Nous vous reparlons des directives européennes luttant contre le blanchiment d'argent, dont la troisième, de 2005, est en cours de transposition. Ces directives étendent aux avocats l'obligation de déclaration de soupçon pour certaines interventions.
Rappelez-vous, selon la Cour de justice des Communautés, la déclaration de soupçon n’est pas contraire au principe du procès équitable (question préjudicielle posée par les barreaux belges, CJCE, arrêt du 26 juin 2007 - aff. C 305/05).
Dès lors, l'avocat qui a prêté serment d'exercer sa profession notamment avec conscience et indépendance se verra-t-il sanctionné si celle-ci ne rejoint pas les attentes européennes ?
La Cour constitutionnelle belge a répondu par la négative dans un arrêt rendu le 23 janvier 2008.
Elle était saisie par l'Ordre des barreaux belges et le Conseil des barreaux de l'Union européenne.
Les requérants critiquaient des dispositions légales belges qui obligent les avocats, sous peine d'amende, à informer les autorités de faits, ou de soupçons, de blanchiment d'argent, au nom du respect de l’indépendance des avocats, leur secret professionnel et leur devoir de loyauté à l'égard de leurs clients.
La Cour constitutionnelle leur a donc donné raison.
En France, une procédure semblable à celle initiée en Belgique est pendante devant le Conseil d'Etat.
Inutile de rappeler que tous les avocats des pays membres sont en concurrence.
Pourquoi ne pas exempter les avocats français de cette obligation de dénonciation, à l’instar de leurs Confrères belges ?
L’arrêt est en ligne (PDF)
A lire :
Sur le blog de Thierry Wickers : Blanchiment : arrêt du 23 janvier 2008 de la Cour constitutionnelle belge : La Cour constitutionnelle belge a été la première à porter, à l'occasion de sa transposition, une appréciation sur les dispositions de la troisième directive "anti-blanchiment".
Sur le site du Monde : Blanchiment : la justice belge défend le secret professionnel des avocats, par Jean-Pierre Stroobants
A consulter également :
Sur Avocatparis.org : un Communiqué de presse de Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris :
...« Je propose qu’il y soit prévu les dispositions suivantes : lorsqu’un doute apparaîtra sur l’origine des fonds, l’avocat jouera son rôle de conseil. Il en informera son client, et son client seulement ; il lui demandera de l’autoriser à solliciter de Tracfin, par l’intermédiaire du bâtonnier, un certificat de conformité à défaut duquel il refusera son concours.
Mais rien ne se fera sans l’accord du client, ni encore moins à son insu.
La loi devra également fixer un seuil raisonnable à partir duquel cette procédure de vérification sera obligatoire. On peut s’inspirer du seuil prévu à l’article 80 duodecies du code général des impôts. Tracfin devra avoir l’obligation de répondre dans le délai d’un mois. Le silence gardé par Tracfin vaudra absence d’opposition de sa part.
Encore une fois, les avocats ne sont pas arc-boutés dans une posture d’opposition qui serait un renoncement à l’action ; ils ont le souci de proposer et de construire »...
Sur tracfin.minefi.gouv.fr : Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins - Le dispositif de déclaration de soupçon Sur le site du Conseil National des Barreaux :
OBSERVATIONS & PROPOSITIONS DU CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, y compris le financement duterrorisme présentée par la Commission européenne le 30 Juin 2004 (Édition du 19 juillet 2004) (PDF). Décision à caractère normatif n° 2007-002 portant adoption d’un règlement relatif aux procédures internes destinées à mettre en œuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme & Dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures (PDF).
Sur france-info.com : Lutte contre le blanchiment : des avocats délateurs ? Vous pouvez écouter : Les avocats ne veulent pas de cette mesure, Jean-Phillipe Deniau (0'48")
Les explications d’Yves Repiquet l’actuel bâtonnier du barreau de Paris (4'8")
Ecoutez Christian Charrière-Bournazel (1'51")
Directive du Parlement et du Conseil européens du 26 octobre 2005 (PDF - 317.2 ko)