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Ce drame japonais : Z comme Zen et N comme Nucléaire

Publié le 17 mars 2011 par Alex75

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Le Japon occupe le devant de l'actualité, quatre jours après le séisme historique qui a secoué cet archipel (de 6 852 îles) et le raz-de-marée qui s'en est suivi, le bilan officiel faisant toujours état de 10 000 morts. De nombreuses problématiques se posent, à l'aune de cette catastrophe naturelle. Dans un premier temps, on a envie de rendre hommage au peuple japonais, qui nous a impressionné par sa dignité… Par ailleurs, au-delà de la difficulté à retrouver des survivants, c'est le risque d'une catastrophe nucléaire qui se profile et qui inquiète.

Le Japon nous a effrayé pendant des années, avant la Chine en plus nombreux, innovant dans certaines technologies et sachant les vendre comme personne. Un éphémère premier ministre socialiste, Edith Cresson, les compara un jour à des fourmis. Il est vrai que dans ce malheur qui les frappe, les fourmis montrent une dignité admirable. Pas d'effets de panique, pas de lamentation, même la bourse de Tokyo a ouvert, alors qu'après les attentats du 11 septembre, la bourse de New-York fut fermée durant quatre jours. Nos réactions sont calquées sur celles des victimes, l'émotion est individuelle, pas de compassion ostentatoire. Le drame japonais n'est pas comparable, sur ce point, à celui qui frappa le sud-est asiatique et la Thaïlande, à l'automne 2004. Il n'y a pas d'afflux de dons, de déplacements sur place de personnalités et d'humanitaires en tous genres. Il faut dire que le Japon est un pays riche, à l'épargne colossale. Malgré un endettement énorme, correspondant à 200 % du PIB, qui lui a valu d'être dégradé et déclassé par les agences de notation. Mais ce dont le Japon se moque, car contrairement à nous, il ne se finance que très peu sur les marchés financiers. L'économie japonaise n'est plus ce qu'elle était dans les années 80. Le Japon reste la troisième puissance économique mondiale, mais ne nous fait plus peur. Les Américains ont su briser cyniquement leur élan, en les contraignant à réévaluer leur yen. Les Japonais sont longtemps parus à nos yeux, comme les meilleurs élèves de l'occident. Aujourd'hui, ils sont ramenés à leur fragilité existentielle, de barque sur la mer démontée.

On nous explique que le bouddhisme leur a appris depuis l'enfance, que tout ce qui a une forme, est appelé à disparaître, dans un sentiment d'impermanence des choses, enraciné en eux par les déchaînements de la nature. L'autre pendant à cette catastrophe naturelle, c'est que l'archipel ne semble pas au bout de ses peines. Car le Japon tire son électricité, depuis trente-cinq ans, essentiellement du nucléaire (une quizaine de centrales regroupée sur l'île d'Honshu, autour de Tokyo). La situation s'est aggravée et détériorée dans les deux centrales nucléaires de Fukushima (situées à environ 300 km de Tokyo). Une explosion d'hydrogène a secoué un réacteur, dans l'une des deux centrales. Ce qui relance également le débat sur le nucléaire, notamment en France. Récemment, Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il n'était pas question de sortir du nucléaire. Il a souligné d'ailleurs, que le parc français était le plus sécurisé du monde. Il a ainsi voulu couper l'herbe sous le pied à ceux, qui comme Nicolas Hulot ou Daniel Cohn-Bendit, réclament un référendum sur l'énergie nucléaire en France. C'est aussi l'art de la politique, outre la problématique de fonds. Car les verts ne sont pas, comme l'on croit, que des défenseurs avétérés de la nature, mais avant tout et surtout des politiciens redoutables, rodés depuis leur jeunesse politique aux pratiques militantes de l'extrême-gauche. Seule la naïveté et l'inexpérience politique ont pu faire croire, à la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, que les écolos qu'elle embrassait comme du bon pain et caressait dans le sens du poil, respecteraient les accords tacites du Grenelle de l'environnement. Qui avait vu le gouvernement échanger la lutte contre le réchauffement climatique, contre le silence des associations contre le nucléaire.

Les écologistes se battent depuis quarante ans contre le nucléaire, ils ne veulent pas perdre cette légitimité. Le drame du Japon leur permet de réinstaller une peur dans l'inconscient collectif. Mais la problématique énergétique est certes complexe, on ne peut le nier. Historiquement, toute énergie devient d'ailleurs très vite enjeu de conflit. Le charbon est l’un des causes majeures des conflits franco-allemands du XXe siècle, et le pétrole est une des clefs de la plupart des interventions militaires américaines depuis 1945. Dans les années 70, cette option nucléaire hexagonale fut un vrai débat, parfois très dur. Le choix nucléaire de Pompidou fut sans doute le dernier héritage du XIXe siècle, quand confiance dans le progrès scientifique et volontarisme politique se tenaient la main. Cette option pompidolienne nous a valu depuis quarante ans, une indépendance énergétique, que nous ont longtemps envié nos voisins.  Notre consommation d'électricité provient à 85 % de nos centrales nucléaires. Notre électricité était auss moins chère qu'ailleurs. C'était un autre avantage. Car la cause principale de l'augmentation récente de nos factures d'électricité, n'est pas à chercher dans la réflexion de nos vieilles centrales, mais plutôt dans la politique de concurrence obstinément poursuivie par la commission de Bruxelles. Les révolutions arabes devraient également annoncer un choc pétrolier.

Mais qui sait, le drame japonais pourrait s'avérer la chance de l'industrie nucléaire française, qui avec l'EPR (centrale nucléaire nouvelle génération) a fait justement le choix de la plus grande sécurisation possible. Et c'est pour cette raison que ce produit français coûte plus cher, que ces rivaux moins sophistiqués. En 2009, Abou Dhabi a préféré une centrale coréenne moins chère, mais moins sûre, et l'Afrique du sud a été tentée par un concurrent chinois. Il est  vrai que les retards des chantiers d'Areva en Finlance, et les surcoûts de celui d'EDF à Flamainville affaiblissent le poids de l'expertise nucléaire française, déclarait récemment François Fillon. Mais ce qui est sûr, c'est que la réponse est bien davantage dans les mains de nos ingénieurs et spécialistes, que dans celles des écologistes ou même de nos ministres.

   J. D.


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