Depuis mon retour de millésime bio à Montpellier, j’entends parler que de vin bio. Certes le mouvement n’est pas nouveau, l’augmentation significative des vignerons présents sur ce salon professionnel en atteste, mais je sens là les prémices de ce qui fait peur à tous les vrais bio… la mort du bio ! Au lendemain de la clôture du salon, le journal Le Parisien y est allé de son petit article en évoquant le fait que le vin bio était en vogue et qu’une enseigne de la grande distribution avait envoyé 3 limiers à la recherche de sang neuf pour ses rayons vins… est-ce vraiment ce qu’il fallait retenir de ce rendez-vous des vins bio ?
A l’origine il y avait le bio…
Le mouvement bio ne date pas d’hier mais plutôt des années 60 en ce qui concerne la France. A l’origine il est né du rapprochement de paysans opposés aux perspectives d’une agriculture industrielle et de consommateurs voulant des produits sains et nutritifs. Tous ont su voir plus loin que ce que le marketing et la grande distribution leur agitaient sous le nez.
© Jacques Boyer / Roger-Viollet
Quand la grande distribution récidive
Flairant toujours les bons coups, la grande distribution a elle compris dans les années 60 que la génération du papy boom voulait du facile à consommer, du simple à préparer, du choix à s’en faire vomir… et ça a marché. Aujourd’hui elle flaire à nouveau le bon coup avec le bio (si, si les études marketing le disent), en nous voyant chercher plus de naturel dans notre assiette (comme on en trouvait avant que la grande distribution ne se développe !).
Bio et grande distribution : mariage irraisonné ?
Et c’est ainsi que les grandes enseignes multiplient les produits bio, sauf qu’elles fonctionnent comme elles en ont l’habitude, c’est à dire selon les principes contre lesquels le mouvement bio s’est opposé à l’origine : production de masse, culture du rendement, baisse des prix d’achat aux producteurs, pas de logique de qualité produit. Et donc fidèles à leurs principes elles vont nous donner du prix (sans respect des producteurs), du choix (sans respect des saisons), du marketing (sans respect du produit). Les grosses structures agricoles vont répondre à l’appel en passant en bio (si ça coince on pourra compter sur les politiques pour assouplir les critères d’agrément), produire en masse et polluer (car même bio un traitement de masse c’est pas bon pour la nature)… la boucle est bouclée .
Et pour le vin alors ?
Ah oui c’est tout de même le sujet principal. Et bien cela reste de l’agriculture nous sommes donc exposés aux mêmes risques : voir fleurir demain dans les linéaires des supermarchés ou ailleurs, des vins qui n’auront de bio que le logo. Des vins produit dans un schéma industriel, bien loin d’une approche terroir et donc dénués de l’âme qui pousse les vrais vignerons bio à travailler leurs sols, à observer leurs vignes, à raisonner leurs traitements (même bio), à maitriser leurs rendements, à façonner un produit de qualité….
La morale de cette histoire…
Pour beaucoup de vignerons-artisans, la certification bio n’est pas toujours réalisée avec enthousiasme car ils considèrent que c’est déjà le postulat de départ de leur approche, qu’elle ne valide pas l’ensemble de leur travail (notamment au chai) et qu’elle va les englober dans une masse où tout le monde ne vient pas pour les mêmes raisons. Pourtant la certification AB devient une nécessité pour valider, malgré tout, le travail accompli, mais il convient d’ores et déjà de réfléchir à un refuge où les industriels ne pourront pas s’engouffrer : biodynamie ? certification AB au chai ? nouvelles normes du genre bio + machin truc ? Je ne sais pas mais il faut faire vite.
Et nous dans tout ça ? Plus que jamais il nous faut prendre le temps de voir ceux qui se cache derrière les bouteilles et ne pas céder à la facilité. Apprendre à faire le tri, à repérer les vignerons-artisans, à savoir payer le prix d’un travail délicat, difficile et qui mérite d’être valorisé. Entre le supermarché et les grosses étiquettes il existe des vignerons de talent qui vous offrent des produits de qualité, respectueux de leur terroir, d’un excellent rapport prix/plaisir.