Il est fascinant de voir combien c'est en réalité simple : la plupart des partisans de l'Union européenne sont des euronationalistes. Apeurés de se retrouver seuls dans leur petite nation, ils veulent, à tout prix, un gros bloc blanc et chrétien qui les rassure. Quitte à abandonner au passage la démocratie.
Comparons les réactions à l'accord de vendredi instaurant un pacte de "solidarité" (au sens où le clou est solidaire d'une planche). Ce sont deux extraits de leurs commentaires sur ledit pacte :
Euronationaliste : Economiste "normal" :
La crise de la dette souveraine aura donc été un véritable « choc fédéral », pour reprendre l’expression de l’ancien chef de la diplomatie française, Hubert Védrine : à politique monétaire unique, politiques économiques convergentes. Cette crise aura en outre convaincu les États de la nécessité de réguler les marchés financiers. Comme à chaque fois, l’Europe progresse dans la crise.
La Conférence européenne des syndicats est d'ailleurs furieuse. John Monks, son secrétaire général, a tonné : "Il ne s'agit pas ici d'un pacte pour la compétitivité, mais bien d'un pacte nuisible, pour un niveau de vie en baisse, davantage d'inégalités et davantage de travail précaire. C'est ignorer toutes les leçons de la récession actuelle. (...) L'Europe risque la collision avec son modèle social et son principe fondamental d'autonomie des négociations collectives."
Il est étrange en effet de retenir pour l'Europe la même priorité économique que le régime de Ben Ali, qui s'enorgueillissait tant d'avoir fait de la Tunisie, à coups d'injustices sociales et de chômage massif des jeunes, le pays le plus compétitif du continent africain si l'on en croit le classement du Forum de Davos, tout aussi "inspiré" que la diplomatie française.
Jean Quatremer, journaliste à Libération Philippe Askenazy, économiste au CNRS
L'euronationaliste se réjouit de chaque "avancée" européenne, de chaque pas vers un état fédéral. Qu'un observateur plus pondéré, tel que Philippe Askenazy, estime que les mesures prises font ressembler l'Union européenne à une grande dictature "à la Ben Ali", n'est pas de nature à gâcher son plaisir.
Les yeux semblent s'ouvrir sur la férocité de cet euronationalisme, même si c'est un peu tardif : John Monks a tout de même fait avaler pas mal de renoncements au syndicalisme ; contrairement à ce qu'écrit Askenazy, l'Europe n'a pas "changé de projet", la même logique est à l'oeuvre depuis près d'une trentaine d'années. Peu importe.
Mieux vaut tard que jamais pour réaliser que la force des euronationalistes ne résulte que de notre découragement.