Chère Madame et Madame le Député,
Je vois avec consternation la majorité présidentielle et gouvernementale s’engager dans le débat sur l’ISF dans les pires conditions.
On sait que cet impôt est économiquement malsain car il incite les personnes les plus fortunées à s’expatrier et leurs capitaux avec eux quand ce n’est pas les sièges sociaux et tout le savoir faire, les brevets, et le « pouvoir » de décision qui leur sont liés. Cet impôt conduit donc à une attrition considérable de la base fiscale : à cause de l’ISF, l’impôt sur les plus gros revenus et sur les bénéfices de sociétés est menacé en France pour générer des ressources fiscales à l’étranger (à titre d’exemple, je citerais la première entreprise « indépendante » de la région Centre qui est une ancienne filiale de TAT, société d’aviation dont la société mère a été vendue à British Airways et dont le dirigeant habite dorénavant la Suisse). La hausse des prix de l’immobilier a considérablement élargi le nombre des assujettis en imposant près de 580 000 personnes des classes moyennes à cet impôt (sans compter ceux qui ont retenu leurs déclarations !). Ce sont donc ces classes moyennes épargnantes et entreprenantes qui sont visées. La cause est entendue : c’est un impôt pervers. Il conviendrait donc de le supprimer purement et simplement comme l’ont fait tous les pays européens.
Loin d’appliquer cette disposition et les engagements électoraux, le débat gouvernemental s’engage dans une confusion consternante sur le remplacement de cet impôt par un autre.L’impôt général sur le patrimoine remplacerait donc l’impôt sur la fortune au motif que l’Etat perdrait des recettes fiscales (on parle de 3,4 millliards d’euros, ce qui est bien faible comparé au budget de l’Etat) comme si les décideurs ultimes étaient les quelques hauts fonctionnaires de Bercy toujours chagrinés de voir baisser des recettes fiscales alors qu’existent des gisements considérables d’économies pas même pris en considération. Je prendrai deux exemples :
- alors que la crise économique a mis à contribution les contribuables pour (paraît-il) renflouer les banques pendant la crise de 2008/2009 que ces dernières ont elles-mêmes créée, et que le principe d’une taxation complémentaire de leurs revenus en période de retour à meilleure fortune a été rejeté au fond, ces mêmes banques affichent aujourd’hui des bénéfices insolents et supérieurs à ceux de l’avant-crise : la Société générale vient d’annoncer 17 milliards d’euros de bénéfices en 2010. C’est 5 fois les recettes fiscales de l’ISF ! Une faible contribution sur les banques, dont les grands réseaux se comptent sur les doigts de la main, aurait vite résolu le problème. Loin de cela, la majorité gouvernementale préfère donner l’impression d’imposer le cœur de son électorat (580 000 foyers fiscaux, c’est évidemment près de 2 millions à 3 millions de personnes dans l’entourage proche).
- alors que les énergies renouvelables vont coûter à la seule EDF 2,8 milliards de surcoût d’exploitation en 2010, et plus encore les années suivantes puisque le trou ne peut que croître sous l’effet des décisions du « Grenelle de l’environnement » (dont déjà 1/3 diminue l’impôt sur les bénéfices dus à l’Etat), auxquels il faudrait ajouter le coût des incitations fiscales (le surcoût sera de l’ordre de 40 à 50 milliards d’euros sur 10 ans pour les seules éoliennes terrestres, sans compter un doublement probable pour les éoliennes marines), c’est près de 10 milliards par an (photovoltaïque non compris) de gâchis économique et fiscal dilapidé pour flatter un électorat qui ne ralliera jamais les voix de la majorité. Il suffirait de tenir un discours de bon sens pour la réalisation d’économies faciles et importantes.
Dans les deux cas, des solutions politiquement acceptables existent mais le Gouvernement choisit la voie politiquement suicidaire du faux débat sur la nécessité de la création d’un impôt de remplacement de l’ISF. C’est ahurissant !
Les caractéristiques mêmes du nouvel impôt envisagé sont de plus extrêmement préoccupantes. On cite un impôt sur les plus-values immobilières latentes, ce qui veut dire une imposition sur des cessions virtuelles de biens, ne donnant comme porte de sortie au contribuable que la vente de son bien pour assurer la trésorerie de l’impôt. On envisage un encadrement administratif des hausses de prix par département : c’est le retour à la toute-puissance de l’administration et à l’encadrement bureaucratique. L’assurance-vie, épargne dont la finalité patrimoniale est souvent d’assurer aux héritiers le paiement des droits de succession, est menacée alors qu’elle est déjà imposée par la CSG-CRDS et par un impôt forfaitaire de 20 % au-delà du seuil de 157 000 euros. On ajoute au tracas administratif et à l’instabilité fiscale et le contribuable en arrive presque à regretter l’ISF car il sait au moins comment cet impôt fonctionne.
Si la solution qui est de supprimer purement et simplement cet impôt n’est pas appliquée, ce qui aurait été possible en expliquant pourquoi à la population (la perte des emplois, la perte de la ressource fiscale, l’expatriation des sièges sociaux, discours totalement recevable par tous), optons au moins pour une solution simple : celle du maintien des règles actuelles de l’ISF en montant le seuil à 1,2 M€ (sans différencier la nature des actifs, car je ne vois pas pourquoi une personne ayant une propriété à 1,2 M€ ne paierait pas l’ISF quand celui disposant d’un appartement à 800 000 euros et de 400 000 € au titre de prévoyance pour sa retraite serait imposé !) et en ne laissant que les deux tranches envisagées aux taux réduits de 0,25 % et de 0,50 % envisagés (ce sont les taux spoliateurs allant jusqu’à 1,8 % pour les très grosse fortunes qui sont économiquement les plus néfastes) ce qui serait une mesure d’efficacité fiscale décisive et discrète mais aussi un moindre mal.
Voilà ce que je voulais vous dire, en vous demandant une fois encore de bien vouloir agir auprès du Gouvernement mais aussi auprès des partis de la majorité pour éviter la catastrophe électorale que ce genre de projet précipité et mal mené va nécessairement avoir pour conséquence.
Avec mes remerciements et mes sincères salutations.
Arnaud Casalis
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