Après plusieurs mois de fermeture, le Musée du Luxembourg rouvre ses portes avec cette exposition superbe, d'un peintre allemand du 16° siècle qui fait le lien entre art gothique et Renaissance, aux multiples facettes.
C'est désormais la Réunion des Musées Nationaux qui est aux manettes de cette petite surface (500m²), pour continuer à en faire un pôle d'attraction du tout Paris du 3° âge.....L'installation est sobre, dans des caissons de bois sombre, qui font ressortir à la fois les couleurs d'une richesse et d'une diversité inouïes, et le caractère révolutionaire de certains thèmes.
Lucas Cranach l'Ancien est né vingt ans avant la découverte de l'Amérique (1472) et vécut très longtemps pour son époque puisqu'il s'éteignit en 1553. Manager d'un important atelier - quelques quinze collaborateurs dont deux de ses fils - il sut s'adapter aux exigences de sa clientèle, en ces temps de bouleversements scientifiques et religieux. A un moment, à l'avènement du Protestantisme, il choisit de devenir imprimeur pour faire face à la demande de Bibles. Voici donc un homme avisé, plusieurs fois élu bourgmestre de sa ville, qui sait évoluer avec les idées de son temps.Admirateur d'Albrecht Dürer, il concilie les influences de la renaissance italienne et des artistes flamands. Quelle joie, aujourd'hui, de pouvoir contempler des chefs-d'oeuvre habituellement visibles à Prague comme ce supplice de Sainte Catherine, oeuvre de jeunesse pleine de couleurs et de mouvement.L'exposition a le mérite de juxtaposer les oeuvres de certains contemporains en montrant combien Cranach, tout en faisant des emprunts de thèmes ou de motifs, parvient à les sublimer.
On a beaucoup parlé de son art de montrer la nudité, tout entier dédié à la spiritualité mais aussi à l'opportunité de montrer des corps féminins allongés ou alanguis. C'est le début du Manièrisme, où l'on montre une héroîne juste parée d'un voile tout à fait transparent, mais on vous enjoint (en latin) de ne pas y toucher, ou de ne pas perturber son sommeil (La nymphe de la source). Des portraits d'un réalisme objectif - Frédéric Le Sage peu de temps avant sa mort, le vénéré protecteur - ou l'ami Martin Luther, à plusieurs stades de sa carrière, ou cette délicieuse représentation de la régente des Pays-Bas, Marguerite d'Autriche, au regard plein de bienveillante tendresse.
Pour ma part, j'ai particulièrement apprécié la dernière salle où sont exposées des oeuvres plus profanes comme Hercule chez Omphale ou le couple mal assorti, pleins d'humour et de verve. Ou encore le contraste dérangeant entre le visage avenant de Salomé tenant sur un plat la tête de Saint Jean-Baptiste.
Merci au Commissaire de l'exposition, l'allemand Guido Messling, de cet accrochage et des judicieux commentaires.Comme toujours en ce lieu, il est prudent de réserver, il y a déjà un monde fou....
Cranach et son temps, au Musée du Luxembourg jusqu'au 23 mai.