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Décision du Conseil constitutionnel : au delà de la LOPPSI 2, des conséquences très profondes sur la politique de sécurité

Publié le 12 mars 2011 par Letombe

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La très sévère décision du Conseil constitutionnel aura des conséquences bien plus profondes que le Ministère de l'Intérieur ne voudra bien l'admettre.  

En effet, d'une part, le Conseil constitutionnel considère comme irrégulière la délégation de missions de surveillance générale de la voie publique à des personnes de droit privé, tout en réaffirmant que de telles missions ne pouvaient que relever de la « force publique ». D'autre part, il retoque l'accroissement de la capacité judiciaire et des missions des policiers municipaux en censurant la possibilité que certains accèdent à la qualité d'APJ de l'article 20 du Code de Procédure Pénale et leur possibilité de procéder à des contrôles d'identité.  

Or, ces deux axes - vidéoprotection sous gestion de personnes et d'entreprises privées et emploi judiciaire des polices municipales en appui de la police nationale - étaient présentés comme des moyens majeurs de compenser un certain désengagement de l'Etat dans sa mission de police générale.  

Le Conseil Constitutionnel vient donc rappeler que l'Etat ne peut pas déléguer ces missions et doit les assurer avec ses moyens propres, et il le fait de façon particulièrement claire en parlant de missions « inhérentes » à l'exercice de la force publique, qui n'appartient qu'à l'Etat.  

On voit mal dans ces conditions comment le gouvernement va pourvoir continuer à promouvoir son projet d'extension de la vidéosurveillance puisque, par définition, il ne pourra reposer que sur des personnes publiques tant au plan des matériels, des effectifs ou des investissements, autrement dit sur les collectivités territoriales ou l'Etat.  

Le gouvernement est dans l'impasse. Si la vidéosurveillance censée se substituer à la présence physique des policiers sur la voie publique ne se développe pas, la question du sous-effectif policier va se poser de façon critique. Si à l'inverse, la vidéosurveillance se développe, cela ne pourra se faire qu'au travers d'agents publics supplémentaires.  

Par cette décision, c’est bien la politique de diminution des emplois publics liés à la sécurité qui est remise en cause.

De même toute l'économie d'une articulation fonctionnelle entre polices municipales et Police/Gendarmerie nationales qui était avancée pour justifier d'une baisse des effectifs des forces de sécurité nationales se trouve anéantie : les policiers municipaux ne peuvent dépendre des policiers nationaux dans la mesure où les premiers ne sont pas sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

C'est ainsi que nous l'avions analysé, notamment au travers de l'incohérence qui résidait entre un policier municipal qui aurait été Agent de police judiciaire (APJ 20) en dépendant du Maire alors que l'Officier de police judiciaire (OPJ) de la Police nationale ne dépend que de l'Etat, et qu'aux termes de la loi l'APJ20 a pour mission de seconder l'OPJ... Ou encore au travers de la situation dans laquelle l'initiative d'un policier municipal APJ20 aurait contraint un OPJ de la Police nationale à agir sans avoir eu la moindre maîtrise sur les actions initiales.   

Par ces deux aspects le Conseil Constitutionnel recentre clairement les missions de sécurité sous la responsabilité de l'Etat, et limite les possibilités d'intervention des autorités publiques locales. Une position diamétralement opposée aux orientations du gouvernement !  

L'annulation du système de fonds de concours pour financer la Police technique et Scientifique s'inscrit dans la même logique. Là encore le gouvernement a voulu se décharger de ses obligations en faisant financer la modernisation des moyens techniques de la police par des fonds privés... et bien il va falloir trouver des budgets publics ou alors laisser la Police Technique et Scientifique en rase-campagne, alors même que le gouvernement et le ministère de l'Intérieur tablent publiquement sur les progrès technologiques pour optimiser la résolutions des crimes et délits... Encore une fois ces beaux projets se révèlent contraires, dans leurs modalités, aux valeurs fondamentales de la République et d'un Etat qui assume l'intégralité de ses obligations constitutionnelles.  

Au fond, ce que nous dit le Conseil Constitutionnel, c'est que les missions régaliennes de l'Etat ne se privatisent ni ne se délèguent.

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