Extrait d’ Égypte : Lettre à Nicolas Sarkozy d’ Aalam Wassef
« La manifestation s’est formée au pied du Muggamaa, un bâtiment administratif situé place Tahrir, devant lequel se trouve une esplanade. Un groupe de femmes et d’hommes tiennent des affiches et scandent des slogans sur l’égalité des femmes et des hommes, la place de la femme dans la vie politique et la vie en générale, une législation et une constitution qui garantissent les droits et les libertés de chaque citoyen, quelque soit son sexe, son origine, ses croyances religieuses… En somme, le b-a, ba d’une démocratie digne de ce nom.
A peine 30 minutes plus tard, se forme une contre-manifestation d’hommes. Extraits: « Rentrez nous faire à bouffer », « La constitution ne sera pas laïque », « Quoiqu’il arrive, on va vous baiser! On va vous baiser! ». Les manifestantes et manifestants de l’autre bord, redoublent d’ardeur et répondent aux provocations, suscitant l’excitation elle aussi redoublée des contre-manifestants qui décident alors de charger. Ils sont arrêtés, pour un temps, par un cordon de volontaires qui font bloc contre une violence et une furie invraisemblables.
Puis, l’horreur absolue.
Deux femmes, puis deux autres sont pourchassées par une horde de 150 ou 200 hommes. Tandis qu’elles tentent de s’éloigner en marchant, ce sont des centaines de mains qui leur attrapent les seins, le sexe, leur tirent les cheveux, les battent. Elles sont entourées par des hommes qui les protègent sur 500 mètres de pur cauchemar. L’intervention de trois militaires, dans les deux poursuites, est providentielle et in-extremis. Nous savions tous, dans cette bataille, que nous allions être les témoins de meurtres, de viols et peut-être des deux à la fois, là, en plein jour.
S’en est suivie une nuit de consolation avec les victimes de cette ignomie, quatre femmes dont le courage me fait encore fondre en larmes tandis que je vous écris ces lignes. »
Le Caire, 9 mars 2011.