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Libye : Le cow-boy Sarkozy a joué sa carte personnelle

Publié le 13 mars 2011 par Juan
Libye : Le cow-boy Sarkozy a joué sa carte personnelleEn juillet 2007, la promesse d'une belle reconnaissance, concrétisée 6 mois plus tard, et d'une centrale nucléaire avait permis à Nicolas Sarkozy de libérer une dizaine d'infirmières bulgares menacées de mort par le dictateur libyen. En décembre de la même année, le colonel Kadhafi fut reçu en grandes pompes, le jour même de l'anniversaire d'une déclaration universelle des droits de l'homme qu'il aimait tant bafouer avec violence dans son propre pays. De courbettes et courbettes, Nicolas Sarkozy nous infligea le spectacle d'un abaissement diplomatique inédit, moins d'un an après avoir promis que les droits de l'homme allaient désormais guider notre politique étrangère. La France avait honte, Nicolas Sarkozy s'en fichait.
Trois ans et quelques semaines plus tard, « Sarkozy mène la chasse anti-Kadhafi » commentait un journaliste du quotidien conservateur Berliner Zeitung. Mais que s'est-il donc passé ? Une fois de plus, Nicolas sarkozy, désormais candidat, a joué sa carte personnelle.
1. Le Monarque comptait sur la présidence française du G20 pour redorer son blason national. L'enjeu pseudo-diplomatique était donc majeur. La France grognait contre ses réformes bâclées ou injustes, contre cette précarité généralisée ou la crainte du déclassement. Mais Sarkozy expliquait, à l'époque, qu'il avait mieux à faire. Le monde attendait son leadership !
2. En novembre dernier, les fuites de Wikileaks avaient écorné ce qu'il restait de sérieux dans l'image présidentielle de Sarkozy. On apprenait que les diplomates américains louaient, en 2006 et 2007, « le libéralisme, l'atlantisme et le communautarisme »; Qu'en 2008, il s'inquiétaient de son inconstance ou de son caractère « relâché », « discourtois », « autoritaire », voire « impulsif ». L'été précédent, la Sarkofrance avait été humiliée, déconsidérée, accusée par la posture sécuritaire anti-Rom de son monarque. Eglise, ONU, Conseil de l'Europe, commission européenne, tout le monde avait critiqué l'attitude jugée discriminatoire de Nicolas Sarkozy.
3. En décembre, la diplomatie française rata la révolte tunisienne. Pire, elle s'enfonça de bourdes en scandales. La si « compétente » ministre des Affaires étrangères faisait du business familial avec un millionnaire proche du pouvoir pendant les vacances de Noël et 15 jours d'émeutes violentes. Le premier ministre était invité en famille par l'autocrate Moubarak. Pire, on découvrit que le gouvernement français avait accéléré la livraison de grenades lacrymogènes au régime Ben Ali. En janvier, elle loupe la révolution égyptienne, refusant de réagir.
4. Fin février, le crash diplomatique est avéré. La France ne compte plus. En Tunisie, son tout nouvel ambassadeur provoque... des manifestations contre lui à force d'insultes. On se souvient, alors que le printemps arabe s'étend en Libye, qu'il louait la clairvoyance du colonel Kadhafi. Boris Boillon, c'est nom, aurait mérité un court séjour dans les geôles libyennes. Sarkozy intervient à la télévision. MAM est évacuée du gouvernement. Alain Juppé échange la Défense contre les Affaires Etrangères. Sarkozy nous ressort l'argument de l'équipe expérimentée.
5. Quand la Libye s'embrase, Nicolas Sarkozy suit son nouveau ministre Juppé, en déplacement au Caire. ce dernier dénonce la folie meurtrière du dictateur. Mouammar Kadhafi devient, en quelques heures, le nouveau Saddam Hussein d'une Sarkofrance revigorée. Sarkozy peut reprendre son exercice favori : la parole sans les actes; la menace sans l'action. Dimanche 6 mars, il reconnaît le conseil national de transition libyenne comme autorité légitime. Mercredi, la diplomatie française, à l'Elysée, laisse entendre que jamais l'OTAN n'interviendra pas et qu'il faut un mandat de l'ONU. Kadhafi est soulagé. Jeudi 10 mars, Sarkozy reçoit deux émissaires rebelles. Vendredi, il demande à ses collègues européens des attaques ciblées et défensives. Juppé est stupéfait. Sarkozy ne lui a rien dit. Comme toujours, Sarkozy agit seul, sans concertation. En Europe, l'Allemagne, comme l'Italie refusent l'intervention militaire.
6. L'Europe est divisée. Nicolas Sarkozy est co-responsable de la nomination d'une présidence sans charisme ni courage. Mais à la faveur d'une double difficulté - une impopularité nationale et une crise internationale, Nicolas Sarkozy a surtout été repris par ses vieux démons : l'action impulsive et personnelle. Vendredi, la chancelière Merkel s'énerva : « Nous voulons tout faire pour limiter la souffrance du peule libyen, mais je dis clairement que nous devons bien réfléchir aux pas que nous faisons, pour qu’ils conduisent à une conclusion raisonnable. Je souhaite que nous lancions aujourd’hui un signal unitaire, car « diviser pour régner » ne ferait in fine que le jeu de Kadhafi et nous devons l’éviter ». Son ministre des affaires érangères accusa le président français d'avoir agi « sur un coup de tête ». Après quelques heures de discussions, le Conseil européen de Bruxelles ne débouchent sur rien de concret pour les opposants à Kadhafi.
Il fallait écouter Nicolas Sarkozy, lors de ses 40 minutes de conférence de presse, à Bruxelles. Il adore l'exercice. Et pouvait s'afficher maître de la diplomatie française, après 4 mois catastrophique : « c'était un conseil européen, au moins dans sa première partie, d'une très grande importance. (...) La France avait souhaité la tenue de ce conseil afin de discuter des évènements historiques qui se déroulent dans un certain nombre nombre de pays d'Afrique du Nord et du Golfe. (...) Il s'agit d'un mouvement historique qu'il convient de saluer... des peuples arabes exigent à leur tour la démocratie, le progrès social, et la croissance économique.» Emphatique, Sarkozy se déclara convaincu que ce mouvement historique ne s'arrêtera pas.
Sarkozy s'épargna évidemment toute modestie : « les valeurs que défendent les peuples arabes sont des valeurs que les nations européennes ont fait leur il y a déjà bien longtemps.» Et il s'autorisa à annoncer les décisions de la réunion : « le Conseil européen est unanime pour réclamer le départ du colonel Kadhafi et de ses séides.» Séides ? L'usage de ce terme peu diplomatique illustre la rage mal contenue du Monarque. «... Le Conseil précisant qu'en aucun cas le colonel Kadhafine peut être reconnu comme un interlocuteur du Conseil européen... C'est un point majeur qui fait l'unanimité. Monsieur Kadhafi n'est pas un interlocuteur pour l'Europe. Le Conseil européen a décidé, je cite les mots de mémoire, de saluer et d'encourager le conseil national de transition basé à Benghazi, qu'il considère comme un interlocuteur politique.»
Est-ce tout ? C'est tout. Pas d'exclusion aérienne, ni de soutien logistique, ni même humanitaire. Sarkozy, une fois encore, une fois de trop, parle mais n'agit pas.
 
Kadhafi est finalement tranquille. L'Europe, nain politique divisé, n'interviendra pas. Ses armées gouvernementales libyennes ont repris l'offensive, avec succès.


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