Canadian Poker Network : Strike two

Via EspaceJeux, le portail territorial de Loto-Québec, le Canadian Poker Network (CPN) est entré en opération le 1 décembre 2010. Dès les premiers jours, les tables de cash games ont atteint un trafic qui n’a pas beaucoup fluctué depuis. Les revenus des tournois individuels (Sit & Go) ne dépassent pas souvent les 100 dollars/heure. Exceptés les dimanches, les revenus bruts des tournois multitables voisinent 1500 dollars quotidiennement. Strike one : aux tournois multitables, les revenus ont plafonné en début janvier sans vraiment parvenir à couvrir le montant des lots garantis. C’est sans compter les frais d’opération et les redevances à payer.

Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir de la Colombie-Britannique? PlayNow, le portail territorial de la British Columbia Lottery Corporation (BCLC), s’est joint au réseau il y a deux semaines. Est-ce suffisant? Il le faudrait car la participation anticipée de l’Atlantic Lottery Corporation (ALC) semble reportée sine die. L’Ontario désire opérer son propre réseau. Les provinces de l’Ouest attendent sagement.

La population de la Colombie-Britannique correspond à 58% fois celle du Québec. Depuis 2004, PlayNow propose des jeux similaires à ceux offerts sur LotoClic ainsi que l’achat en ligne de billets de loterie. L’offre de jeu a été considérablement augmentée en juillet 2010 depuis que les joueurs ont accès à un véritable casino en ligne. Depuis le 16 février 2011, l’accès au poker entre joueurs (poker room) a été ajouté via le réseau CPN.

En juillet 2010, 140 000 joueurs étaient inscrits à PlayNow. En comparaison, EspaceJeux avait 28 000 joueurs inscrits à la mi-janvier 2011. Plus nombreux et familiers du jeu en ligne, on aurait pu s’attendre à ce que la connexion de PlayNow sur le réseau CPN allait rapidement permettre d’atteindre le trafic nécessaire à la rentabilité du réseau CPN. Cela ne s’est pas produit. On est très loin du « one-night success » tant vanté par les promoteurs du modèle suédois. On ne l’a pas vu en Autriche. On ne l’a pas vu au Québec, Et, on ne le voit pas en Colombie-Britannique … alors que des conditions favorables y sont présentes encore plus qu’ailleurs.

Que disent les chiffres?

On connaît précisément les revenus bruts des tournois multitables du réseau CPN. Dans la figure suivante, la ligne verte indique les revenus bruts entre le 1 décembre 2010 et le 15 février 2011 alors qu’EspaceJeux était le seuil portail d’accès. En jaune, s’ajoutent les revenus bruts en provenance de PlayNow. L’augmentation est d’environ 20%.

Comparativement à EspaceJeux, PlayNow offre peu de tournois gratuits (freerolls). Il n’y a pas de poker 101. À part un tournoi pour recrues et quelques tournois où les joueurs peuvent s’inscrire avec leurs points d’expérience poker, il n’y a vraiment que le tournoi d’inauguration « 100k » où 50% des sièges à la finale sont réservés pour les clients d’EspaceJeux et l’autre pour les clients de PlayNow. Voici comment les inscriptions à ce tournoi se comparent.

À noter qu’il s’agit d’un tournoi satellite. Les 30 premiers de chaque tournoi quotidien acquièrent le droit de participer à la finale hebdomadaire, et les gagnants des hebdomadaires auront le droit de participer à la finale commune du 27 mars où 100 000 dollars seront distribués en lots. La faible participation en Colombie-Britannique est une aubaine à faire pâlir d’envie les joueurs québécois. C’est étonnant de constater à quel point cette opportunité est boudée par les joueurs de la Colombie-Britannique. La principale interprétation est qu’il n’y a pas de marché pour cette activité en Colombie-Britannique.

Par ailleurs, les tournois individuels et les tables de cash games sont communs aux deux portails territoriaux. À minuit 45, aucune augmentation notable n’est encore décelable statistiquement. Pourtant, il est alors 21:45 en Colombie-Britannique.

Sans équivoque, l’arrivée de la Colombie-Britannique ne solutionne pas le manque de trafic sur le CPN. Ceci est d’autant plus problématique que le réseau a doublé son offre de tournois à lots garantis. Par exemple, le tournoi quotidien à 5000 dollars de 21:00 (au Québec) est répété à minuit (21:00 en Colombie-Britannique). Les lots garantis doublent, mais ce sont à peu près les mêmes joueurs qui y participent.

Si les provinces de l’Atlantique (30% de la population du Québec) finissent par joindre le réseau CPN, leur apport ne pourra pas vraiment combler le trafic manquant. Comme l’anticipent les spécialistes de la santé publique, ce projet n’est probablement pas viable sans la création de nouveaux joueurs en ligne qui n’auraient pas joué autrement sans la création d’une offre étatique. Au cours des prochains mois, il est à craindre que Loto-Québec n’aura pas d’autre solution que de stimuler la création de nouveaux joueurs.

Illustration : Personnage du conte de Barbe bleue (Charles Perrault)