Mission photo #3 : “l’art et la technique”

Prendre la mesure photographique d’un site comme celui de l’hôpital de Rochefort n’est pas chose aisée… Imaginez : Une “barre hôpital” de 7 étages, des sous-sols, un bâtiment de 3 étages pour l’administration et les chambres de gardes, une crèche, un restaurant d’entreprise, Un Institut de Formation aux Soins Infirmiers (IFSI), des ateliers, des lieux de stockage… Soit quelques milliers de mètres carrés à arpenter !

Une première visite exploratoire s’impose donc afin de se repérer sur le site. C’est l’occasion de se familiariser avec l’exposition, de repérer les ombres éventuellement gênantes, d’évaluer les difficultés techniques qui pourraient se poser ou encore de se renseigner sur les horaires ou contraintes d’accès à certains lieux (accès réservés, tenue spéciale…).

Pose longue et trépied indispensable

Effectuer des prises de vues à l’intérieur d’un bâtiment occupé par du personnel soignant, des patients hospitalisés et des visiteurs, comporte de nombreuses contraintes. La première est bien évidemment le respect de la vie privée et le fameux “droit à l’image”. Il faut donc se présenter chaque fois que c’est possible, préciser le pourquoi de votre présence et se faire malgré tout le plus discret possible. En règle générale, la curiosité l’emporte et une fois rassurés sur vos intentions, l’accueil est très favorable.

Question matériel, mieux vaut privilégier un équipement léger, car au terme de plusieurs heures de déambulation dans les couloirs, escaliers, sous-sols… le sac photo et le trépied peuvent devenir votre pire ennemi.  Le point fort des reflex numériques d’aujourd’hui réside dans leur bonne gestion des basses luminosités. Ceci implique tout de même d’utiliser un trépied et de travailler en pose longue, mais cela comporte finalement quelques avantages.

* En premier lieu, vous pouvez gérer la présence des personnels soignants, des visiteurs ou encore des patients sans devoir attendre le moment ou votre cadre se vide de toute présence humaine. Au contraire, vos images resteront vivantes avec le flou de bougé des individus qui laisseront une trace fantômatique de leur présence. Plus de soucis quant au respect de la vie privée et des photos plus riches d’information.

* Second avantage, malgré des éclairages parfois faibles, il est possible de conserver un indice iso correspondant à la meilleure sensibilité du capteur de l’appareil (100, 200 iso), éliminant de ce fait les difficultés liées à la gestion du bruit numérique (même si là encore d’importants progrès ont été réalisés).

Le respect des horizontales et des verticales…

Reste un problème épineux à régler : la gestion des perspectives. Nous retrouvons ici toute la problématique de la photo d’architecture, en espace confiné, nécessitant le recours à des objectifs grands angulaires qui déforment les droites et nuisent à la lisibilité de vos images. Un zoom trans-standard sera parfaitement approprié, du grand angle au petit télé, il évitera de trop se déplacer pour changer de cadrage et donc de risquer de gêner les usagers.

Mais autant le dire tout de suite, il faudra passer du temps derrière l’écran de l’ordinateur et disposer de logiciels capables de gérer automatiquement ou semi-automatiquement la correction des distorsions, des perspectives et des éventuelles franges colorées (DxO, Lightroom, Aperture, Photoshop…). Sans ces outils point de salut, avec des images dont les déformations sautent aux yeux et perdent de leur sens.

Bien évidemment, tout ce qui pourra être fait au moment de la prise de vue sera privilégié. Le travail sur pied, permet de prendre son temps et de peaufiner son cadrage (attention à ne pas gêner l’activité par votre présence trop encombrante). Toujours essayer de placer l’appareil photo à la bonne hauteur, afin de limiter les déformations et obtenir ainsi des verticales bien verticales. Une aide formidable et bienvenue : le mode “Lightview” proposé par la plupart des reflex numériques du moment. Avec cette fonction, vous pouvez cadrer via l’écran arrière, même dans des situations parfois acrobatiques. Mention spéciale aux boitiers qui proposent un écran orientable, surtout comme celui du Canon EOS 60D qui autorise des cadrages audacieux et originaux. Initialement pensé pour la vidéo (autre fonctionnalité des reflex modernes), l’écran orientable est un réel plus pour la photo d’architecture.

Je n’ai pas parlé de l’utilisation des objectifs à décentrement disponibles chez Canon et Nikon (lire ici une excellente explication sur le site d’Arnaud Frich), car leur utilisation reste complexe, proposés à un tarif “expert” et qu’il est aujourd’hui possible, dans une certaine mesure de corriger les images avec des solutions logicielles performantes (voir plus haut).

D’autres types de prises de vues sont envisageables dans un tel environnement. L’exiguïté de certains lieux peut nécessiter un montage panoramique avec plusieurs vues (dans le sens horizontal ou vertical). Parfois, ce sera l’opportunité de réaliser une visite virtuelle afin de proposer une approche plus originale d’un site interdit au public ou promis à la démolition (voir la chapelle de l’hôpital ici).

En résumé, si l’Art et la Technique sont intimement liés, il n’est pas nécessaire d’être suréquipé pour envisager un travail d’inventaire photographique. Mon équipement se limite à un boitier Nikon D90, un zoom 18-105 mm, un zoom 70-300 mm, un pied avec rotule ball. Pour le reste, du temps, de la patience et un vif intérêt pour ce que l’on photographie constituent une recette pas si difficile à mettre en oeuvre.

Reste à gérer les quelques centaines d’images qu’il faut ensuite éditer, corriger, contrôler, classer, sauvegarder, exploiter… Mais c’est une autre histoire.