Nous le savons un peu mieux aujourd’hui, ce dont souffrent le plus les enfants lors de la séparation de leurs parents, c’est de sentir que cette rupture n’atténue pas la violence ou l’intensité du conflit qui les opposent. Que ce conflit soit larvé, non exprimé, qu’il se manifeste dans l’intimité du couple ou au contraire qu’il soit extériorisé, porté sur la place publique, exploité devant les enfants, ceux-ci imaginent souvent qu’ils sont à l’origine du divorce et veulent prendre sur eux une partie de la responsabilité des attaques et des accusations entendues. Ils peuvent aussi s’identifier à l’un et vouloir réparer la souffrance perçue. « Ne t’inquiète pas maman je suis là, moi je ne te quitterais jamais », pourra dire un petit garçon. « Moi je t’aime papa, tu ne seras pas malheureux avec moi », complétera une petite fille.
Plus de la moitié des divorces qui sont censés consacrer la rupture du lien conjugal vont mettre en danger et blesser aussi le lien parental qui se trouve trop souvent maltraité par l’un ou l’autre des ex-conjoints. Lors d’un divorce, il devrait être rappelé que le lien parental doit continuer à être alimenté par chacun des parents. Dans beaucoup de cas, il sera le terrain d’une guerre féroce qui peut durer des années. C’est ainsi que de nombreuses séparations vont s’enkyster durant des années autour de deux écueils importants.
Celui des enfants qui vont servir d’enjeux autour des accusations, des ressentiments, des contentieux qui continuent à s’exprimer entre le père et la mère.
L’autre écueil sera celui de la non-liquidation effective de la communauté de biens. Car même s’il est mentionné dans le jugement de divorce comment doit s’effectuer le partage et la répartition du patrimoine acquis en commun, dans beaucoup de cas, le jugement n’étant pas immédiatement exécutoire, l’un des partenaires, l’homme le plus souvent, retarde, fait obstruction, ne donne pas suite, et s’oppose par tous les moyens, farouchement à restituer la part qui est due à son conjoint.
Celui-ci hésite souvent à intenter un procès pour simplement que soient appliquées et respectées les conditions minima de l’ordonnance de divorce. Il y a, me semble-t-il, une carence à la fois du droit et de la justice, en laissant en place les éléments d’un conflit possible, qui va perturber gravement les relations parentales entre parents divorcés. Insatisfaction, frustration, sentiment d’impuissance, vont habiter celui des partenaires qui voit ses droits les plus élémentaires bafoués, les décisions reportées aux calendes. Ce type de conflit est parfois profondément enraciné dans l’esprit de celui, le mari le plus souvent, qui a le sentiments qu’il doit « lâcher » un bien qui lui appartient en propre, qu’il a payé avec son salaire, qu’il estime avoir acquis par son travail, en oubliant toute l’organisation, la présence, les soins prodigués par sa femme, durant des années pour qu’il puisse justement partir au travail et gagner ce qu’il a gagné dans de bonnes conditions matérielles et psychologiques.
Les « problèmes » d’argent, via la pension alimentaire, la liquidation de la communauté, ou l’appropriation par l’un des biens communs, retentissent lourdement sur le comportement des enfants, qui s’identifient alors à l’un ou à l’autre des parents. Soit à celui qui apparaît comme la victime spoliée, soit à celui qui se présentera comme une victime harcelée, en prenant sa défense et en renforçant l’accusation exprimée par celui qu’ils veulent protéger.
Le législateur devrait poser les bases d’une loi, d’une procédure qui ne favorise pas une hémorragie procédurière dans laquelle peuvent s’enfermer de nombreux couples divorcés.
Peut -être aussi faut-il être plus clair au départ sur les engagements qui seront pris par chacun des conjoints envers l’autre et se rappeler qu’il faut éviter de confondre le lien conjugal avec le lien parental.