Magazine Psycho

Alzheimer : les bénéfices d’un diagnostic précoce

Publié le 09 mars 2011 par Darouich1
Pouvez-vous nous rappeler brièvement les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer ?

Pr Jean-François Dartigues. Cette dégénérescence cérébrale entraîne, tout d’abord, des pertes de mémoire qui vont en s’aggravant et auxquelles viennent s’associer des troubles des fonctions intellectuelles. Les malades éprouvent, par exemple, de grandes difficultés pour réaliser des actes complexes de la vie quotidienne nécessitant d’anticiper, de réagir, de gérer leurs besoins... Au début, ils parviennent plus ou moins à compenser, mais arrive un moment où ils sont totalement dépassés et “font des bêtises”. A ce stade, ils ont également du mal à se repérer dans l’espace.

Au niveau cérébral, quels sont les dysfonctionnements ?
Dans le cerveau, deux lésions apparemment indépendantes l’une de l’autre se développent. 1. Des amas de protéines amyloïdes se déposent sous forme de plaques. 2. D’autres protéines, dites “Tau” (servant à transporter les molécules chimiques à l’intérieur des neurones), se chargent en phosphore et ne remplissent plus leur rôle. De ce fait, les neurones atteints ne fonctionnent plus.

A partir de quel âge cette maladie dégénérative apparaît-elle le plus souvent ?
Dans les deux tiers des cas, elle survient chez des personnes de plus de 80 ans. Mais on s’aperçoit ­maintenant que cette pathologie ­devient de plus en plus fréquente après 65 ans. Donc l’âge est un facteur majeur.

Quels sont les risques quand on a eu un de ses parents atteints ?
Tout dépend à quel âge on a découvert sa maladie : s’il avait moins de 60 ans, il y a un risque de transmission génétique, mais, s’il était octogénaire, ce risque est beaucoup plus faible.

Aujourd’hui, comment établit-on précisément le diagnostic ?
Par une série d’examens, dont le premier est clinique. On analyse les symptômes décrits non seulement par le patient, mais aussi par un proche. On soumet ensuite le malade à certains tests neuropsychologiques (comportant notamment des exercices de mémoire, de dessin, d’écriture...). Si la suspicion se renforce, on prescrit alors un examen d’imagerie cérébrale (IRM), qui pourra confirmer le diagnostic en montrant une atrophie d’une partie de l’hippocampe.

Comment avez-vous conduit la dernière étude, Paquid, sur l’Alzheimer ?
Elle a été mise en route il y a vingt ans (et continue aujourd’hui) sur 3 777 personnes saines, alors âgées de 65 ans ou plus, et vivant en Gironde ou en Dordogne. Tous les sujets ont régulièrement répondu à des questionnaires et ont été soumis tous les deux ans à des tests neuropsychologiques et biologiques. Chez les personnes ayant développé une maladie d’Alzheimer, on a donc pu étudier les différentes séquences d’apparition des troubles, lesquels surviennent bien plus tôt qu’on ne le pensait : douze ou treize ans avant le diagnostic ! Les premiers symptômes sont révélés lors d’un test de mémoire spécifique où apparaît une difficulté à citer certaines catégories de noms en un temps donné (noms d’animaux, de villes, de fruits...). Là, les troubles ne sont ressentis ni par le malade ni par son entourage. La pathologie est silencieuse. Ce n’est que cinq ou six ans avant le diagnostic que surviennent les premières difficultés dans les fonctions de la vie quotidienne.

Mais sans traitement “miracle” quels seraient les bénéfices d’un diagnostic beaucoup plus précoce ?
Quand on pose un diagnostic beaucoup plus tôt, les lésions cérébrales sont encore peu évoluées. Les traitements ont de plus grandes chances d’être efficaces. D’autre part, on peut espérer reculer l’échéance de la maladie en utilisant certaines capacités de réserve. Je m’explique : quand un réseau de neurones est atteint, d’autres circuits (s’ils sont intacts) ont une possibilité de compenser certains dysfonctionnements. Et ces capacités, il faut absolument les préserver ! Même si, aujourd’hui, on n’a pas encore la preuve absolue des bénéfices d’une conduite préventive, on a, selon cette étude sur vingt ans où ont été analysés les comportements de plusieurs milliers de personnes, de bonnes raisons de penser que certaines règles de vie devraient se révéler efficaces. Dès les prémices d’un Alzheimer, je pense qu’on pourrait, en maintenant les neurones de compensation en bon état, repousser beaucoup plus loin les handicaps.

Quelles sont ces règles d’hygiène de vie ?
Il y en a cinq principales. 1. Eviter les facteurs de risque vasculaire (attention à l’hypertension artérielle !) 2. Pratiquer tous les jours un exercice physique. 3. Maintenir un bon équilibre nutritionnel. 4. Avoir régulièrement des activités cérébrales stimulantes. 5. Veiller à conserver un bon équilibre affectif.

Quelles seront les retombées de ces résultats d’étude ?
Dans le cadre du plan Alzheimer, la recherche sur les signes précoces de la maladie va être encouragée et ­financée. Nous sommes nombreux à penser que les traitements actuellement à l’étude devraient être plus efficaces en étant administrés au début de ­l’évolution de cette dégénérescence ­cérébrale.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Darouich1 166 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine