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Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet

Publié le 10 mars 2011 par Variae

En quelques semaines, la perspective de la présidentielle 2012 est passée, pour la gauche, du rêve au cauchemar. Pendant un temps les sondages se sont succédés pour affirmer que la plupart des candidats socialistes potentiels étaient capables de battre, largement voire très largement, Nicolas Sarkozy. Il se trouvait pourtant toujours quelque Cassandre pour rappeler qu’une élection n’est jamais gagnée à l’avance et que dans un contexte aussi sinistré que celui de la France épuisée par 4 ans de sarkozysme, la présidentielle restait marquée par une grande incertitude. Aujourd’hui d’autres sondages ont mis un nom sur cette incertitude – celui de Marine Le Pen – nourrissant une certaine hystérie politico-médiatique. Et la belle confiance affichée par les socialistes il y a encore quelques jours ou semaines, quand la seule question semblait être « DSK ou pas », s’est retournée en un accablement quelque peu irrationnel, teinté de panique et de résignation.

Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet

Les primaires, pourtant largement votées, et présentées (sans doute excessivement) comme le remède miracle à tous les problèmes, sont désormais pointées du doigt par certains comme un obstacle dont il faudrait se débarrasser. Des élus aussi sérieux, en théorie, que Pierre Moscovici ou Jean-Marie Le Guen se perdent en déclarations fantaisistes, le dernier allant jusqu’à intimer à François Hollande l’ordre de retirer sa candidature, pas assez différente (sic) de celle de DSK. Un groupe de députés fait corps autour de la première secrétaire pour la « défendre » (re-sic). On en arrive au contentieux judiciaire entre candidat et patron de fédération. Sur le terrain, les militants, engagés dans la dernière ligne droite des cantonales et dans la préparation des primaires, se frottent les yeux : y a-t-il encore un pilote sur le paquebot socialiste ?

Il faut faire la part des choses entre l’emballement médiatique, la dimension d’auto-intoxication sondagière sur Marine Le Pen – pour l’instant, sa force électorale n’est que spéculative, et c’est plutôt Nicolas Sarkozy qu’elle semble mettre en danger – et les problèmes structurels qui ne sont que révélés et amplifiés par la crise passagère. Oui, le parti socialiste ne semble pas être dans la meilleure situation possible pour aborder les présidentielles. Cela tient à une série d’éléments que nous avons été plusieurs à dénoncer depuis des mois et qui font système. Tout d’abord le contexte politique. Contrairement à ce que l’on entend parfois, la campagne des présidentielles a déjà commencé et sera longue. Regardons les forces en présence : le FN a sa candidate en piste, qui mène une campagne tonitruante ; la droite défend la réélection de son président dans la tourmente, président dont on voit trop bien que toutes les décisions politiques sont désormais à visée électorale ; le Front de Gauche a Jean-Luc Mélenchon, ne laissant au PCF que la liberté de bloquer la candidature de ce dernier ; seuls le Parti socialiste, les Verts et le marais centriste s’empêtrent encore dans des questions de personne. Deuxièmement et par conséquent, le PS n’a pas de voix claire et unique dans le débat. Plus on s’approche des primaires, plus la légitimité de « chef » de Martine Aubry se délite ; qu’au bout du compte elle se présente à la primaire, ou qu’elle n’en soit que la grande organisatrice, elle tend à devenir une dirigeante parmi d’autres, pas plus reprise ou entendue que Laurent Fabius, François Hollande, Ségolène Royal ou les représentants de DSK. Troisièmement et toujours en conséquence, le projet du PS est inaudible, ne serait-ce même que sous la forme des grandes lignes qui suffisent à ce stade de la compétition.

De ce triptyque de maux liés découlent tous les autres. On entend plus parler les dirigeants socialistes de tactique interne et de stratégie externe que des problèmes du pays. Face aux provocations de l’extrême-droite, qui mène une campagne de triangulation et de contre-pied systématique, on est incapable de répondre avec la souplesse, la rapidité et la fermeté nécessaires. Enfin, il est très compliqué de mettre en valeur la masse importante de propositions réellement produites durant les conventions de travail du parti, tant il leur manque la mise en musique et l’ordonnancement définitifs qui ne pourront être donnés que par le candidat effectif du parti.

Rester l’arme à terre et regarder les trains passer, en s’en tenant au calendrier électoral interne décidé (et qui ne « produirait » un candidat qu’en novembre prochain), serait une grave erreur, qui condamnerait les socialistes à passer encore des mois dans cette léthargie confuse et inquiète. Une telle option ne serait utile que si elle permettait au bout du compte de rassembler la gauche et les écologistes pour une candidature unitaire, mais il n’y a pour l’instant pas d’ouverture sur une telle perspective. Inversement, céder à la panique et annuler purement et simplement les primaires, dont la préparation pratique est déjà très avancée dans certaines fédérations, serait un très mauvais signal envoyé à l’extérieur, et sans doute la trahison de trop pour plus d’un militant. Sans compter que cela n’empêcherait en rien la foire d’empoigne entre prétendants, sauf à imaginer que tous les candidats se désistent en faveur d’un seul. C’est donc la question du calendrier interne qui doit être posée à nouveaux frais, tout en préservant le potentiel de mobilisation populaire que nous offrent les primaires. Le candidat socialiste doit être désigné avant l’été pour lui donner ensuite le temps de préparer et d’installer sa candidature, en se « rôdant » et s’appuyant sur les sénatoriales à la rentrée.

Qui dit candidat, dit légitimité, dit discipline de campagne chez les autres responsables socialistes, dit toute latitude pour bâtir et porter un projet à partir des travaux préalablement menés. A défaut d’une accélération du calendrier, nous reproduirons le dispositif de 2006-2007, dans un contexte, qui plus est, fortement dégradé. Tient-on vraiment à se tirer une balle dans le pied ?

Romain Pigenel


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