L'annonce de la vente de ZVAB au groupe de Jeff Bezos, PDG d'Amazon, marque un pas décisif dans la volonté du milliardaire américain de réguler le marché du livre ancien.
En ajoutant l'imposant allemand ZVAB ( Zentrales Verzeichnis Antiquarischer Bücher ) à son escarcelle, Jeff Bezos s'impose comme le maître planétaire du livre ancien. Le fondateur d'Amazon ne s'est donc pas contenté de racheter Abebooks en 2008 ou de mettre la main sur le réseau social Librarything, en absorbant ZVAB en ce début d'année (plus de 3000 libraires en ancien répartis dans 27 pays et environ 3 millions de livres anciens), il affirme sa volonté de contrôler (aussi) le marché du livre ancien.
La voie lui est maintenant ouverte, d'une part par la nécessaire allégeance économique de potentiels rivaux mais aussi en imposant des technologies innovantes telles que les SIPs. Les SIPs sont capables de chercher automatiquement les phrases spécifiques et peu communes à l'intérieur des ouvrages, resserrant ainsi « les liens du sens » entre acheteurs et livres rares, et, surtout, faisant l'économie d'un travail bibliographique, l'application automatisée remplaçant tous les Vicaire, Uzanne et autres Brunet pour mettre en valeur l'intérêt d'un ouvrage.
Évidemment, tous les efforts déployés par Bezos auront bien du mal à convaincre les bibliophiles attachés à une certaine image du commerce du livre ancien, fuyant les grosses machines et préférant une relation directe au livre. Mais auront-ils encore le choix ? Jeff Bezos fait deux paris. Le premier est que le bibliophile ne peut résister à la disponibilité immédiate qu'offre internet comparé à l'effort que demande la visite dans une librairie in situ. Ce pari est déjà gagné depuis dix ans. Le nombre de confrères passant au virtuel ou tout simplement fermant leur porte lui donne amplement raison.
Son second pari, une fois les libraires morts : intercepter les ouvrages qui transitent en salle des ventes et devenir un intermédiaire (payant) obligé pour les bibliophiles. Dès 1999, Bezos avait pris 45 millions de dollars en parts dans Sotheby's Holdings Inc. pour créer le département sothebys.amazon.com. Finalement, Bezos avait abandonné l'idée un an plus tard, jugeant que la copie méritait d'être revue et la stratégie affinée : « Nous devrons nous y reprendre autrement et plus tard. »
Alors, que nous réserve maintenant Jeff Bezos, 47ème fortune américaine et grand challenger de Bill Gates ? Va-t-il absorber interenchères ou auction.fr ? Va-t-il lancer Abebooks auction ? Demain nous le dira.