Août 1942 quelque part en zone occupée…
Antoine était redevenu un de ces citoyens ordinaires, après avoir été renvoyé dans ses foyers suite à une blessure sur un champ de bataille…
Seul souvenir, clouées au dessus de la cheminée quelques médailles attestant de ses exploits militaires, dont une qui faisait sa fierté… La croix de guerre avec citation à l’ordre de la nation, remise pour acte de bravoure par le Général Leclerc lui-même devenu ensuite Maréchal…
Antoine était un homme secret, tout au plus racontait-il aux enfants du village ses péripéties. Ce qu’il avait fait tout le monde l’aurait fait pensait-il, les héros n’existent pas…
Pourtant…
En cette chaude matinée du mois d’Août 1942, Antoine se rendait à bicyclette au café du village, il devait pour cela traverser le pont de Rochebois, gardé de façon stratégique par quelques soldats Allemands une sorte de mini-poste frontière… Le pont pouvait en effet servir de passage aux convois de la Wehrmacht, et se devait donc d’être protégé…
Antoine n’avait plus besoin de montrer patte blanche aux militaires, ils le connaissaient bien, inutile qu’il perde son temps à présenter papiers ou laissez-passer… De plus les Allemands avaient fini par bien l’aimer avec sa façon de baragouiner l’Allemand, et son accent du Sud à couper au couteau…
Les villageois voyaient d’un mauvais œil cette connivence, certains l’appelaient même le collabo… Lui qui pourtant était ce héros qu’il se défendait d’être…
Bref une fois encore le jeune officier souleva la barrière de bois et le laissa passer, sans avoir omis de plaisanter comme à son habitude en faisant allusion aux sacoches de cuir de son vélo : « Antoine toi… Filou ! Toi faire marché noir !!! » Et de faire mine de lui tirer dessus en pointant son fusil dans sa direction…
Il est vrai que dans ses sacoches Antoine n’avait pas grand-chose de répréhensible, du moins ce matin là, peut-être ne serait-ce plus le cas à son retour du village allez savoir…
Une demi-heure plus tard Antoine arrivait au village, et après avoir calé sa bicyclette contre le mur, il pénétrait dans le bistrot…
« Un café Antoine ? » Lança le patron
« Oui » répondit-il avec un sourire, car depuis belle lurette il n’y avait plus de café au village, et cet infâme breuvage était en fait réalisé avec une décoction d’orge, restrictions obligent !
« Comme d’habitude ? Dans l’arrière salle ? »
« Oui, je vais faire une belote… Que l’on ne nous dérange pas ! » dit Antoine avant de pousser la porte ornée d’un rideau à fleurs…
Dans l’arrière salle trois personnes étaient attablées, le curé du village, l’adjoint au Maire, et le pharmacien…
« Une cigarette Lucien ? » Dit Antoine au pharmacien
« Avec plaisir… »
Dans le paquet un minuscule rouleau de papier blanc avait été glissé…
« On vous l’a encore fait passer par la voie normale Antoine ? »
« Oui mais pour la dernière fois, le système n’est plus sûr… J’attends des ordres pour les prochains messages… »
La porte venait de s’ouvrir, surpris Lucien cacha rapidement le paquet de cigarettes sur ses genoux… C’était Gaston le cafetier avec ses tasses de « café » fumantes… « Je vous ai mis deux morceaux de sucre, vous partagerez… »
Plus de peur que de mal, mais les hommes étaient nerveux en ces temps d’occupation, la moindre activité de résistance était punie de mort au mieux, de déportation au pire dans ces terribles camps de concentration dont on entendait timidement parler…
Eh oui… Le mot était lâché… Résistance… Ces quatre hommes ordinaires, au physique anodin étaient les responsables du réseau Pégase, qui prenait ses ordres directement de Londres…
Le « contact » qui envoyait les messages du style du rouleau de papier, demeurait quant à lui, pour des raisons de sécurité, inconnu de tous… On ne connaissait que son pseudonyme… Le Bordelais…
« C’est pour ce soir ! » Lança alors Lucien après avoir déroulé le petit bout de papier, qu’il plaça ensuite dans sa bouche avant de l’avaler…
A la tombée de la nuit, nos quatre hommes repassaient le pont de Rochebois, Antoine en tête, officiellement ils revenaient des coteaux, des bottes de foin à rentrer, de toute façon on ne leur poserait sûrement pas de questions…
Le jeune officier apparemment seul, souleva rapidement la barrière, pressé de se débarrasser des cyclistes, presque agacé, c’est qu’il y avait eu du grabuge ! Ses hommes avaient été mobilisés pour circonscrire un incendie qui s’était mystérieusement déclaré dans une grange, qui faisait office de dépôts de munition pour le 4ème régiment d’infanterie du Reich, tout avait sauté !
« Was ist heu… Le feu là bas ? » Demanda Antoine en passant…
« Terrorist !!! » Se contenta de répondre le militaire…
Dyonisos
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