Appelés à manifester ce dimanche afin de commémorer, six ans après, la première mobilisation populaire qui suivait l’assassinat de Rafic Hariri, les Libanais se sont massivement rendus au centre-ville de Beyrouth afin d’afficher leur soutien au Tribunal Spécial pour le Liban et réclamer le désarmement du Hezbollah. Des appels de la jeunesse libanaise à abolir le confessionnalisme aux incertitudes sur l’état d’esprit du successeur du chef de l’église maronite en passant par les difficultés du premier Ministre désigné à former un gouvernement, cet événement parviendra-t-il à stopper le sentiment de délitement du système politique au pays du Cèdre ?

Dans un environnement régional déjà troublé par la multiplication des révoltes arabes, le succès de cette manifestation contredit le sentiment de lassitude au sein de la population : Reuters évoque plus d’un million de participants. Il marque également un coup d’arrêt à la tendance au délitement du système politique. Sans doute la raison pour laquelle le premier ministre désigné Najib Mikati n’a pas réussi à enrôler des membres du 14 mars dans sa nouvelle équipe gouvernementale. Responsable d’un vide institutionnel qui lui fait espérer l’incapacité technique d’une mise en accusation par le TSL, le Hezbollah ne cherche pas non plus à freiner les surenchères ministérielles de son seul allié chrétien, le Général Michel Aoun lequel convoite ouvertement la présidence de la république.
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Des jeunes demandent sur Facebook l'abolition du confessionnalisme
Mus ensuite par l’exemple des rébellions dans d’autres pays et encouragés par l’activisme des réseaux sociaux, de jeunes Libanais ont manifesté à deux reprises près du siège d’Electricité du Liban (EDL), « lieu symbolique qui incarne la corruption et le laxisme des responsables » selon les protestataires, pour demander l’abolition du confessionnalisme auquel ils imputent les blocages de la société civile. Tout d’abord méfiants vis-à-vis d’un mouvement réputé proche du 8 mars pro-syrien, les responsables pro-occidentaux se sont finalement ralliés du bout des lèvres à cette initiative : la répartition religieuse des pouvoirs reste perçue, il est vrai, comme l’unique garantie contre les armes détenues par la milice chiite. Acceptée par le pape Benoit XVI, la démission, à sa demande, du Cardinal Nasrallah Sfeir, emblématique chef de l’Eglise maronite et opposant notoire à la Syrie et au Hezbollah, suscite par ailleurs des interrogations sur l’état d’esprit et le positionnement de son futur successeur. Ce dernier s’inscrira-t-il dans la doctrine pontificale du rassemblement et s’efforcera-t-il de se rapprocher des chrétiens restés fidèles au Général Aoun ? Enfin, et malgré quelques lenteurs nonobstant les « plus de 150 missions effectuées et 430 entretiens menés, au Liban et dans d’autres États », le procureur du TSL vient d’élargir « la portée de l’acte d’accusation déposé le 17 janvier 2011 ». Annoncée dans son deuxième rapport annuel 2010-2011, cette modification traduit le double souci du procureur de produire un acte d’accusation avec des preuves « au-delà de tout doute raisonnable » et de poursuivre l’enquête afin « d’établir la vérité sur les autres attentats en connexité » avec celui de l’ancien premier ministre libanais.A la grande fermeté des discours tenus ce jour par les responsables du 14 mars et qui excluent tout compromis répliquent, déjà, les forces pro-syriennes du 8 mars qui envisagent une contre-manifestation de même ampleur. A l’image de cette « rupture à vie » évoquée dans l’inoubliable « Pluies de juin » de Jabbour Douaihy (Editions Acte Sud, 2010), ce sont deux projets antagonistes et inconciliables qui semblent à jamais diviser l’avenir au pays du Cèdre.
Podcast_ Liban_manif.mp3
(3.48 Mo)

Jean-Luc Vannier, le 13/03/2011