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Tіffаnge782 : pоème Сe sentіment quі trаverse les épоques

Par Illusionperdu @IllusionPerdu

Lorsque j'ouvris les yeux, ce matin-là, j'étais encore bien fatiguée. Je venais de passer une longue nuit pénible où je n'avais que très peu réussi à dormir. La raison de cette insomnie ? Vous ne me croirez pas ! Et pourtant, il s'agissait d'une simple question, une toute petite question inoffensive qui n'avait de cesse de trotter dans ma tête depuis le soir d'avant. Comment ? Vous voulez savoir quelle est cette question ? Et bien, je me demandais simplement sans relâche « Au final, c'est quoi l'amour ? ».

D'où me venait cette interrogation ? Je crois qu'elle avait pris possession de mon esprit lorsque ma soeur m'avait annoncé qu'elle allait se marier. En fait, c'était au moins la quatrième fois qu'elle et son fiancé devaient se marier. Mais, à chaque fois, ils finissaient par se disputer et se séparaient pour se rabibocher quelques temps plus tard. Je ne savais donc pas trop s'il fallait ou non croire en ce mariage et la question de l'amour vint rajouter des flous à mes pensées, d'autant plus que ma soeur, connaissant ma passion pour l'écriture, m'avait demandé de l'aider à rédiger ses voeux.

Moi ? Rédiger ses voeux ? Je ne savais déjà pas moi-même ce qu'était vraiment l'amour. Comment allais-je pouvoir l'aider ? Car, bien sûr, j'avais été incapable de lui répondre par la négative. Il était absolument impossible de résister devant son air de chien battu…Je m'étais fait avoir, une fois de plus.

Mon premier réflexe, de retour chez moi, avait été de prendre le premier dictionnaire qui me tombait sous la main. Ce fut le Larousse qui me répondit :

« Amour, nom masculin, latin amor-oris : inclination d'une personne pour une autre, de caractère passionnel et/ou sexuel. »

En gros, ça ne m'avançait pas à grand-chose…J'avais donc passé le reste de la nuit à me retourner dans tous les sens, cherchant en vint à sortir de ma tête ces quelques mots qui n'avaient de cesse de résonner, « c'est quoi l'amour ? » !

Je sais, cela peut paraître étrange d'être privée de sommeil par cette simple question. Je n'avais personne dans ma vie et je ne m'étais jamais vraiment attachée à quelqu'un. L'amour était un terrain sur lequel je n'avais pas envie de jouer pour l'instant. Peut-être n'étais-je pas encore assez mature. Ou alors, ce sentiment m'effrayait simplement.

Quoi qu'il en soit, je n'arrivais absolument pas à me sortir cette question de la tête et cela commençait à m'agacer. J'avais d'autres choses à faire que de me torturer l'esprit. Je venais d'entamer deux semaines de vacances bien méritées et comptais en profiter pleinement. Les commencer de cette manière était donc navrant…

Après m'être levée et douchée, je décidai de me rendre à la petite boulangerie du coin de la rue pour déjeuner. Il faisait un temps splendide. Le soleil brillait de mille feux et je sentais ses rayons ma caresser tendrement les joues, comme pour m'appeler à lui. Une légère brise faisait voleter mes cheveux et le chant des oiseaux accompagna ma petite marche matinale, égayée par l'arc-en-ciel de couleurs qu'offraient les nombreuses fleurs que l'on retrouvait dans les champs, dans des jardins ou dans des pots pour décorer les pas de portes et les rebords des fenêtres. Il ne me fallut que quelques minutes pour rejoindre ma destination. J'entrai dans la boulangerie. Une forte odeur de pain chaud vint chatouiller mes narines et je sentis aussitôt mon estomac gargouiller. Décidément, il en fallait vraiment peu pour m'amadouer. Je demandai deux croissants à la vendeuse qui me les tendit en souriant. Elle avait de bonne joue rose, les cheveux tirés en arrière qui formaient un élégant chignon, des yeux verts un peu en amande et son corps quelque peu imposant était caché derrière un tablier qui portait le nom de la boulangerie « Au croissant d'or ». Une fois mon déjeuner payé, je retournai à l'extérieur afin de le manger. Où allais-je bien pouvoir m'installer ? Je regardai alentours et décidai de m'assoir sur un petit muret de pierre qui se trouvait dans la cours de l'école primaire, juste à côté de la boulangerie.

Je sortis les croissants de leur emballage et, à peine eussé-je mordu dans le premier que la cloche sonna. J'étais peut-être en vacances, mais ce n'était pas le cas des écoliers. Alors que je regardais ces derniers se précipiter dans la cour de récréation, une petite fille qui devait avoir à peine six ans vint à mes côtés et me demanda :

« Salut Madame ! Tu t'appelles comment ?

-Audrey, et toi ?

- Moi je m'appelle Marina. Il est bon ton croissant ?

-Délicieux ! Je te remercie. Tu en veux un peu ?

-Oh, non merci ! répondit poliment la petite fille. »

Puis elle se tut et resta docilement à côté de moi. Elle était rigolote avec son épaisse masse de cheveux blonds attachés en deux couettes, l'une sur chaque côté de sa tête. Elle était vêtue d'une robe rose qui lui arrivait jusqu'au dessus des genoux et dévoilait ainsi quelques écorchures. J'aimais beaucoup les enfants mais cette présence silencieuse ne me mettait pas très à l'aise. Je demandai alors :

« Est-ce que tu attends quelqu'un ?

-Oui !

-Qui ça ? questionnai-je.

-Antoine !

-Et qui est ce dénommé Antoine ? repris-je, réellement intriguée.

-C'est mon amoureux ! Il est pas dans ma classe mais il me rejoint chaque fois à la récré. »

Et voilà ! La question maudite me revint en tête alors que j'avais réussi à la cloîtrer dans un petit coin de mon esprit histoire de déjeuner en paix… Bon ! Puisqu'elle venait elle-même sur le sujet, elle pouvait peut-être m'aider. Je lui demandai alors :

« Dis-moi, Marina, qu'est-ce que c'est pour toi, l'amour ? »

La fillette ne prit même pas le temps de réfléchir et me répondit immédiatement :

« C'est quand Antoine il vient vers moi, qu'il me fait un bisou sur la joue et qu'il me donne un bout de sa récré. Ça me fait des petits guilis dans le ventre, j'aime bien ça ! »

Sa réponse me fit sourire. Est-ce que l'amour pouvait vraiment être une chose aussi innocente que cela ? Je ne le savais pas. Et, si je le savais, je ne me serais pas réveillée à plusieurs reprises durant la nuit pour savoir ce qu'est l'amour. Marina leva ses grands yeux bruns vers moi, comme si elle attendait que je réponde quelque chose. Je lui dis alors :

« Je te remercie beaucoup pour ta réponse ! Antoine doit t'attendre, va vite le rejoindre ! »

Et, sans la regarder plus longtemps, je me levai et me dirigeai vers le trottoir. Je terminai de manger mon croissant en errant dans le village, sans savoir exactement où je voulais me rendre. Je n'avais rien de bien particulier à faire aujourd'hui et ce beau temps m'incitait à rester à l'extérieur. Je vagabondai donc pendant quelques minutes avant d'arriver dans un parc. Il était presque désert. Quelques vieilles femmes marchaient tout en discutant, certainement très occupées à ressasser tous les derniers commérages. Une maman promenait son enfant dans une poussette alors qu'un homme en training faisait un jogging, son chien courant quelques pas devant lui. Puis, une voix qui provenait de derrière moi attira mon attention :

« Tu devineras jamais ! Maël m'a demandé si je voulais sortir avec lui ! Si, si, je te jure ! Quoi ? Non, je ne lui ai pas répondu tout de suite ! Je voulais quand même pas qu'il croit que j'attendais que ça ! Ma maman dit toujours, faut savoir se faire désirer… »

Je me retournai et vis une jeune fille qui devait avoir aux alentours des seize ans. Elle avait un téléphone portable collé à son oreille, facilement visible sous ses cheveux courts et parlait d'une manière un peu hystérique. La blouse blanche qu'elle portait me fit penser qu'elle devait peut-être travailler dans la pharmacie du village comme apprentie et était donc certainement en pause. Elle semblait irradier de bonheur. Je ne pus donc m'empêcher d'écouter la suite de sa conversation :

« Oui, je dois le retrouver ce soir pour lui donner ma réponse ! Rolala ! Si tu savais depuis quand j'attends ça ! Je me réjouis déjà ! Quoi ? Tu crois que j'aurais du lui dire oui tout de suite ? Mais il le saura ce soir ! J'ai tellement hâte de le retrouver ! T'imagines même pas ! J'ai envie de marcher dans la rue avec lui, main dans la main ! D'aller voir un film d'horreur au ciné et de le sentir me prendre dans mes bras et de lire chaque soir ses mots d'amour par sms… »

Et voilà ! Je n'avais même pas eu besoin de poser la question. Après une fillette de six ans, c'était une adolescente qui m'apprenait, selon elle, ce qu'était l'amour. Ce fut donc avec un sourire amusé sur les lèvres que je m'éloignai de l'adolescente, l'entendant encore soupirer de bonheur suite à cet amour qu'elle venait enfin de découvrir. J'espérais sincèrement pour cette jeune fille que son histoire durerait longtemps !

Quand j'étais petite, je lisais souvent des contes de fée avec des princesses et des princes charmants. Cela me faisait rêver mais je n'avais jamais vraiment cru qu'un preux chevalier viendrait un jour me chercher, chevauchant son noble destrier blanc, pour faire de moi sa reine. En ayant écouté ces deux personnes, je me rendais compte qu'elles aussi avaient une autre idée du prince charmant. Et cela me rassurait. Je n'avais donc pas été une petite fille en manque d'imagination qui avait grandi trop vite au lieu de profiter de ces histoires magiques où les fins heureuses mettaient toujours l'amour à l'honneur.

Bon ! Puisqu'apparemment cette journée s'était offerte à moi pour m'aider à répondre à ma question et me permettre de mieux dormir cette nuit, je décidai de poursuivre ma quête. J'aperçus, au loin, un homme assis sur un banc qui lisait un livre. Il devait avoir une trentaine d'année, exactement ce que je recherchais. Je me dirigeai donc dans sa direction. Arrivée à sa hauteur, je m'assis à côté de lui en jetant un rapide coup d'oeil pour prendre connaissance de sa lecture. « L'Etranger », d'Albert Camus…L'annulaire de sa main gauche qui tenait le livre portait un anneau d'or. Il devait être marié. Parfait ! C'était ce qu'il me fallait ! Je restai un instant silencieuse, essayant de l'espionner du coin des yeux. Puis, je me lançai :

« Bonjour Monsieur ! Je m'excuse de vous déranger mais j'ai une question à vous poser. »

L'homme parut surpris par ma question puis il m'adressa un sourire charmant avant de me répondre :

« Que puis-je faire pour vous ?

-Et bien, ma question va sans doute vous paraître étrange, mais j'aimerais savoir ce qu'est l'amour pour vous.

-L'amour ? répéta-t-il, la voix marquée par la surprise. »

Il fronça les sourcils en réfléchissant quelques instants. Son front était légèrement dégarni, ce qui accentuait l'expression de son visage. Il reprit :

« L'amour, c'est me réveiller chaque matin aux côtés de mon épouse ! C'est lui préparer son café au lait et la regarder border nos enfants le soir…L'amour, c'est ce quotidien que nous avons bâti tous les deux et qui nous fait nous sentir en sécurité. L'amour, c'est ce bonheur que nous vivons chaque jour, même lorsqu'il est ébranlé par quelques disputes ou quelques incertitudes. Car, au final, l'amour, c'est continuer à y croire, à chaque instant... »

Quelle belle réponse ! Je n'aurais pas pu demander mieux.

« Est-ce que ma réponse vous convient ? reprit l'homme.

-Oh oui ! Elle est parfaite ! Je vous remercie. Passez une belle journée.

-Vous aussi Mademoiselle. »

Puis il replongea dans sa lecture. Je m'éloignai de lui en repensant à sa réponse. Est-ce que l'amour pouvait vraiment nous apporter une telle sécurité ? Oh non ! Il n'était pas temps que je me mette une nouvelle question en tête ! Je répondrais à cette dernière lorsque j'aurai trouvé mon âme soeur et que je ferai ma propre expérience.

J'arrivais gentiment au bout de mes recherches. Je n'avais pas eu droit à de grands discours éloquents, mais les réponses que j'avais pu trouver étaient pertinentes, touchantes et pleines de sens. Il me fallait cependant encore un témoignage.

Je vagabondai pendant près d'un quart d'heure avant de trouver la personne que je cherchais. Il s'agissait d'un vieillard assis sur une terrasse qui lisait le journal en buvant un café. Je n'attendis pas plus longtemps et le rejoignis. Avant de l'interpeler, je procédai de la même manière que toute à l'heure et jetai un coup d'oeil à sa main gauche dans l'espoir de voir une alliance. Et je ne fus pas déçue. Loin de moi l'idée de penser que seuls les gens mariés pouvaient apporter des réponses à ma question ! Mais en interrogeant ces personnes-là, j'étais certaine qu'elles étaient pleinement confrontées à l'amour et qu'elles pouvaient donc m'aider.Je dis alors au vieillard :

« Bonjour Monsieur ! Belle journée, n'est-ce pas ? »

L'homme baissa son journal et me dévisagea avant de me répondre :

« Effectivement, très belle journée. Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?

-Cela dépend de vous ! dis-je. En fait, j'ai une question à vous poser et j'aimerais savoir si vous pouvez prendre le temps d'y répondre.

-A mon âge, on a appris à prendre son temps pour tout ! Des choses sérieuses aux plus futiles ! Prenez donc place et posez-moi votre question. »

Était-ce la chance qui me souriait ? Je n'étais tombée que sur des gens aimables et disposés à m'aider. Où étaient passé les vieux grincheux qui ne savaient que râler et critiquer toutes les personnes qui passent ? Ravie par la réponse du vieillard, je m'assis sur une chaise en face de lui et lui demandai :

« Pouvez-vous me dire ce qu'est l'amour pour vous ?

-Haaa ! L'amour…dit-il, les yeux emplis de nostalgie. Quand j'étais jeune, peut-être encore plus que vous, je cherchais également la réponse à cette question. Plus je vieillissais, et plus je trouvais de nouvelles réponses. Mais, maintenant, avec le recul et l'âge, je me suis rendu compte que la réponse n'était pas si compliquée. L'amour, voyez-vous, c'est regarder le nom de mon épouse et le mien, côte à côté, jaunir au fil du temps sur la sonnette de notre maison. »

Il me regarda en souriant, attendant que je lui donne mon avis, ce que je fis :

« C'est une très belle réponse que vous me donnez là !

-Et maintenant que j'ai ôté une épine de votre pied, que diriez-vous de boire un petit café en ma compagnie ? Je vous promets que mon épouse ne le prendra pas mal ! »

J'acceptai son invitation en riant et passai le reste de la matinée en sa compagnie sur cette terrasse. Je lui expliquai la raison de ma question et les réponses que j'avais pu trouver. Puis, peu avant midi, il prit congé et s'en alla rejoindre son âme soeur. Je le regardai partir, le coeur léger, et me surpris à rêver qu'à son âge, moi aussi j'aurai vécu avec une personne qui m'aura fait croire à l'amour…

Satisfaite de ma matinée, je retournai chez moi pour me faire à dîner. Je me cuisinai un petit repas vite fait et m'installai sur mon balcon pour manger en repensant à ce que j'avais appris aujourd'hui.

Qu'est-ce que l'amour ? C'est un sentiment qui traverse les âges, les époques, les générations. Je crois qu'on ne pourra jamais vraiment le définir. Mais quand on voit ce qu'il a traversé, on peut se dire que ça vaut la peine de croire en lui. Chacun le voit à sa manière, chacun le vit à sa manière. Il nous fait grandir, souffrir, rire, sourire. Il nous apprend à être patient, à mieux nous connaître, à être à l'écoute, à devenir altruiste…

Je n'avais pas reçu une définition exacte de ce mot. Pour cela, j'avais déjà ouvert un dictionnaire et avait été totalement insatisfaite de ce que j'avais trouvé. Toutefois, cela ne m'étonnait pas ! Un tel livre ne pouvait pas m'apporter d'émotion à l'image de tous ces gens qui avaient pris le temps de me répondre et qui m'avaient tous donné des réponses aussi belles les unes que les autres. J'avais vu comme leurs yeux brillaient lorsqu'ils me parlaient de ce sentiment…Une chose était certaine ! J'avais compris que je ne pourrais jamais avoir une réponse complète et qu'il me faudrait vivre mes expériences pour trouver ce qu'il me manquait.

Ma soeur avait de la peine à écrire ses voeux de mariage. Et je ne pouvais malheureusement pas vraiment l'aider car j'avais de la peine à croire à cette union. Je les trouvais, elle et son fiancé, beaucoup trop fragiles et impulsifs. J'étais certaine que, s'ils s'étaient connus dans une cours de récréation, son fiancé ne lui aurait jamais donné un bisou sur la joue, chaque jour, avant de partager son goûter avec elle. J'étais sûre qu'il ne lui aurait jamais envoyé chaque soir un message d'amour par le biais de son téléphone portable. Quant à se construire un quotidien fait de sécurité, il fallait d'abord qu'ils cessent de se séparer et de se remettre ensemble à tout bout de chant. Oui, c'était triste à dire, mais je ne pensais pas que leurs deux noms jauniraient ensemble sur la sonnette d'une maison…Je savais que je n'aurais pas du accepter de l'aider. Mais qui étais-je pour laisser ma soeur dans le désarroi ? Elle avait besoin de moi et c'était mon rôle de l'aider. Et, pour le moment, je ne pouvais que la remercier. Elle m'avait obligée à chercher en profondeur ce qu'est l'amour et m'avait ainsi permis de me rendre compte que j'avais besoin de ce sentiment et que j'étais impatiente de connaître réellement.

Alors que, ce matin encore, je disais que l'amour m'effrayait et que je n'étais pas encore assez mûre pour vouloir l'apprivoiser, je me rendis compte qu'après cette matinée, ma vision des choses avait changé.

J'avais maintenant hâte de connaître ce sentiment et de pouvoir, à mon tour, répondre à une jeune femme qui viendrait à me rencontre en me demandant :

« Est-ce que je peux vous poser une question ? Pour vous, c'est quoi l'amour ? »


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