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Résilience japonaise

Publié le 16 mars 2011 par Egea

Le mot résilience s'impose pour aborder la question de ce qui se passe au Japon : au moins pour "tester" le concept, cette invention du Livre Blanc. Je précise tout de suite que je n'ai jamais été vraiment convaincu de la chose.

Résilience japonaise

D'ailleurs, je note que le seul endroit où j'ai lu le mot "résilience" se trouve dans l'analyse économique des conséquences de la crise, ce soir, dans le Monde, où le journaliste évoque la "résilience économique" du pays.

1/ Tout d'abord, j'ai découvert grâce à un excellent article dans Libé de ce matin que "Face à la catastrophe, l’homme ne panique pas" (par Jacques Lecomte, président de l'association française et francophone de psychologie positive). En effet, nous présupposons trois réactions face aux catastrophes : "la panique générale ; l'augmentation importante de comportement égoïstes, voire criminels; le sentiment d'impuissance dans l'attente des secours". Or, il faut constater que s'il y a des peurs, cela ne signifie pas des "paniques" mais qu'on observe au contraire des gens certes effrayés, mais qui réagissent calmement et rationnellement ; qu'il n'y a pas multiplication de pillages mais au contraire, développement de comportements de solidarité et d'altruisme. Bref, nos présuppositions sont fausses, alors qu'elles constituent nolens volens l'hypothèse de départ de la résilience.

2/ Le plus surprenant actuellement constitue l'alchimie de la population japonaise :

  • elle conserve un comportement extrêmement discipliné, avec le "culte du travail" et des Japonais qui, quoiqu'il arrive, vont au travail et passent même la nuit à l'hôtel, à proximité, à cause de l'impossibilité de rentrer chez eux.
  • on dénote toutefois les premières réactions d'impatience devant la communication défaillante des autorités
  • et les prémisses de mouvement de populations pour s'éloigner des zones à risque
  • enfin, un calme apparent vis à vis de la catastrophe nucléaire, dans un pays pourtant hautement sensibilisé à la question

Au total, alors que le pays notamment au nord a subi un tremblement de terre, puis un tsunami ravageur et maintenant une crise nucléaire exceptionnelle, il continue à "vouloir vivre normalement", conformément à "ce qui doit être" et conformément à son génie national.

3/ Venons en à la résilience. De l'ouvrage de Joseph Henrotin, dont j'avais rendu compte, je me souviens de deux choses :

  • les difficultés interviennent vraiment quand la population est totalement surprise: les attaques sur Londres de 1917 ont provoqué plus de dégâts que la campagne aérienne de 1940 : pour cette dernière, la population savait que "ça allait mal se passer". C'est un peu le même sentiment qui doit animer les Japonais actuellement, même si on ne sait si cette attitude tiendra si ça va de mal en pis, ce qui est le scénario depuis une semaine, maintenant.
  • le gouvernement doit "gérer la crise" avec une politique habile de communication et la mobilisation de tous les moyens. Il semble qu'en l'espèce, le gouvernement japonais touche ses limites. Déjà, l'État japonais n'est pas réputé pour sa grande réactivité ni pour la stabilité de son système politique, et le gouvernement actuel connaissait de grandes difficultés politiques juste avant la crise. Sa communication de crise paraît erratique. Surtout, la fierté japonaise empêche visiblement de poser des diagnostics réalistes, ce qui empêche par voie de conséquence d'évaluer les solutions possibles. L'absence de sollicitation des aides étrangères illustre cet état d'esprit, tout comme le sentiment qu'il donne d'être toujours en retard d'une décision dans le traitement des difficultés nucléaires à Fukushima.

La conclusion est paradoxale : en terme de résilience (et je rappelle à nouveau mes réticences envers l'utilité pratique de cette notion), la population japonaise donne l'impression de mieux réagir que son gouvernement !

NB: j'ai commencé la lecture de "Géopolitique du Japon" de Barthélémy Courmont, chez Artège, qui me semble indispensable ces temps-ci

O. Kempf

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