La compagnie ferroviaire a publié en février dernier ses résultats pour 2010 : 697 millions d’euros de bénéfice, après une perte de 980 millions en 2009. Meilleure gestion ? Seulement si l’on oublie les 8 milliards d’euros de subvention alloués l’an dernier par l’État et les collectivités locales.
« Épic » : est-ce le jargon de la SNCF pour qualifier le voyage des 600 passagers du Strasbourg-Port-Bou de Noël dernier, qui ont mis plus de 24 heures à rallier la frontière espagnole depuis l’Alsace ? Non, « Épic », c’est le statut de la SNCF, mi-administration mi-entreprise : un établissement public industriel et commercial, dont les tarifs sont fixés par le ministre des Transports. La publication, comme pour toute entreprise, des résultats annuels de la compagnie a donc quelque chose d’étrange. L’entreprise réalise certes un chiffre d’affaires et un bénéfice (+697 millions d’euros en 2010), mais est-il bien crédible quand l’on sait que l’État et les collectivités territoriales ont versé la même année quelque 8 milliards d’euros à la SNCF ?
Pourtant, peu d’informations sont disponibles à ce sujet. Le journaliste de France-Soir Philippe Douroux, qui a écrit un article en janvier sur la question, n’a jamais pu avoir une personne de la SNCF au téléphone pour qu’elle lui donne le détail des subventions publiques.
Seul l’Institut français de recherche sur les administrations publiques (Ifrap) a réalisé des études ayant fait autorité sur le sujet. Philippe Douroux y a relevé des chiffres intéressants :
« Ici, 182 millions d’euros pour faire voyager les militaires. Là, 67 millions pour les tarifs sociaux (familles nombreuses…)*. 5 millions d’euros pour transporter la presse. Ensuite vient le lourd, avec 1,1 milliard accordé par l’Etat au titre des investissements, 3,8 milliards versés par les collectivités locales pour le transport régional et, enfin, 2,9 milliards de contributions de tous les contribuables pour abonder le régime très spécial des retraites des cheminots. »
Ce à quoi il faut ajouter la subvention de 3 milliards d’euros accordée l’an dernier par l’État à Réseau ferré de France (RFF), Épic issu du partage du système ferroviaire français entre les transports (SNCF) et la gestion des voies (RFF). En 1997, la SNCF a légué à RFF une dette de 30 milliards d’euros, à l’origine de cette subvention de l’État à RFF…
Le même tour de passe-passe des comptes a d’ailleurs cours à la RATP, comme l’avait relevé l’an dernier le blog I like your style (Ilys) :
« [L]a RATP aurait gagné 4,433 milliards d’euros, en transportant moins de gens mais en gagnant plus d’argent. Passons sur l’allègre confusion entre CA et bénéfice (“gagner de l’argent”). Les journalistes de Rotschild-Libé — journal lui aussi grassement subventionné sur l’argent de nos impôts — peuvent bien négliger de pareilles misères.
C’est oublier sciemment de dire que sont intégrés dans le calcul du chiffre d’affaires de la RATP les 3 milliards de subventions que cette “régie” a touchés. Lequel CA est donc purement et simplement un chiffre faux et insincère, masquant que la RATP, hors injections d’argent public, perd de l’argent à pleins jets. Cela devrait conduire M. Mongin en prison pour avoir osé le présenter s’il dirigeait une vraie entreprise et pas un mastodonte public budgétivore que l’État exonère de toute réelle comptabilité qui refléterait la réalité des flux d’argent, au profit de bidouillages dont notre comptabilité publique a le secret. Et nos énarques le monopole. »
Roman Bernard
* Qui ne sont pas des subventions au sens strict, mais des réductions, soit l’inverse
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