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2010 - Petit coup d’oeil dans le rétroviseur

Publié le 07 mars 2011 par Jcvie

2010 était l’année de la biodiversité, une année à laquelle toute la communauté internationale de la conservation de la nature se raccrochait, une étape importante vers un changement radical mettant la diversité de la vie au centre de nos préoccupations quotidiennes. Entre optimisme candide et pessimisme démobilisateur, quel regard porter sur cette année charnière?

L’année s’est achevée dans l’euphorie avec un accord sans précédent obtenu à Nagoya lors de la réunion de la Convention sur la diversité biologique. Il y a eu certes un accord sur tous les points mais changera t-il la donne ? Il y a en a eu d’autres précédemment. L’euphorie perceptible à Nagoya était peut-être liée à la crainte d’un échec semblable au sommet de Copenhague. En effet, jusqu’à la fin du processus de négociation, l’issue restait incertaine et l’accord a été vécu comme un véritable soulagement. Quoiqu’il en soit la feuille de route est tracée pour les 10 ans à venir. Il est maintenant temps de s’y conformer, d’unir toutes les forces et redoubler d’efforts pour que le cap soit maintenu.

L’accord est là, ne boudons pas notre plaisir. Pour autant il n’engage que ceux qui l’ont adopté, soit les gouvernements de l’ensemble des pays de la planète. A eux seuls, ils ne peuvent résoudre l’ensemble des problèmes auxquels la nature est confrontée. Nous avons vu récemment à quel point les pays, les économies ou les monnaies pouvaient s’avérer fragiles. Sans l’engagement des entreprises et des citoyens tout risque de se poursuivre sans réel changement. « Business as usual » !

A part l’accord trouvé à Nagoya, il y a d’autres bonnes nouvelles à mettre au crédit de l’année écoulée :

- D’abord la publication d’une vaste étude sur la valeur économique des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB). Je suis le premier à regretter que nous soyons obligés de mettre un prix sur la nature mais soyons pragmatiques ; si cela peut servir à convaincre entreprises et gouvernements que la nature n’est pas un frein au développement mais plutôt un atout précieux, autant disposer de bons outils. C’est maintenant le cas. Reste à prendre en compte les services fournis par la nature dans le calcul des richesses des différents pays.

- Nous avons pu démontrer que les efforts de conservation des espèces sauvages avaient porté leurs fruits et que sans eux la situation actuelle serait bien plus préoccupante encore. Les résultats de cette étude, à laquelle j’ai eu le privilège d’être associé, ont été publiés dans le journal Science au mois d’Octobre. Il est certes un peu frustrant de mesurer ces résultats par un ralentissement de la dégradation et de timides succès plus que par une amélioration franche mais là encore ne boudons pas notre plaisir ; ces résultats devraient constituer une source de motivation. La conservation, ça marche, et il est urgent de le faire savoir.

- Outre la Conférence de Nagoya, une autre réunion a marqué l’année: celle de St Petersburg consacrée aux tigres. Elle a réuni pas moins de cinq premiers ministres et des personnalités de tout premier plan : dirigeants d’agences internationales, ambassadeurs, secrétaires d’état, acteurs, chanteurs ou top models. De mémoire de conservationniste on n’avait jamais vu une réunion de ce niveau, orchestrée dans un tel faste, consacrée exclusivement à une autre espèce que l’homme lui même. Une nouvelle fois on peut facilement tomber dans le cynisme et se dire que c’est une grand messe de plus et que les tigres, encore 100 000 il y a un siècle et un peu plus de 3 000 aujourd’hui, continueront à être braconnés comme avant mais j’y ai quand même entendu des discours forts et inhabituels des dirigeants russes et chinois par exemple. Une brise d’espoir soufflait légèrement sur cette réunion.

- Les Nations unies ont officialisé la création de la Plateforme internationale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), un instrument inspiré du Groupe d’étude sur le climat qui, il y a peu, recevait le prix Nobel. Quelle sera son influence?

- Je fais bien volontiers figurer sur cette liste, l’épisode du volcan islandais Eyjafjallajökull qui, pendant plusieurs semaines, a non seulement défié le monde de l’aviation mais aussi tous les correcteurs d’orthographe installés sur les ordinateurs des salles de rédaction dans le monde entier. Les medias n’ont parlé que des pauvres touristes bloqués à l’autre bout du monde. Certains j’en suis sûr, ont connu de sérieux désagréments, mais pas une ligne sur le bonheur des millions de riverains des aéroports qui ont pu profiter d’une belle semaine de calme et d’un air plus pur. On aurait pu aussi profiter davantage de l’occasions pour s’interroger sur la nature d’une économie à ce point dépendante du traffic aérien, si vulnérable, et qui importe du bout du monde des produits frais. Rien de tout cela aux journaux télévisés alors que cela pourrait bien préfigurer un scenario d’avenir.

- L’annonce officielle de la création de SOS, à Nagoya, est à mettre sur la liste des bonnes nouvelles. Après deux ans de préparation, ce fonds dédié à la conservation des espèces menacées a enfin vu le jour. Il va permettre non seulement de protéger la vie sauvage dans de nombreux endroits de la planète mais d’essayer de recréer le lien entre l’homme et la nature et de convaincre les entreprises qu’elles ont un rôle à jouer dans la protection de la vie sur terre.
 
Pourtant 2010 n’a pas été synonyme que de bonnes nouvelles. Le début d’année a été même plutôt inquiétant:

- Il y a eu les attaques contre la science, répétées, mais surtout abondamment relayées dans les medias. Il y a bien sûr eu en début d’année la thèse du complot orchestré par la « secte verte » dénoncée par les négationnistes des changements climatiques. Les attaques contre le rapport du Groupe international d’étude sur le climat (GIEC), coupable de contenir une erreur, ont été abondamment relayées dans la presse. Pourtant des températures record ont bien été atteintes en 2010, année la plus chaude depuis que l’on effectue des mesures. De nombreuses catastrophes ont également eu lieu conformément aux prédictions du GIEC : inondations de Vendée, dues à la tempête Xyntia, feux de forêt en Russie… A chaque fois, une bonne excuse est trouvée pour ne pas admettre le problème de fond : les bouleversements orchestrés par l’homme fragilisent notre environnement naturel et ont des conséquences immédiates sur la sécurité de nombreuses populations humaines.

- La Convention sur le commerce international des espèces menacées est aussi un bon exemple de la marginalisation préoccupante de la science: les recommandations des scientifiques concernant le classement des espèces marines, notamment le thon rouge, n’ont eu que bien peu de poids par rapport aux intérêts à court terme et aux possibilités de profit du secteur de la pêche. A près tout pourquoi refuser aux armateurs ce que l’on accorde aux traders ?

- Il y a eu la publication dans le journal Science d’une série de 31 indicateurs montrant que l’objectif de réduction de la perte de biodiversité à l’horizon 2010 était loin d’être atteint. Cette étude, fruit du partenariat de nombreuses organisations. et à laquelle j’ai participé, montre que la biodiversité décline partout, que les pressions sur les ressources naturelles vivantes continuent d’augmenter et que, même si les actions de conservation augmentent, elle reste encore largement insuffisantes.

- Qui dans le grand public en a entendu parler de l’année de la biodiversité et de la conférence de Nagoya, si importante pour notre avenir commun. La couverture de l’évènement a été vraiment insignifiante. Mais, après tout, peut-être a-t-il été au fond préférable de se passer de pression médiatique pour négocier plus sereinement à Nagoya qu’à Copenhague pour le climat un an plus tôt!

- Je pensais aussi, fort naïvement, que les leçons seraient tirées de la crise financière, que notre modèle économique serait passé à la loupe, disséqué… Il y a en effet énormément d’enseignements à tirer de cette crise. Au lieu de cela, les économistes nous expliquent pourquoi il ne faut rien changer et que le gros de la crise est passé. Comment y croire ?

- Pour finir, un chiffre symbolique  : avec plus de 300 rhinocéros abattus pour la seule Afrique du sud, 2010 restera comme une année record pour les braconniers. Il nous rappelle que tout succès reste fragile.

Alors oui 2010 aura été le théâtre de quelques progrès mais ne nous voilons pas la face, il y a encore énormément de travail!


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