Depuis le boycott d’étape des coureurs et directeurs sportifs lors du Tour de France 2009 pour protester contre l’interdiction d’oreillette, nous avons tous bien perçu la guerre d’influence que se livrent UCI et « managers » pour le pouvoir dans le sport cycliste, le tout en prenant en otage coureurs, organisateurs et spectateurs.
Au Comptoir des Politiciens, nous ignorerons ces considérations essentiellement politiques et mercantiles pour centrer notre analyse sur l’essentiel, à savoir l’impact des oreillettes dans la course cycliste, en résumé, le sport.
Pour rappel, depuis 3 ans environ, l’Union Cycliste Internationale souhaite interdire le port des oreillettes par les coureurs cyclistes. Ces oreillettes permettent au directeur sportif de transmettre à ses coureurs, depuis sa voiture, toute information qu’il juge utile et quasiment en temps réel. D’un point de vue tactique, ces oreillettes sont d’autant plus importantes que le directeur sportif a, dans sa voiture, une télévision embarquée lui permettant de suivre la course en direct comme tout téléspectateur et donc de tout voir ou presque dans le peloton.
Le résultat de ce « progrès » est, avec le recul de plusieurs années, apprécié différemment selon les parties et personnes et aucune majorité ne semble, à ce jour, se dégager.
Essayons donc de comprendre…
Ceux qui sont pour
Des coureurs y sont favorables, prétextant au premier chef la sécurité, leur sécurité, avec la possibilité que leur offre l’oreillette d’être informés au plus tôt d’un risque éventuel. La récente lettre du sympathique Jens Voigt est tout à fait explicite. D’autres coureurs et directeurs sportifs ajoutent que d’un point de vue tactique, l’oreillette est essentielle puisqu’elle permet de faire évoluer une tactique d’équipe au gré des évènements de la course (chutes, cassures, défaillances, vent…).
Les directeurs sportifs, dans leur majorité, défendent l’oreillette car il s’agit d’un instrument leur permettant d’asseoir leur autorité sur l’équipe et être le véritable stratège d’une course en perpétuel mouvement ; le pouvoir c’est l’information, c’est bien connu…
Restent enfin les sponsors, que l’on entend peu à l’exception de ceux investis dans la question : on pense à Motorola dans les années 90, à l’origine du développement de l’oreillette, et aujourd’hui à Garmin, qui teste de multiples solutions technologiques de compteurs et oreillettes intelligents via leur système de GPS.
Ceux qui sont contre
D’autres coureurs estiment que l’oreillette les dépossède de l’influence qu’ils peuvent avoir sur la course et de ce fait, empêchés de sentir les coups, voire de les provoquer. Et beaucoup ajoutent que retirer l’oreillette les responsabiliserait plus, tant d’un point de vue tactique que d’un point de vue de la vigilance sur tout ce qui touche à la course : vie du peloton et dangers de chute bien sûr mais aussi la topographie, les subtilités du parcours, la météo, le vent… toutes ces petites choses qui peuvent faire gagner ou perdre une course. Ces coureurs évoquent une « déshumanisation » du vélo au profit de considérations tactiques (gestion, calcul, neutralisation…) décidées depuis la voiture du directeur sportif qu’ils estiment ne pas correspondre à leur sport.
Chez les directeurs sportifs, c’est beaucoup plus rare mais certains rappellent que leur travail est à 90% fait avant la course elle-même, lors des stages d’avant saison (entraînement et reconnaissance des parcours) et à l’occasion des briefings du matin (tactiques et psychologiques) précédant la course.
Les diffuseurs sont eux aussi globalement opposés à l’oreillette, estimant qu’elle annule tout effet de surprise, d’audace, de folie puisque tout le peloton sait tout immédiatement… grâce (ou à cause) d’eux ! Friands de rebondissements et de faits de course non prévus – générateurs d’audimat – ils rêvent de revenir à l’âge d’or du cyclisme, celui de Robic, Coppi, Merckx, Ocaña, Hinault avec coups de Trafalgar, trahisons, déchéances, exploits solitaires !
Enfin l’Union cycliste Internationale (UCI), l’autorité qui édicte les règles du sport cycliste, souhaite elle aussi une suppression progressive de l’oreillette dans le cyclisme.
Alors quoi ?
Oui les arguments apparaissent, à première vue, bons et légitimes, d’un côté comme de l’autre. Nous allons donc soumettre la question à notre expert du cyclisme (ancien professionnel dans les années 60) puis, à la lueur de son analyse et des points de vue des uns et des autres, prendre partie sur cette question épineuse, de manière claire et franche et proposer une solution !
Rendez-vous donc demain cher lecteur !