadaires classiques, afin qu’ils reprennent goût au sport ». Foot, natation, marche nordique, autant d’activités auparavant rébarbatives et pas évidentes.

Côté nutritionnel : pas de régime.

« Le but est de leur réapprendre à manger de façon équilibrée » (Hélène Rodriguez). Et là, l’intendance et les cuisines ont suivi. Tout le collège Carnot s’est impliqué : « Manger équilibré concerne tous les enfants du collège ».

L’accompagnement : intervention mensuelle sur le groupe d’une diététicienne, visites d’une psycho-logue, qui voit les élèves individuellement et avec leurs familles.

« On leur demande d’adhérer au REPOP  (Réseaux pour la prise en charge et la prévention de l'obésité en pédiatrie).  C’est important, ils passent une sorte de contrat moral et sont tenus de consulter un médecin, en plus du suivi médical supervisé par Hélène Rodriguez » (Cécile Maris).

Les résultats : de façon générale, des élèves mieux dans leur peau, qui ont retrouvé du plaisir à étudier, de meilleurs résultats scolaires. Sur trois ans, 3 élèves ont complètement stabilisé ou fait chuter leur IMC. L’un d’entre eux, ayant regagné des courbes normales, a souhaité rester dans le dispositif pour continuer de développer son autonomie.

Avantage (et inconvénient majeur, voire rédhibitoire) : l’effectif est de 15 élèves ! En contradiction flagrante avec la politique de rentabilité de l’Education Nationale, qui exige un maximum d’élèves par enseignant. 

Témoignage plus qu’intéressant enfin, celui de l’équipe éducative:

« Les problématiques des ados sont vraiment variées. Les uns grignotaient, les autres avaient pris l’habitude de se resservir trois fois, certains compensaient leurs difficultés psychologiques ou même l’ennui, certains étaient tombés dedans momentanément ». 

Et maintenant ?

On le voit, d’ores et déjà tous les acteurs semblent sensibilisés au problème, et conscients des priorités. Une importante Note de cadrage (mai 2010) de la HAS (Haute Autorité de Santé) est d’ailleurs depuis peu en cours d’application, visant à réévaluer surpoids et obésité chez l’enfant et l’ado. Elle s’adresse à l’ensemble des généralistes, pédiatres et médecins scolaires.

Mais, parviendra-t-on à dépasser, comme ici, l’expérimental ? À l’heure où les suppressions de postes dans l’Enseignement public se multiplient (16 000 annoncées à la rentrée prochaine), le danger n’est-il pas que l’arbre cache l’absence de forêt ?


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